Point de vue intéressant, Biosmog, je vais me permettre de réagir.
Biosmog a écrit :
Je vais prendre l’exemple des femmes maghrébines habitant en France. Le but c’est d’exposer mon point de vue, mais il peut être étendu à tout sexe et à de nombreux pays, avec des modalités de mécanismes différentes.
Dès le début, je trouve que cette remarque est un peu schizophrène, puisque tu vas développer un exemple très précis et argumenté d'un point de vue sociologique, mais en disant que finalement c'est valable pour beaucoup d'autres cas. Ce qui, de mon point de vue, est difficilement compatible.
Citation:
En tant qu’Arabes résidant en France, les femmes maghrébines font l’expérience d’une forme de duperie où le discours universaliste républicain répété inlassablement à l’école, par les responsables politiques, par les médias n’est pas du tout suivit d’effet. Elles appartiennent à une classe de sous-citoyen, vivant dans des conditions modestes, dans des zones ghettoïsées, avec extrêmement peu de perspective d’intégration dans la société française. Non seulement leur condition est en contradiction de fait avec le discours intégrateur, mais on les accuse de profiter de la mansuétude de l’Etat avec les allocations, aides à l’emploi, sécurité sociale, alors qu’on leur démontre tous les jours, de fait, qu’on ne leur offre pas la possibilité de vivre sans, dignement.
Je suis assez d'accord (sauf sur terme "sous-citoyen"), à la grosse différence près que tu remplaces Arabe par "personnes d'origines étrangères issues de pays plus pauvres que la France", et tu enlèves "maghrébines", ça reste tout aussi vrai : le modèle patriarcal sénégalais, italien ou portugais s'exporte très bien ici aussi, en tous cas jusqu'à l'avant-dernière génération (et encore, un de mes ex-collègues de bureau, d'origine portugaise, était capable de m'expliquer droit dans les yeux qu'une femme ne devait pas travailler pour s'occuper des enfants. Plus jeune que moi, le bougre). C'est aussi un comportement qu'on retrouve aux Antilles, de façon assez marqué, et pourtant là on est clairement en France, et par des français.
Pour le coup, ma remarque est en accord avec ton premier paragraphe cité plus haut, ce qui devient paradoxal par rapport à ton raisonnement...
Citation:
En tant que femmes, elles sont confrontées à un modèle de société d’accueil qui est patriarcal, qui assigne les femmes à un rôle de soumission sexuelle. L’identité d’une femme occidentale doit passer par un certain nombre d’accessoires qui relèvent leur caractère d’objet et étouffe leur indépendance : avez-vous déjà essayé de ne pas avoir froid et de courir en décolleté, muni de talons, de mini-jupe ? avez-vous déjà réfléchi à ce que signifie le fait de mettre du rouge à lèvre ? Quand elles trouvent un emploi, elles savent qu’à condition égale, elles recevront moins qu’un homme, mais surtout, qu’elles auront toutes les peines du monde à trouver un emploi à condition égale d’un homme.
Pourquoi pas, c'est une façon de voir la place exacte de la femme dans la société française, à laquelle je ne souscris pas totalement car elle me semble quand même réductrice et bardée de noir sans nuance de gris. Je ne pense pas qu'une femme en France aujourd'hui se résume à ce que tu décris, tout en étant tout à fait conscient que la société française est profondément machiste sur certains points (monde du travail, comportements quotidiens dans la rue).
Citation:
Etre femme musulmane c’est subir deux fois plus la domination masculine (« les arabes sont toutes des putes » dans l’imaginaire machiste occidental) et subir deux fois plus la domination « économico-ethnique » (être une dominée économique parmi les dominés économiques).
Sur ce point, je pense que tu affirmes quelque chose qui est très difficile à montrer : c'est un ressenti et de l'expérience personnelle (comme tu l'indiquais dans un post précédent), mais Est-ce synonyme de vérité? A titre personnel, j'ai rencontré autant de connards qui voyaient une "pute" chez une belle blonde nordique (poncif, je sais) que chez une belle brune marocaine.
Et puis "imaginaire machiste occidental" ne m'inspire rien, on pourrait retirer "occidental" : pour un homme habitué à évoluer dans un univers machiste, les femmes ne sont pas des "putes", mais ont des rôles bien précis qui, pour certains de ces hommes, sont indispensables pour que la société tourne bien, voire même ont une grande valeur morale (élever les enfants, par exemple).
Citation:
Face à ça, on leur propose de renouer avec leur communauté de destin. On leur propose de ne plus s’habiller en objet sexuel des hommes, selon le désir des hommes, mais de s’habiller selon la volonté de « dieu ». On leur offre une réponse à ce qu’elles vivent concrètement tous les jours dans la rue (sifflement, comportement machiste). On leur offre une place au quotidien, une identité et un rôle, une perspective de réalisation alternatif (et cohérent) à ce qu’elles vivent au quotidien, avec cet enfermement économico-ethnique concret mais invisible que leur soumet la société française jour après jour.
C'est la partie de ton raisonnement que je comprends le mieux, mais à une (grosse) nuance près : je ne vois pas en quoi les maghrébines, une fois de plus, seraient plus touchées que d'autres types d'immigrées. Les grand-mères calabraises et andalouses voilées et habillées de noires vivent déjà ce quotidien, le défendent dans leur pays contre les influences de la modernité.
Ce que tu décris, c'est le fait que certaines personnes ne parviennent pas à s'échapper de leur carcan culturel pour évoluer, car c'est finalement beaucoup plus facile, et d'autant plus si le monde autour d'elle leur paraît indigne d'intérêt, voire hostile. Est-ce un mal pour autant?
Il ne faut pas se leurrer, on en est tous un peu là au fond de nous-mêmes : le plus difficile a toujours été de trouver sa place d'un point de vue personnel au sein d'une société en perpétuelle évolution, évolution sur laquelle on n'a que bien peu de prise. Si une femme d'origine maghrébine décide de conserver son voile (par exemple), pour une somme de raisons qui lui sont propres et personnelles et qu'elle est capable d'exprimer clairement, qui sommes-nous pour lui dire qu'en fait c'est parce qu'elle est doublement opprimée et qu'elle ne s'en rend pas compte? Ai-je plus raison qu'elle si elle me répond que je pense comme ça car je n'ai pas de croyance profonde et que mon mode de vie n'a aucun sens du point de vue spirituel?
La société française (ou népalaise, ou troglodyte) nous soumet à tous des enfermements économico-culturels au quotidien : on l'accepte tant que ça nous convient, jusqu'au moment où on ne l'accepte plus et où une action est nécessaire (départ, vote radical, révolution urbaine, etc...).