Ah, oui, fumer la fumée...
Point n’ai souci ni besoin : la réalité et sa cadence infinie me suffisent au-delà de toute mesure.
Ainsi, certains se tiennent-ils sans doute en sentinelle dans les marges du poème et de ses obscurités à l’eau de roche, ou de rose, c’est selon.
Bref, une forme de cartel à ciel ouvert.
Un chemin de ronde comme de routine et, plus loin, toisé avec patience, "Il deserto dei Tartari".
Mais j’y mettrai plutôt Cesare Pavese :
«C’è un giardino chiaro, fra mura basse,
di erba secca e di luce, che cuoce adagio
la sua terra. È una luce che sa di mare.
Tu respiri quell’erba. Tocchi i capelli
e ne scuoti il ricordo.
Ho veduto cadere
molti frutti, dolci, su un’erba che so,
con un tonfo. Così trasalisci tu pure
al sussulto del sangue. Tu muovi il capo
come intorno accadesse un prodigio d’aria
e il prodigio sei tu. C’è un sapore uguale
nei tuoi occhi e nel caldo ricordo.
Ascolti.
La parole che ascolti ti toccano appena.
Hai nel viso calmo un pensiero chiaro
che ti finge alle spalle la luce del mare.
Hai nel viso un silenzio che preme il cuore
con un tonfo, e ne stilla una pena antica
come il succo dei frutti caduti allora.»
(Qu’on peut risquer de traduire ainsi :
«Il est un jardin clair, herbe sèche et lumière,
entouré de murets, qui réchauffe sa terre
doucement. Lumière qui évoque la mer.
Tu respires cette herbe. Tu touches tes cheveux
et tu en fais jaillir le souvenir.
J'ai vu
bien des fruits doux tomber sourdement sur une herbe
familière.
Ainsi tressailles-tu toi aussi
quand ton sang se convulse. Ta tête bouge
comme si, tout autour, un prodige impalpable avait lieu
et c'est toi le prodige. Dans tes yeux,
dans l'ardent souvenir, la saveur est la même.
Tu écoutes.
Les mots que tu écoutes t'effleurent à peine.
Il y a sur ton calme visage une pensée limpide
qui suggère à tes épaules la lumière de la mer.
Il y a sur ton visage un silence qui oppresse
le coeur sourdement, et distille une douleur antique
comme le suc des fruits tombés en ce temps-là.»)
J'aurais dû faire plutôt le cabot avec un autre Cesare, à crampons celui-là, Maldini.
«Wir leben unter finsteren Himmeln, und –es gibt wenig Menschen. Darum gibt es wohl auch so wenig Gedichte. Die Hoffnungen, die ich noch habe, sind nicht groß. Ich versuche, mir das mir Verbliebene zu erhalten. »
Paul Celan, 18 mai 1960, Lettre à Hans Bender.