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Un bel enfant est mieux protégé par ses parents, affirment des sociologues
LE MONDE | 14.05.05 | 13h12 • Mis à jour le 14.05.05 | 16h39
ans les travées des supermarchés canadiens évoluent parfois, en toute discrétion, de singuliers clients. Leur profession : socio-psychologues. A Alberta, certains d'entre eux se sont ainsi préoccupés de l'assiduité avec laquelle les parents, venus faire leurs courses avec leurs enfants en bas âge, utilisent la ceinture de sécurité équipant les chariots à roulettes. D'où il ressortirait que les parents sont d'autant plus attentifs à prévenir les accidents menaçant leurs petits que ces derniers présentent un physique avenant.
A visages ingrats, parents négligents ? Après avoir observé, dans 14 supermarchés, plus de 426 familles, et attribué à chacun des enfants (âgés de 2 à 5 ans) une note esthétique allant de 1 à 10, les chercheurs ont corrélé cette note à la fermeture ou non de la ceinture. Selon Andrew Harrell, maître d'œuvre de cette étude au département de sociologie de l'université d'Alberta, les résultats, présentés lors d'un récent colloque et rapportés par le New York Times (daté du 3 mai), sont limpides.
Les mères, affirme-t-il, attachent 13,3 % des enfants ayant de jolies frimousses, contre seulement 4 % de ceux ayant un physique moins avantageux. Lorsque les pères sont aux commandes, ces pourcentages tombent à 12,5 % et... 0 %. Pour ceux qui seraient tentés de croire que ces chiffres ne démontrent rien, sinon que l'usage de ladite ceinture n'est pas vraiment entré dans les moeurs (environ 30 000 enfants seraient blessés, chaque année, dans des accidents de chariot aux Etats-Unis et au Canada), le chercheur oppose un argument imparable : les enfants libres de marcher entre les rayons n'ont pas, eux non plus, droit aux mêmes attentions, les plus attrayants étant là encore mieux surveillés que les autres.
L'importance croissante accordée à l'apparence physique influerait-elle sur le comportement des parents ? Ou a-t-elle seulement contaminé le regard des sociologues d'Alberta ? Les conclusions de leurs travaux sont en tout cas loin de faire l'unanimité. D'autant que Andrew Harrell leur donne une interprétation fortement teintée d'évolutionnisme, elle aussi très discutable.
Ce dernier affirme sans rire que si les parents, de manière inconsciente, protègent mieux les beaux enfants, c'est que ces derniers représentent un meilleur potentiel génétique et, donc, une meilleure garantie pour la survie de l'espèce. Encore faudrait-il, pour que cette hypothèse soit prise au sérieux, que "les gens laids se reproduisent moins que les gens séduisants, ce dont je doute fort" , rétorque le primatologue Frans de Waal (Emory University, Atlanta).
D'autres chercheurs objectent que les critères esthétiques retenus par l'équipe d'Alberta sont forcément subjectifs. D'autres encore que leurs travaux ne prennent pas en compte le statut socio-économique des familles observées.
Pour sa part, la psychanalyste française Claude Halmos ne croit pas que les parents, sauf cas exceptionnel, aiment plus ou moins leur progéniture en fonction de l'apparence. En revanche, elle est convaincue que les petits, quels que soient leurs traits, irradient d'autant plus de grâce et de joie de vivre qu'ils sentent que l'on s'occupe bien d'eux. "C'est l'amour qui rend beau, et non le contraire !" , affirme-t-elle. Attachez les ceintures de sécurité de vos enfants, et la beauté sauvera le monde.
Catherine Vincent
intéressant, je trouve. Mais apeurant, en un sens.