PP a écrit :
numero27 a écrit :
PP a écrit :
... de bons gamins pourtant...
Finalement, pas tant que ça ....
ben, c'est ça qui est très troublant... des élèves au comportement tout à fait estimable, et puis tout à coup des propos étranges, où se mêlent radicalité religieuse, géopolitique mal dégrossie, fascination du combat et de certaines abjections... bref, pas mal de profs de banlieue connaissent ça (tous, peut-être).
y a un bouquin pas tout à fait réussi (selon moi) mais pas inintéressant de Thierry Jonquet sur ce sujet, dont le titre cite Hugo :
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte.
à propos des conséquences des plus récents progrès de l'efficacité économique et en particulier ce qu'implique, pour les jeunes générations, l'adaptation à ces nouvelles conditions où les hommes ne sont plus que les parasites des machines qui assurent le fonctionnement de l'organisation sociale :
Parmi les choses que les gens n’ont pas envie d’entendre, qu’ils ne veulent pas voir alors même qu’elles s’étalent sous leurs yeux, il y a celles-ci : que tous ces perfectionnements techniques, qui leur ont si bien
simplifié la vie qu’il n’y reste presque plus rien de vivant, agencent quelque chose qui n’est déjà plus une civilisation; que la barbarie jaillit comme de source de cette vie simplifiée, mécanisée, sans esprit ; et que parmi tous les résultats terrifiants de cette expérience de déshumanisation à laquelle ils se sont prêtés de si bon gré, le plus terrifiant est encore leur progéniture, parce que c’est celui qui en somme ratifie tous les autres. C’est pourquoi, quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? », il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : « A quels enfants allons-nous laisser le monde ? »
[...]
C’est ainsi que pour se cacher son désastre réel et exorciser le spectre d’une décadence interminablement livrée à elle-même, une société se trouve des ennemis à combattre, des objets de haine et de terreur; et comme dans
1984, où l’expression obligatoire de la haine pour l’ennemi Goldstein sert en même temps à chacun d’exutoire à sa haine pour Big Brother, la fabrication d’une
« barbarie » à redouter et à haïr est d’autant plus opérante qu’elle récupère au profit du conformisme et de la soumission un effroi bien réel et très fondé. Les
« banlieues », comme on dit dans les médias pour désigner en fait l’ensemble du territoire urbanisé (les centres historiques anciens, principalement dévolus à l’usage touristique et marchand, n’ayant presque plus rien de l’heureuse confusion qui faisait une ville), sont donc devenues, avec leur jeunesse barbare, le
« problème » qui résume providentiellement tous les autres : une
« bombe à retardement » placée sous le siège de ceux qui du coup pourraient se croire des assis.
Comme de bien d’autres
« problèmes », on parle de celui-là non pour le résoudre (et comment le pourrait-on ?), mais pour le gérer, comme ils disent : en bon français pour le laisser pourrir, en l’y aidant par tous les immenses moyens disponibles à cette fin. C’est une telle gestion moderne qui est désignée à l’horizon par le vocable
« Los Angeles ». Quand les policiers et leurs porte-voix médiatiques parlent de
« syndrome Los Angeles », ils expriment au moins autant ce qu’ils cherchent à obtenir que ce qu’ils prétendent éviter, ce qu’ils veulent que ce qu’ils craignent : c’est-à-dire qu’ils décrivent le tour qu’ils veulent voir prendre à ce qu’ils savent ne pouvoir éviter.
Et l’on sait comment la domination moderne, qui n’a pas pour rien été qualifiée de spectaculaire, a repris à grande échelle les techniques de l’industrie du divertissement, depuis longtemps habile à manipuler les impulsions mimétiques en faisant apparaître les sentiments qu’elle veut susciter comme déjà existants, et en anticipant l’imitation qu’en feront les spectateurs eux-mêmes, sur le modèle de la prophétie qui s’auto-accomplit. C’est ainsi qu’en vertu de l’effet de miroir du spectacle, ceux qu’on « aime haïr » en tant que modernes barbares ne sont que trop enclins à aimer être haïs sous cette figure, et à s’identifier à leur image préformée. Ils
« ont la haine », selon une locution dont la tournure n’évoque pas fortuitement la contamination par une peste.
J. Semprun,
L'abîme se repeuple
Ces chiffres ne sont pas le fait de soi-disant « barbares » ou autres « menaces terroristes » fantoches, mais de la « civilisation ».
http://partage-le.com/2016/04/(...)prun/