La théorie du bouquin dont je voudrais débattre en agacera probablement plus d'un, comme j'ai moi même été agacé au début de sa lecture.
Ce bouquin, que les enseignants le connaissent peut-être déjà, s'intitule
La fabrique du Crétin.
Il s'agit bien évidemment d'une critique du système éducatif, dans la voie qu'il prend depuis le milieu des années 1970.
Comme je l'ai déjà dit, au début de la lecture, j'ai eu un haut le coeur. ça m'avait l'air d'un pamphlet droito-conservatisto-âge d'oriste, assez peu argumenté et étayé.
Mais force m'est de constater qu'au fur et à mesure de la lecture je me laisse convaincre que tout n'est pas cliché et exagération.
D'abord, l'auteur n'est pas un journaliste qui veut faire du fric en tapant sur la table.
Non, Jean-Paul Brighelli est normalien (Fontenay), agrégé de lettres, enseignant depuis trente ans à tous les niveaux, du primaire à l'université, dont 15 ans passés en ZEP (lycée des tarterêts, Corbeil/ Montgeron Ulis). Il est aussi l'auteur de plusieurs manuels scolaires.
Je tente de résumer son propos, sa thèse en quelques points.
- depuis la réforme Haby de 1975, le nombre d'heures de cours des matières fondamentales (lettres, langues, maths, français) baisse très sensiblement. Ont été ajoutées des matières liées à la technologie, trop de "sorties" avec les élèves.
- le changement de l'éducation tient selon à la lutte contre un prétendu ennui des élèves en classe, qu'il faudrait contrecarrer de trois façons. Plus de sorties, plus de proximité avec l'élève (étudier du rap, des films...) => l'objectif est de s'adapter à l'élève, et non plus qu'il s'élève au niveau du prof => et donner plus de valeur à l'opinion de l'élève. L'auteur semble se hérisser en entendant fréquemment le "c'est votre opinion pas la mienne", ou des élèves de 12 ans parler d'avoir "sa" personnalité". En gros, tout est légitime, quelle que soit la personne qui parle, son expérience.
- l'enseignement est mathématiquement moins performant qu'il y a trente ans. On entrait naguère en école normale d'instituteurs (ancien IUFM) en fin de 3eme. Aujourd'hui, il faut au minimum une licence ! Or l'allongement des études n'est qu'un mensonge orchestré en haut lieu.
Là où un bac suffisait il y a trente ans, une maîtrise suffit à peine aujourd'hui. En gros, on fait faire aux étudiants des années d'études inutiles, mais nécessaires parce qu'on a renoncé à toute sélection a priori des élèves, et qu'il faut discrètement faire passer la pilule que nous ne sommes pas tous égaux face à l'enseignement.
- le contenu des manuels scolaires devient plus pauvre, quantitativement et qualitativement. Le Lagarde et Michard a progressivement été remplacé par des bouquins à peu près 4 fois moins denses.
Ce qui fait les choux gras des éditeurs de manuels scolaires, de cahiers de vacances...etc.
En outre, la région, qui paie les bouquins, fait des économies (papier) quand le bouquin est mince.
Ce dont disposaient les élèves il y a trente ans serait aujoud'hui (et encore) contenu dans le manuel réservé à l'enseignant.
- les enfants lisent de moins en moins et leur niveau d'orthographe baisse, le nombre d'heures passés sur la télévision, internet, les jeux, dehors, réduisent mathématiquement le nombre d'heures de lecture.
Ils n'ont plus les mots pour se défendre, pour pouvoir eux-mêmes rédiger une lettre à un avocat où aux prud'hommes quand on les virera.
- ON VEUT que le niveau des élèves baisse, à droite comme à gauche, pour plusieurs raisons.
=> celui qui ne sait pas ne peut se révolter. Il est à la merci des puissants, des discours électoralistes
=> l'économie a essentiellement besoin d'exécutants, et pas de cadres. On veut donc faire en sorte que le plus d'élèves restent à un bas niveau. C'est l'objectif des bacs multiples (30!) et donc spécialisés, de l'abaissement de l'âge de l'apprentissage, de l'adaption des programmes aux besoins de l'économie.Or selon l'auteur, c'est quand on a reçu une formation généraliste qu'on est à même de faire face à toutes les situations.
=> on donne le bac à tous les élèves, dans la mesure où accueillir les redoublants impliquerait des frais impossibles à tenir. Plus d'enseignants pour l'Etat, plus de lycées à construire pour les régions qui n'ont pas les moyens...
La carte scolaire et les ZEP permettent d'organiser volontairement une endogamie sociale. Seuls les riches peuvent mettre leurs enfants à Henri IV ou Louis le Grand.
L'auteur donne de nombreux exemples.
- Ainsi celui de la Bretagne, où le taux de réussite au bac était "anormalement élevé" aux dernières sessions. Le ministère à diligenté une enquête. Il en est ressorti que le taux d'enseignants proches de la retraite, appliquant les bonnes vieilles méthodes, était très élevé.
On a alors prescrit des formations aux sorties scolaires, à l'école comme lieu de vie etc...
- extrait d'un rapport d'inspection : " la mission du professeur a évolué en fonction des mentalités et des besoins de la société. Il ne s'agit plus de dégager une élite capable d'absorber et d'utiliser par elle-même des connaissances valorisées" SIC.
- l'auteur affirme que le taux de réussite au bac serait de 50% si les notes réelles étaient conservées.
- en 1998 et 2005, l'association "sauver les lettres" a fait faire une dictée à 2500 élèves, donnée au BEPC de 1988.
En 1998, 26% de 0. EN 2005, 56%. et en 2010???
Pour que les élèves aient les mêmes notes, en 1999, la dictée est passée de 150 mots à 63.
Mais ça ne suffit plus, alors on propose de compter les mots justes.
bref, l'éducation nationale, un foutage de gueule? Enseignants, qu'en pensez-vous?
" Raphaël" 5e vendeur de disques en 2005. Pauvre France.