Biosmog a écrit :
Rien à voir avec ton dernier message Skelter, qui tend justement à recadrer les choses de la bonne manière (j'écris ça car j'ai commencé à rédiger juste après ton message, mais entretemps, d'autres messages ont été écrits).
Depuis peu, j'ai l'impression que la célèbre "c'est dur d'être aimer par des cons" s'applique de plus en plus à Charlie lui-même....
Il y a un malaise qui est en train de naître. Enfin je n'arrive pas vraiment à l'exprimer clairement, je vais essayer en deux mots.
Il y a comme un cirque bien pensant qui est en train de se constituer autour de Charlie Hebdo. Or Charlie Hebdo s'asseyait sur les bons sentiments, la bien-pensance, mère de toutes les dictatures. C'était là liberté-même, aussi dans ce qu'elle a de choquant.
Il y a une semaine encore, avoir Charlie Hebdo sous le bras, c'était passer pour un adolescent un peu scato et attardé. Cette unanimité soudaine autour de ce petit journal qui survivait difficilement, qui était méprisé par les bons bourgeois choqués de voir dessiné en une des chiottes est trop facile à comprendre. Elle est un peu du même ordre que ceci:
http://www.ebay.fr/sch/i.html?(...)rt=nc
Bref, ça devient lourd. Je ne crois pas qu'ils auraient apprécié cette récupération de masse.
Charlie Hebdo aurait tiré par exemple sur l'hystérie policière d'hier, les dizaines de fourgons de gendarmeries mobilisés pour neutraliser une seule personne. Ce n'est qu'un exemple.
Je ne suis pas d'accord.
Au-delà du détail de la dernière phrase qui me paraît absurde (il y'avait certes UN type à neutraliser ... avec une QUINZAINE d'otages à sauver - alors oui les dizaines de fourgons étaient totalement justifiés) j'ai plutôt l'impression que beaucoup de monde s'était endormi, avait oublié ce qu'était Charlie pour la France, ce qu'étaient (ou avaient été ) pour les jeunes coincés dans la société pas folichonne des sixties et seventies (contrairement à ce que les raccourcis modernes laissent croire, c'était une époque autrement plus guindée et répressive qu'actuellement!) les Cabu ou Wolinski (et j'y associe évidemment les disparus Reiser et Cavanna). Un formidable vent d'air frais, un coup de pied dans les couilles de tous les peine-à-jouir, les petits chefs, les emmerdeurs patentés de la planète.
Charlie était devenu un élément du décor quotidien quoi. Et il a fallu qu'on tente de l'assassiner pour que les français (et pas seulement) réalisent soudain que Charlie, c'est leur ADN, c'est "en France et nulle part ailleurs": un tel journal, un tel esprit est unique au monde.
Et voilà pourquoi instantanément des millions de gens se sont rappelé que quelque part au fond d'eux-mêmes, ils sont Charlie. On oblige pas tout le monde à l'être: certains font certainement bien de s'abstenir car leur hypocrisie se verrait trop. Mais ne pas comprendre que Charlie est un formidable symbole français, c'est peut-être ne pas être tout à fait français, ou ne pas accepter Rabelais, Voltaire ou Vian. C'est peut-être ne pas avoir la capacité d'abord de rire de soi-même, condition indispensable à l'ouverture aux autres.
Quant à Charlie: on verra au prochain numéro s'ils ont bien survécu. Si c'est le cas, fidèles à eux-mêmes, il se payeront la tronche des hommages. Et ceux qui s'offusqueront n'auront une fois de plus rien compris.
In rod we truss.
"Quelle opulence" - themidnighter
"It's sink or swim - shut up!"