Bonjour à tous,
Je suis ce forum depuis longtemps mais sans vraiment y intervenir.
Pour une fois je me décide a contribuer un peu sur ce sujet (le commerce des instruments de musique en France via ce dilemm Thomann/woodbrass a l'initial).
Je vous propose de vous donner mon analyse sur le pourquoi on en arrive a la plupart des remarques que j'ai pu lire sur ce thread.
Je précise que je ne prétends pas détenir la "vérité vraie" et qu'a aucun moment je ne juge les personnes ou "catégories" de personne (sauf une peut être une) dont je vais parler. C'est juste l'analyse et le constat d'un gars qui a bossé dans le commerce des instruments de musiques (et maintenant dans d'autres secteurs) de 2002 a 2013, j'ai donc connu l'arrivée et la "consécration" de ce phénomène internet et tout ce qui a pu en découler.
De même je vais parler de tendance générale, on pourra toujours trouver des exceptions mieux ou pires.
Je me lance.....
Alors en un, quitte a vous bousculer un peu, je pense que l'arrivée des VPCistes (on va prendre Thomann pour exemple) et la capacité a pouvoir recroiser un tas d'information via le web a été une bonne chose! Ça a contraint notre profession a plus de clarté et de cohésion sur les prix, fini les guitares qui varient de 15% a 30% d'un mag a l'autre car aucun moyen de vérifier la justesse du prix. De plus, bcp de mag (avec le sourire ou non) ont aligné (ou presque) leurs prix. Donc pour moi c'est tout benef pour le client, et notre cœur de métier c'est qd même de le satisfaire ce client. Le coupable n'est donc pas ici.
Ce qui a tué (ou presque) notre métier:
1: Les magasins
Il y a en effet toujours eu hélas une carence de compétence et de qualité de service dans ce milieu (encore une fois de plus c'est une generalité), la faute a qui? On peut fustiger les gérants/vendeurs et les taxer de voleurs mais le problème est a mon avis plus profond. Déjà d'une le métier de vendeur dans notre pays (et ce quelques soit le secteur) est mal perçu, par les clients en 1er mais pire par les personnes qui orientent des le plus jeune age professionnellement. Résultat peu ou aucune formation (cela s’améliore un peu depuis qqes années), je peux vous garantir que c'est un casse tête de trouver des vendeurs qualifiés par une vraie formation autre qu'un BEP/CAP ou une école de commerce complétement déconnectées de la réalité du terrain. A cause de cette mauvaise réputation, c'est une profession aussi sous-remunerée (surtout dans un magasin de musique) donc dur dur d'attirer des profils motivés. Ajoutez a cela la composante ultra technique du milieu musicale et le résultat est svt helas sans appel. Rendez vous compte, pour bien faire il faudrait que le vendeur soit a la fois un bon commerçant et en plus un technicien (car on attend tous de lui qu'il sache au moins entretenir/régler nos instruments), il faut a ce moment se rendre compte de ce que ça représente en investissement temps/finance pour un patron (qui très souvent est largué sur ces points lui aussi) pour former une nouvelle recrue car souvent néophyte sur tout les plans. Et pourtant c'est a ce type de personnes (commerçantes et qualifiées) que nous devrions avoir affaire...
2: La clientèle
Qu'on le reconnaisse ou non, la clientèle française est dans sa majorité (la encore des exceptions) assez ingrate et peu reconnaissante de notre profession (cf le point n°1). Pour le client Français Lambda, un bon commerçant est un commerçant qui lui vend son matériel sans marge avec le conseil. Et oui on a du mal a supporter que qq'un "se fasse" comme on dit de l'argent sur notre dos. Pourtant le conseil et l'expertise sont un service (des lors qu'ils sont réels bien entendu); et un service ce se paye. Du coup avec l'arrivée d'internet on a assisté a un comportement nouveau, le client déboule au mag et il s'attend déjà a voir le prix internet affiché (jusque la c'est normal) mais il veut du conseil en plus (bah oui je viens dans un mag pour ça) la ou le site n'en donne peu ou pas et mieux encore, bah comme je suis dans un magasin je vais en plus demander une ristourne et un cadeau sur un prix aligné. Bref une belle forme de dérive (et encore je vous raconte pas dans le milieu ou j'exerce aujourd'hui), en gros on veut le beurre, l'argent..... Bref vous connaissez la sentence. Tout ça avec souvent très peu de considération pour le gars qui bosse en fasse (a tort ou a raison).
