Encore un article de Quillette !
Comme je sais que vous ne vous en lassez pas...
Andrea Dworkin
À une époque où le féminisme semble évoluer dans une direction de plus en plus répressive, une nouvelle anthologie des écrits de Dworkin, "
Last Days at Hot Slit", publiée plus tôt cette année, offre un éclairage utile sur l'écriture et la pensée de l'un des auteurs les plus influents, radicaux et controversés du mouvement (...)
Dworkin est surtout connue pour sa campagne féroce contre la pornographie, qu’elle a accusée de complicité dans l’oppression des femmes.
Aux côtés de l'avocate Catharine Mackinnon, elle a travaillé sans relâche pour discréditer et interdire la pornographie, ce qui signifiait toute représentation sexuelle de femmes, dépeinte sur n'importe quel support. Dworkin, Mackinnon et leurs partisans (les «Macdworkinites») ont fortement indisposé la gauche en formant des alliances avec la droite chrétienne et l'administration Reagan, au moment même où les féministes s'unissaient pour défendre Roe vs Wade contre ces mêmes pouvoirs.
Ce réalignement politique a catalysé une division interne néfaste au mouvement féministe, entre ses tendances «anti-sexe» et «sexo-positives».
Dworkin et Mackinnon ont créé le langage et la méthodologie du féminisme favorable à la censure. Entre leurs mains, le féminisme a été subtilement transformé d’une déclaration de pouvoir et de pouvoir féminins en une focalisation sur la faiblesse féminine - une vision désormais établie comme un aspect saillant de la pensée féministe mainstream.
Dans leurs discours, les femmes étaient si faibles et si opprimées que l’État devait intervenir pour les défendre contre la pornographie. Cette évolution a consterné les féministes libérales. (...)
L’écriture de Dworkin n’exprime aucun doute et ne cherche jamais à se justifier. C’est une déclaration de vérité absolue, irréfutable et indéniable, telle que l’observait Andrea Dworkin (...)
Il n’y a nul besoin d’objectivité, de preuve ou de doute. La vérité était révélée et non pas découverte, et elle était déterminée à la proclamer. On ne pouvait pas l'interroger parce qu'elle ne laissait aucune place aux questions.
Comme le prophète de l'Ancien Testament invectivant sa société et son entourage pour sa turpitude morale, elle était extrêmement confiante, car la vérité venait de l'intérieur d'elle-même et la vérité était la parole de Dworkin.
À maintes reprises, ses arguments s'appuient sur de vastes généralisations non examinées. Son point de vue était son expérience, et son expérience était l'expérience définitive de chaque femme, à jamais. Dans
Intercourse, elle a décrit les hommes comme occupants et les femmes comme occupées. Son raisonnement n'était rien de plus que le fait que le pénis entre dans le vagin ; que les vagins sont des trous et que le coït est donc
ipso facto un acte de violation (...)
Il semble que Dworkin ait créé le plan de la pensée féministe ultérieure, dans lequel remettre en question l'hypothèse centrale de la domination masculine s'apparente à un blasphème.
Elle n'a pas reconnu ni tenté d'expliquer pourquoi un système conçu par les hommes pour assujettir les femmes produisait autant de conséquences défavorables pour les hommes (par exemple, les hommes ont une espérance de vie nettement inférieure et sont beaucoup plus susceptibles d'être emprisonnés, ce qui dans les 2 cas n’est pas un indice de privilège).
Elle ne pensait pas non plus que le pouvoir des femmes de vendre du sexe pouvait être perçu comme un droit ou un privilège plutôt que comme un mode d’oppression, car elle ne reconnaissait pas un monde dans lequel les femmes avaient un quelconque pouvoir.
Son dédain pour le raisonnement scientifique est rendu plus évident par l’absence de celui-ci tout au long de son travail. Parfois, elle allait plus loin et indiquait explicitement son mépris de la rationalité. (...)
Je pense qu'elle a gagné. Même le féminisme «sexo-positive» semble avoir peu de chances de survivre au traumatisme culturel du mouvement #MeToo - la plupart des féministes acceptent apparemment maintenant l'affirmation de Dworkin selon laquelle tout comportement sexuel «problématique», de la drague maladroite au viol, doit être éradiqué avec la même intransigeante tolérance zéro."
Jerry Barnett, traduction d'Isabelle Mulier.
https://quillette.com/2019/05/(...)ERhtA