Historique de la situation
Afin de mieux apprécier le contexte, je vous invite à consulter nos articles parus sur le sujet depuis 2018 où nous avions eu vent d'une enquête menée par la CMA (équivalent DGCCRF en Angleterre) pour pratiques anticoncurrentielles concernant 5 distributeurs/fabricants d'instruments de musique dont les locaux ont alors été perquisitionné. Les informations ont été recoupées en exigeant de 14 magasins importants de fournir des détails sur les relations commerciales qui lies liaient à ces 5 entreprises. Puis en 2019 on apprend qu'un cadre de Fender Europe aurait caché des informations aux enquêteurs, ce qui coûtera £25,000 à Fender. Une goutte d'eau pour l'entreprise américaine comparée aux £4.5 millions d'amende en 2020 au terme de l'enquête. En 2021, c'est au tour de l'office anti-cartel allemand d'infliger 21 millions d'euros d'amendes cumulées pour le même motif d'entente sur les prix de vente à Fender, Roland, Yamaha, Thomann et Music Store, preuve que cette pratique ne se limite pas au Royaume-Uni.
PGMBM attaque collective contre Fender
Aujourd'hui en 2022, le cabinet juridique PGMBM attaque à son tour Fender en justice sur la base que les prix de vente étant fixés par Fender, les acheteurs ont donc payé plus cher qu'ils n'auraient pu si les magasins en ligne ou directement en boutique avaient pu librement déterminer leur prix de vente ou pratiquer des promotions, conformément aux lois britanniques et européennes. Sur son site guitarclaimlawyers.com PGMBM indique que si vous avez acheté en Angleterre ou à l'étranger une guitare électrique, une acoustique, une basse, un ampli ou des accessoires Fender neufs entre le 12 janvier 2013 et le 17 avril 2018, vous êtes potentiellement éligible à recevoir une compensation au terme de cette procédure. De même si vous avez acheté d'autres produits similaires neufs d'autres marques (car le produit Fender était trop cher avec son prix fixé ?) vous êtes également invité à vous inscrire sur le site.
Combien ça coûte ? Comment s'inscrire ?
L'inscription est automatique et sans frais pour toutes les ventes effectuées au Royaume-Uni (à de rares exceptions près : employés des entreprises concernées par ex.). Pour les achats à l'étranger, il faut s'inscrire gratuitement sur le site et s'armer de patience, ce genre de procédures sauf accord prend généralement plusieurs années avant d'aboutir. En cas de succès, les participants recevront l'intégralité des sommes dues, en cas d'échec une assurance couvrira les frais juridiques de Fender. Les frais du cabinets sont eux pris en charge par North Wall Capital à hauteur de £6.5 millions et j'imagine n'étant pas juriste que cette "générosité" fait elle aussi l'objet d'une assurance ou d'un éventuel remboursement par Fender Europe. Comment seront évaluées les indémnités ? Ça n'est pour le moment pas précisé...
Et les prix en France alors ?
Comme évoqué en 2020, c'est une question difficile et même un problème auquel sont confrontés en premier lieu les magasins de musique. Vous savez ceux qui disparaissent les uns après les autres et que la crise sanitaire, avec l'envol des livraisons, a sans doute fragilisé encore un peu plus… Avoir un prix de vente fixe permet d'assurer une marge minimale à tous les revendeurs de la marque en question. C'est le fameux prix MAP pour Minimum Advertised Price que pratiquent les américains : sur les sites en ligne ou dans les publicités, tout le monde au même prix. Ça évite la guerre des prix où ceux qui font des volumes peuvent compenser ailleurs leurs marges plus faibles sur certains produits, quand pour d'autres c'est plus compliqué car chaque vente compte…
Quand un magasin passe une heure à conseiller un musicien, lui fait tester du matos et qu'au final la personne sort son smartphone pour montrer que c'est moins cher ailleurs, on peut comprendre que ça fasse grincer des dents. Tout comme on peut comprendre que les consommateurs n'aient pas envie de payer plus cher… Mais si au final tous les "petits" (non péjoratif) disparaissent, on se retrouvera finalement avec un quelques "gros" magasins en situation de monopole ou quasi monopole, et pour le coup on n'aura pas le choix pour aller voir ailleurs et faire jouer la concurrence… Au risque de me répéter, ce n'est vraiment pas simple quand on prend le problème dans sa globalité et pas juste en regardant les intérêts isolés des uns ou des autres… Alors si jamais vous touchez un peu d'argent avec cette action collective en justice, peut être que vous pourrez le réinvestir dans des achats dans les magasins ?