L'opiniâtre, qui confond la force de l'esprit et l'inflexibilité, est condamné avec une égale fermeté par le philosophe sceptique La Mothe Le Vayer, qui décèle dans l'attachement passionné des esprits dogmatiques à leurs opinions l'effet de l'amour-propre, « cet amour de nous-même et de tout ce qui vient de nous ».
Conscient de la diversité des jugements et de la relativité des points de vue, le sage sait se plier à l'usage et à la coutume et, suivant la recommandation d'Épictète, il s'accommode avec douceur avec ceux qui ont une opinion différente de la sienne. Cette souplesse dans les échanges humains est le propre des esprits supérieurs, semblables à cet égard aux métaux « dont le plus noble est le plus flexible de tous », alors que les personnes incapables de ployer « ont des âmes ferrées, d'autant plus viles qu'elles sont d'une invincible dureté ».
Molière, qui estimait La Mothe Le Vayer et qui possédait ses Œuvres, a prêté à Philinte un « flegme philosophe » dont on peut penser qu'il s'inspire, en profondeur, de cette vertu supérieure de la morale sceptique, « cette belle indifférence, cette souplesse d'esprit, laquelle, nous rendant commodes et sociables partout, nous donne encore une assiette reposée, en laquelle consiste la souveraine félicité ».
Jacques Chupeau, préface au Misanthrope, folio, 1996.