Manifeste du Nouveau Rock'n'Roll français pour soutenir la compilation du même nom. Bcp de choses vraiens là dedans.
www.lenouveaurocknroll.com
LE NOUVEAU ROCK’N’ROLL
FRANCAIS
10 ans de Téléphone, 10 ans de Noir Désir, un seul lauréat en France dans le retour en fanfare du rock'n'roll : KYO.
C'est à se demander si la musique électronique n'aurait finalement pas tenu toutes ses promesses, mais il est désormais impossible d'ignorer le come-back tonitruant d'un rock'n‘roll qu'on avait eu tendance à enterrer un peu vite. Impossible aussi de ne pas constater, que l'histoire se répétant, la France reste hors course dans ce retour en grâce ...
Pourtant, ce n'est pas faute d'enthousiasme, mais abstraction faite des iroquoises Tony and Guy à 800 balles et des Whites Stripes en pub télé, restent peu de choses, si ce n'est une
horde d'apprentis Cantat, de Gaétan Roussel en devenir, de poètes maudits qui, les yeux mi-clos, nous font subir leur complainte, miaulent leur
ritournelle geignarde...
Mucho repetita, les plus cyniques constateront résignés et amusés ce retard, ce décalage récurent qui fait de la France le traîne savate du rock'n'roll.
On pourra évidemment se rassurer et jouer les érudits en se prévalant comme toujours de nos gloires locales, nos Olivensteins, Guilty razors, Gazoline, et autre Metal Urbain pour tempérer ce constat d'impuissance à faire du rock en France. Alors pourquoi, pourquoi la France ne pourrait-elle avoir aussi son lot de rock stars, ses hordes de groupes en « The », boutonneux et crétins, son nouveau « meilleur groupe » de la semaine, limogé la suivante
_______________________________________________
La main mise de la traditionnelle chanson à texte depuis l'entre-deux guerre, n'est pas étrangère à la frilosité nationale en matière de rock. Avec un certain chauvinisme, la France se délecte ainsi d'être une exception culturelle en matière de musique populaire, et se réjouit de l'enthousiasme et du respect unanime que ses chansonniers inspirent au reste du monde (Piaf, Brel, Aznavour…).
Cette résistance subsiste et le récent regain de vitalité de la chanson à texte en réaction au retour triomphant du rock partout ailleurs, ne peut le démentir (Vincent Delerm, Sanseverino, Jeanne Cherhal, Cali…). Bref, au pays de « L'Aigle Noir », les « one, two, three, four » ne soulèvent pas l'admiration.
Par ailleurs, après le traumatisme de l'occupation, et le spectre encore vivace d'une France vaincue, toute ingérence y compris culturelle, devient suspecte. Le rock'n'roll, du simple fait qu'il méconnaisse la langue de Molière et encourage la pluralité culturelle, se heurte ainsi au protectionnisme et hostilité d'une France gaullienne. Il apparaît néanmoins rapidement impossible et vain d'endiguer un phénomène qui préfigure, de par son ampleur, le premier signe d'une globalisation tangible de la culture. En dépit des changements de la conjoncture politique (construction de l'Europe), ce protectionnisme a subsisté, révèlent toujours cette crainte nationale de l'hégémonie anglo-saxonne. Avec les quotas imposés aux radios (40% de chansons française), la France est le seul pays à avoir adopter une mesure de cette nature destinée à assurer la pérennité de sa langue. L'état s'immisce ainsi dans la liberté des choix musicaux du public et tant pis pour lui si l'application de ces dispositions sert finalement à promouvoir le hip hop français qui explose au milieu des années 90 grâce à des diffusions massives sur les ondes.
Bref, interventionnisme étatique et protectionnisme, rien de tel pour marginaliser le r'n'r.
