Revolution (version rock)
John Lennon veut absolument faire un single de ce qui s'appelle encore tout simplement Revolution, mais il se heurte aux autres Beatles — Paul McCartney et George Harrison — qui justement trouvent que la lenteur est préjudiciable, que le disque ne serait pas assez commercial.
Lennon nuance : « Le premier enregistrement de Revolution… eh bien George et Paul étaient pleins de ressentiments. Il déclarèrent que ce n’était pas assez rapide. Maintenant, si vous entrez dans les détails de ce qu’est ou n’est pas un hit, ils avaient peut-être raison. Mais les Beatles auraient pu se permettre de sortir la version lente et compréhensible de Revolution en single. Que ce fut un disque d’or ou un disque de bois.»
Rétrospectivement, John Lennon associe ce refus à l'entrée de Yoko Ono dans sa vie, en expliquant que les autres supportaient mal son retour au premier plan du groupe, retour qui lui avait été permis grâce à Ono5. Durant les deux dernières années, c'était officieusement Paul McCartney qui avait pris les rênes de la formation, puisqu'il était notamment à l'origine des projets Sgt. Pepper et Magical Mystery Tour, or, c'est effectivement John Lennon qui a « dominé » le début des séances de l'album blanc.
« So I made it faster (alors je l'ai faite en plus rapide) » expliquera John Lennon. Il pousse donc ses camarades à refaire le titre en le jouant rock à un tempo accéléré. Enregistrée avec des guitares saturées, Revolution est ainsi mise en boîte le 10 juillet 1968. Pour obtenir cet effet avec les deux guitares de John Lennon et George Harrison, le personnel technique d'EMI les branche directement sur la console. « John voulait un son vraiment distordu. Nous avons branché les guitares sur la console d'enregistrement, ce qui n'était pas, techniquement parlant, la chose à faire. Cela a complètement saturé le canal et a produit ces sonorités fuzz. Heureusement, notre hiérarchie n'a jamais été au courant. Ils prohibaient évidemment toute forme d'abus sur nos équipements», explique Phil McDonald, un des assistants à l'œuvre lors de cette séance.
La prise 10 sera retenue pour les overdubs. La piste de base comporte donc ces deux guitares distordues, la basse, des claquements de mains et deux pistes séparées de batterie, passées au compresseur et au limiteur pour la rendre très présente. John Lennon enregistre ensuite des vocaux énergiques, dont le cri audible dans l'introduction du morceau, doublant son chant sur un certain nombre de phrases pour les accentuer. Dans cette version, il n'y a pas de chœurs. Ni les couplets ni le refrain ne sont harmonisés. John Lennon la chante donc en solo.
Nicky Hopkins ajoute une ligne de piano le 11 et le travail se poursuit le 12 avec de nouvelles pistes de guitare par John Lennon et de basse par Paul Mccartney. Un premier mix est effectué le 15 juillet, le final étant réalisé le 8 août14. C'est donc cette version qui finira sur le single, en face B de Hey Jude, au grand dam de Lennon qui aurait voulu la voir sur la face A, ou en double face A.
Analyse des paroles
John Lennon s'adresse directement à ses interlocuteurs révolutionnaires — chaque vers commence par « You » (« You say you want », « You say you got », etc.), se poursuit par « Well, you know... (Eh bien, tu sais...) », et propose ses idées, ainsi que les conditions de sa participation à un éventuel bouleversement des choses. Le message est multiple, et largement réaffirmé et explicité dans les différentes interviews de l'auteur.
Au premier couplet, il met d'entrée de jeu les choses au point : nous voulons tous changer le monde, certes, mais il ne faut pas compter sur lui dès qu'il est question de destruction15. Directement dans la lignée du Summer of Love et du Peace and Love, Lennon insiste sur le fait que rien ne marchera jamais en suivant cette voie. Il convient que, plus jeune, il aurait « été partant pour tout détruire »4, mais sa position a évolué, et il met en avant les nombreux exemples historiques : « Tout démolir, ça s'est toujours fait. Pour quel résultat ? Les Irlandais, les Russes l'ont fait, les Français aussi — et ça les a menés où ? Nulle part. »
Cette volonté de pacifisme l'amène à critiquer les manifestations de Grosvenor Square : « Où nous ont menés les manifestations de protestation ? On n'a parlé que de violence, voilà le résultat. »
Au second couplet, Lennon, en admettant que l'hypothétique révolution ait lieu, demande à connaître « le plan »15, autrement dit, à savoir ce qui va se passer ensuite. Les questions que cela implique — Qui reconstruit ? Puis qui dirige, et comment ? —, il les pose et y répond lui-même, en interview : « Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. »4 À la fin du couplet, Lennon se justifie : lorsqu'on lui demande d'apporter sa contribution, il répond qu'« on fait tous ce qu'on peut », mais que « si l'argent est destiné à ceux qui propagent la haine, il faudra attendre ».
Pour finir, au dernier couplet, il propose sa propre solution. Selon lui, le problème ne se situe pas au niveau des institutions, mais bien au niveau de l'état d'esprit. « Tu veux changer la constitution ? Nous voulons changer ta tête. Tu me dis que ce sont les institutions ? Tu ferais mieux de libérer ton esprit ! », chante-t-il. Il ajoute une dernière note de dérision : « Tu n'arriveras nulle part en te promenant avec des effigies de Mao. »15 Quelques années plus tard, en 1972, Lennon regretta cette référence à Mao, considérant qu'elle pourrait gâcher ses chances de visiter un jour la Chine.
Quant à la manière de propager ce changement d'état d'esprit, il affirme, en 1969 : « La seule façon de garantir une paix durable, c'est de changer la façon de penser des gens. Il n'y en a pas d'autre. L'État peut le faire grâce à la propagande. Coca-Cola le fait bien grâce à la propagande — pourquoi pas nous [Les Beatles] ? Nous sommes la génération dans le coup. »
Enfin, peu de temps avant sa disparition, en 1980, lors de la fameuse interview pour le magazine Playboy, John Lennon note : « Les paroles tiennent encore debout aujourd’hui. C’est toujours ce que je ressens à propos de la politique. I want to see the plan (je désire toujours voir le plan) ; c’est ce que je disais à Abbie Hoffman et à Jerry Rubin. Count me out (ne comptez pas sur moi) s’il est question de violence. Ne m’attendez pas sur les barricades, à moins que ce soit avec des fleurs. »
Un vers particulier de la chanson a fait polémique. Sur le single Revolution, Lennon précise qu'il ne faut pas compter sur lui lorsqu'il est question de violence : « But if you talk about destruction, don't you know that you can count me out. » Par contre, sur la piste de l'album blanc, Revolution 1, la phrase est légèrement différente : « You can count me out... in », autrement dit, « Tu ne peux pas compter sur moi... Tu peux ». Manifestement, son avis évolue entre les deux versions. Il explique : « Il y a eu deux versions de la chanson, mais la gauche underground n'a réagi qu'à celle qui disait count me out. La version originale dit count me in. J'ai fait les deux parce que je n'étais pas sûr. »4 De fait, Revolution 1 (la piste de l'album) a été enregistrée avant Revolution (le single). Mais, le single étant sorti avant l'album, le public a d'abord découvert la version « ne comptez pas sur moi ».
source : wikipédia