J'habite dans un coin où se sont les anglophones qui ne font aucun effort, qui s'adressent aux caissières en anglais sans chercher même à ralentir le débit, qui sont curieux de rien, et repartent en maugréant d'habiter dans une région de paysans encore moyenâgeux. Ce ne sont pas des touristes, mais des résidents de longue date pour certains. On les accuse aussi de créer une pression immobilière. De fait, sur le marché c'est la catégorie "appartements de 100m2 à 2 millions" (ou "en location à 4000 CHF par mois") qui domine. Dur d'habiter dans la région où l'on est né...
Mais en dehors de ce qui est surtout des préjugés grossiers (on ne prête toujours attention qu'aux personnes les plus vulgaires) on trouve parfois des anglais passionnés, qui aiment et s'investissent dans la région. Mais ils sont plus discrets. Et si on n'entend et n'écoute que les cons des deux côtés, l'image reste déplorable.
Je suis à 10km de la frontière française et les gens des deux côtés vivent en assez bonne harmonie. Énormément de personnel dans la restauration, dans les services, dans les métiers de l'artisanat (électricien, installateur sanitaire) est français. Contrairement à l'image trop souvent faite du frontalier qui ne vient que pour des raisons économiques, on sent très vite chez beaucoup d'entre eux un vrai plaisir à travailler et à rencontrer des suisses. Les coiffeurs/ses, sommeliers, employés de magasin français sont le plus souvent des gens cultivés, ouverts, sympathiques. Je parle de ces catégories, parce que ce sont des gens avec qui je suis en contact. Ça reste subjectif et partiel, mais c'est une expérience réelle.
Pas très loin, à Genève, plus précisément, fleurit un parti politique qui fait de la chasse aux frontaliers son fond de commerce (Mouvement des Citoyens Genevois: ils se défendent d'être xénophobes, luttent contre les non-résidents). Je n'ai pas de bonne explication à ce changement de climat. Genève est une ville encaissée dans un espace restreint et connaît d'énormes problèmes de circulation. Pendant les longues heures de bouchons quotidien, les nombreuses plaques d'immatriculation françaises apparaissent immédiatement comme les responsables de ce chaos routier. Cette tension est perceptible aussi dans les médias. Genève se plaint de tout (insécurité, chômage, infrastructure). Elle apparaît pour beaucoup comme la plus française des villes suisses. Le frontalier est le bouc émissaire d'une politique imprévoyante (Genève n'a rien développé, à part tout récemment ses transports publics, depuis 30 ans). Mais encore ici, quand on prend le temps de discuter avec les gens, on retrouve des personnes très cultivées, intéressées par la politique locale ou même suisse, ouvertes au dialogue, malgré cette insulte que constitue pour elles, l'existence du MCG.
Il y a toujours plusieurs niveaux de connaissance, et si l'on s'arrête à ses sentiments d'exaspération, bloqué dans la circulation, ou à sa fatigue face aux quelques rustiques qui parlent forts, on reste dans la médiocrité bruyante qu'on a nous même érigé. Pas toujours facile de dépasser ses petits énervements quotidiens, c'est pourquoi, je vous souhaite de moins vous énerver pour rien en 2014, de garder votre indignation pour ce qui le mérite!
Vous battez pas, je vous aime tous