_______________________________________________
Première manifestation du malaise entre les générations, première rupture concrète avec les aînés, premier mouvement musical initié et revendiqué en tant que tel par les jeunes (les baby boomers), l'arrivée du rock ne rencontre qu'un enthousiasme frileux chez les parents, et nos dirigeants, gardiens du bon goût et de la bienséance culturelle. On pense notamment aux ligues de protection des m oeurs américaines qui fustigent l'obscène Elvis le pelvis, et plus proche de nous, aux parents horrifiés face à la destruction du Palais des Sports lors du passage de Vince Taylor en 1961. Si ce phénomène de rejet est identique quelque soit les pays, cette réserve et cette méfiance face à ce phénomène sont amplifiées par l'industrie du disque française elle-même. On peut comprendre leur réticence à promouvoir un phénomène aussi sulfureux qu'on pourrait leur reprocher par la suite d'avoir cautionner. Les premiers disques des Chaussettes Noires ou Chats Sauvages ne sortiront ainsi qu'en 61, près de 7 ans après le « That's allright Mama » d'Elvis. Inutile d'espérer trouver par ailleurs les disques en import pour suppléer à ce vide, car la distribution en est encore à ses balbutiements, et les marchés cloisonnés.
_______________________________________________
Pourquoi refuser de considérer le rock pour ce qu'il est, une musique faites par des branleurs pour des branleurs, et estimer que cela suffit à le rendre jubilatoire, et indispensable Pourquoi le rock progressif, ce rock bavard et besogneux de zicos, a-t-il connu un tel succès en France (Ange, Magma, Gong,...) Pourquoi, lors de l'explosion punk de 77, les français ont plébiscité les casses couilles et intello Television et Patti Smith aux détriment des puérils « Gabba Gabba Hey » des Ramones
Sans doute parce que la France a une curieuse propension à tout intellectualiser, il lui est difficile d'être réceptive aux manifestations basiques et primaires d'une jeunesse aussi bruyante. En effet, au delà de sa pauvreté et simplicité musicale (et alors !!), le fait que le rock'n'roll ne repose que sur une intention, une énergie, au détriment d'un message, d'une réflexion, déstabilise un pays prisonnier de ses certitudes….La certitude que la musique doit être élitiste, difficile et au service d'émotions et sentiments déclarés (bohème, poésie, fragilité…)…..Bref, tout sauf purement généreuse et gratuite, comme l'est le rock
_______________________________________________
Passerelle de circonstance, l'humour et la dérision vont permettre de contourner le dédain affiché de la France pour cet idiot de rock'n'roll. Ainsi avec des canulars comme « Rock'n'roll mops » d'Henri Cording Salvador, « J'aime pas le rock » de Jean Rockefeller Yanne, l'humour sera l'ultime palliatif à ce mépris, l'unique moyen de légitimer l'existence du rock. La scène rock alternative française des années 80 (Ludwig von 88, Garçons Bouchers...), puis les groupes de Ska rock festif qui pullulent désormais dans nos MJC (Marcel et son orchestre, Black Mama, Zebda…) seront autant de relais du sentiment que le rock'n'roll se résume à une fête, un truc rigolo. Ce rock beauf et gaulois, cette caricature de rock, va ainsi devenir la marque d'un certain rock à la française. En obtenant à l'arrachée, au bout de 20 ans de carrière la reconnaissance du grand public, les WAMPAS symbolisent ce phénomène.
Les maisons de disques pourraient désamorcer le phénomène, mais à l'image des années 60, où ces dernières préféraient se positionner en spectateur plutôt qu'en acteur de l'émergence des courants musicaux (adaptations et reprises quasi systématiques), celles-ci préfèrent s'enliser à chercher toujours dans cette même dynamique de suiveuse, le SUM41 breton, ou la Avril Lavigne poitevine.
_______________________________________________
La compil « Nouveau rock'n'roll français » se contente d'attirer l'attention sur des groupes, qui à l'ombre des médias et de l'indifférence général, s'exercent à l'exercice du rock'n'roll « made in France ». La plupart n'ont pas grand chose à envier aux groupes suédois, ou new-yorkais (souvent quelconque) dont les médias se gargarisent à longueur de colonnes.
A l'image de la compilation RAPATTITUDE, qui en son temps (1990) avait permis de révéler dans le rap des artistes comme Sai Sai, ou NTM, on espère simplement que ce projet permettra de prendre conscience de la vivacité de la scène rock'n'roll française.