Pour ma part, je me suis fendu de quelques chroniques sur le forum Culture SF (devinez de quoi ça parle). Pas de quoi se la taper contre un parpaing, il suffit d'être membre du forum pour avoir le droit de chroniquer comme bon nous semble le livre de notre choix. Seule chose à éviter : s'inscrire uniquement pour dire tout le bien que l'on pense d'un livre qu'on aurait comme qui dirait écrit soi-même. Ca n'est pas du tout apprécié. Mais alors pas du tout.
Bref, pour les livres, allez sur cette page et cherchez les chroniques rédigées par looper (c'est moi
) :
http://www.culture-sf.com/foru(...)s.php
(Woodie, ne lis surtout pas celle sur Sécheresse de Ballard.
)
Pour les BD, c'est très maigre et c'est ici :
http://www.culture-sf.com/foru(...)1.php (ce sont les deux Blake&Mortimer)
Et à part ça ?
A part ça, j'ai déjà parlé sur ce forum de mon grand moment de gloire personnel. Attention c'est du lourd.
En 2004, Hachette-Littérature a lancé le concours Remix, ouvert à tous. Le principe ? Prendre un texte d'un auteur connu et reconnu et lui appliquer le principe du remix musical, sauf que la chose n'étant pas défini en littérature, ça laissait une marge de manoeuvre gigantesque.
On pouvait choir parmi cinq textes, j'ai opté pour "Avant le bain" d'Ismaël Kadare.
Pour chaque texte, le premier prix était une publication dans le recueil RemiX#2, pour les suivants, un exemplaire du recueil en question.
J'ai gagné un exemplaire du recueil, vous vous rendez compte la classe ultime ?
Je m'en vais donc vous permettre de lire cette magnifique oeuvre, écrite en mai 2004, tout en précisant qu'idéalement, il faudrait lire le texte de Kadare avant.
Sachez qu'en ce début 2008, je ne vois que les erreurs dans ce texte et c'est assez désagréable.
Comme quoi tout le monde à sa chance.
Go ! Une légère impulsion des pieds et elle bascula vers l’avant. Dans une parfaite synchronisation avec ses concurrentes, elle tendit ses bras au maximum. Elle s’engouffra la première dans l’eau idéalement chlorée du grand bassin. (Combien de fois au cours de sa carrière en avait-elle rêvée de cette eau olympique ?) Elle n’entendait pas le vrombissement de la foule ( tout cela était convenu, l’indifférence au public était intégrée à la préparation de tout athlète de haut niveau), sa combinaison aérodynamique fendait, fendait… Rien ne pouvait la détourner de son but, ce mur de carrelage jaune, l’arrivée. Rien ne pouvait la détourner sauf cette enfilade de caractères digitaux jaunes qui se suspendaient à la verrière de la piscine. Le tableau d’affichage annonçait son nom et l’évolution de son temps, ainsi qu’il le faisait pour toutes les participantes. D’un rapide coup d’œil, elle comprit que c’en était terminé pour elle. Un instant plus tard, alors qu’il lui restait encore plusieurs mètres à franchir et qu’elle faisait déjà son deuil du record, elle heurta une paroi à pic munie d’une échelle qui venait de surgir dans son couloir. Le choc la laissa immobile, sonnée, tandis que les vivats de la foule au vainqueur se frayaient un chemin dans son cortex ahuri. Le temps qu’elle retrouve ses esprits, la piscine n’était plus peuplée que de cadavres dont le sang, s’enfuyant depuis les gradins, rougissait l’eau du bassin. Prise de panique, elle voulut s’enfuir et agrippa le premier barreau de l’échelle. Elle engloutit les degrés avec félinité, se retrouva rapidement au sommet. A peine eut-elle posé les pieds qu’elle entendit les ordres du starter. Elle occupait le plot numéro quatre, alignée sur ses concurrentes qui l’ignoraient. La foule n’avait d’yeux que pour elle.
Go ! Une légère impulsion des pieds et elle bascula vers l’avant. Cette fois elle prit soin de briser la parfaite synchronisation du mouvement et délibérément, frisa le faux départ. Elle engrangea une avance généreuse. Elle nageait, elle nageait (que d’entraînements, que de souffrances pour en arriver enfin à sentir les éclaboussures olympiques lui gifler le visage.) Rien ne pouvait la détourner de son but. Sauf cette ligne, encore elle, sur le panneau, et qui annonçait son nom ainsi que l’évolution de son temps. Il lui restait une bonne dizaine de mètres à parcourir et pas assez de temps. Elle compta les secondes qui lui restaient pour arriver dans les délais, et lorsqu’elle prononça « zéro » (elle se trouvait à trois mètres du mur de carrelage jaune, l’arrivée), une paroi à pic munie d’une échelle surgit dans son couloir, brisant net l’élan de sa course, tandis que lui parvenaient les hourras de la foule au vainqueur. Combien de temps resta-t-elle sonnée ? Assez pour que la piscine se transforme en ultime tombeau pour tous les spectateurs dont le sang venait rougir l’eau du bassin. Elle paniqua et empoigna le premier barreau. L’alignement rigide des degrés lui donnait le vertige. Elle grimpa. Il y avait dans la récurrence de ce supplice, car c’en était un, une arrogance maladive qui lui tournait les sens. Qu’advenait-il du reste du monde alors qu’elle répétait ses mêmes rares mouvements ? Sa seule pensée fut pour l’Apocalypse. Se dire que dans cet hiver nucléaire (à moins qu’il ne s’agisse d’un interminable océan de magma en fusion, à ce stade ça n’avait plus d’importance) il y aurait toujours quelque part un bassin olympique, son public et les huit concurrentes à la finale du cinquante mètres nage libre, lui donnait la nausée. L’univers pouvait se résorber, elle continuerait, stoïque, à répéter ses mêmes rares mouvements.
A savoir : une légère impulsion des pieds et elle bascula vers l’avant. Cette fois, elle crut bien que le starter allait toutes les rappeler. Il n’en fut rien et elle s’en alla fendre, fendre toujours cette eau dont elle rêvait déjà, fraîchement inscrite dans son premier club amateur. Rien ne pouvait la détourner de son but, si ce n’est ce tableau d’affichage dont elle captait les images fugitives quand elle sortait la tête de l’eau. Elle ne voyait que son nom, son temps. Son nom, son temps. Elle ne voyait que la correction qu’allait lui infliger d’ici deux secondes une paroi à pic (munie d’une échelle) surgissant dans son couloir. Elle savait pour l’eau rougissante, les milliers de cadavres et le premier barreau qu’elle agripperait telle une naufragée. Elle savait qu’elle engloutirait sans encombre les degrés scintillants, qu’elle aboutirait sur le plot numéro quatre, les pieds bien parallèles pour une légère impulsion qui la ferait basculer vers l’avant. Puis elle nagerait, sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre que ce tableau d’affichage. Quand son temps atteindrait vingt-deux secondes, celle limite qu’elle ne pouvait repousser, elle heurterait une paroi. A moins que, respectant sa prédiction énoncée lors de la conférence de presse matinale (« Je vais exploser le record » avait-elle fanfaronné. « Je passerai sous la barre des vingt-deux »), ses doigts n’entrent en contact avec un mur de carrelage jaune portant l’inscription « arrivée ».
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