3: Les Marques/fournisseurs
Alors la je vais juger un peu pour le coup car....Le principal coupable se trouve ici. Aujourd'hui il y a deux catégories de "Fournisseurs" dans la vente d'instrument, les revendeur multi-cartes (Algam/la boite noir pour le plus gros) et les Marques qui s'auto distribuent (Fender/Gibson par exemple). Avant tout il faut comprendre que le marché des instruments de musique est ridicule en France (et ce bien avant la fuite du chiffre vers thomann and co) par rapport a d'autre pays, oui la France c'est pas un pays de musicien. Il faut comprendre aussi que du jour au lendemain on a du baisser nos prix de 20/30% pour s'aligner (encore une fois c’était une bonne chose) et garder notre clientèle.
Voila c'est la que tout dérape.... On a d'un coté des fournisseurs (qui pour la plupart du temps je vous le garantis sont bien plus limite en terme de compétence qualité de service que ce que vous avez pu vivre en magasin) qui ont clairement refuser de prendre une partie de baisse de marge générée par cette alignement a leur charge (Touche pas au grisbi!), résultat marge sur la vente d'instrument absolument plus viable. Heureusement il y a le consommable et les services pour essayer de sortir la tête de l'eau (voila pourquoi le jeu de corde vaut 2/3 euros de plus que chez thomann mais ça vous le saviez déjà). Ensuite on a les grandes marques (américaines pour la plupart) qui ont commencé a s’auto-distribuer, je vous passe les débuts ou elles arrivaient avec les mêmes contrats qu'aux états unis complémentent délirants par rapport a la réalité du marché Français. Je me souviens encore du commercial Gibson me dire, "alors bon il faut commander 75000 euros hors taxes de guitares, dedans tu en as la moitié imposée mais tu choisis le reste!" et puis "ah oui et il faut que tu rentres aussi du steinway et du trace eliot" (gibson était propriétaire des marques a l’époque). Mais bien sur, je travaillais dans un magasin qui faisait a peine 1 million d'euros a l'année a ce moment la....... Bref imaginez ça multiplié par 3 ou 4 (car tous les autres Fender etc etc ont fait pareil).
LA on s'est dit "ils ne se rendent juste pas compte" mais en fait c'est la aussi plus profond, en fait Mr Gibson ou Fender il se fout royalement que sa strat ou les paul soit vendue en France ou en Allemagne. En fait non ça l'arrange même si elle en vendue chez thomann car ben ça coute vachement moins cher de livrer 2000 pelles au même endroit que 20 a 100 mag différents, et puis tient si j'arrive a supprimer le marche en France j’évite au passage de payer une structure de distribution avec des chefs produits et des commerciaux (j'en parlais encore avec un commercial fender il y a qqes semaines). Voila on s'est retrouvés avec des contrats de distribution ingérables et avec en plus une marge non viable très rapidement. C'est aussi pour ça que seules les grosses structures (woodbrass, guitarshop, starmusic) tiennent car ils ont la trésorerie pour assumer ça. Ce modèle est complémentent incompatible avec le petit mag de centre ville.
En conclusion:
Ces trois points (surtt le dernier) ont crée un vrai cercle vicieux Fournisseurs moisis---->Magasin blasés----> client mal servis ou clientele compliquée---->Magasin qui vend moins et moins bien---->Marché délaissé par les marques.
Déjà merci a ceux qui auront lu jusqu'au bout, j’espère que j'aurai contribué un peu a la réflexion.
Je replace encore une fois le décor, je ne juge absolument ni les clients ni les commercants car ils ont tous le même réflexe, essayer de gratter. Les fournisseurs c'est une autre histoire....
Ne voyait pas une forme de rancune dans mon récit mais plus de la nostalgie. Certes j'y pointe des choses négatives mais ces années passées dans ce business restent et resteront surement les meilleurs pour moi car remplies de super souvenirs aussi bien avec mes équipes qu'avec mes clients.
Je répète aussi que je pointe une tendance général et que c'est bien cette generalité qui a dégradé le milieu. J'ai eu et j'ai toujours des clients/fournisseurs/vendeurs en or comme des ordures, les deux extrêmes étant d'ailleurs svt en minorités. C'est bien le reste qui represente la majorité qui navigue entre les deux.
Voila c'est fini, encore merci a ceux qui auront lu, bien entendu je répondrai volontiers a tte remarque/question en phase ou non avec ce que j'ai écrit avec plaisir des lors qu'elle est constructive.
Bonne soirée a tous!