Flics = République
S'attaquer à la police, c'est s'en prendre au fonctionnement même de notre démocratie. Tuer un flic, c'est ensanglanter la République…
S'attaquer à la police, c'est s'en prendre au fonctionnement même de notre démocratie. Tuer un flic, c'est ensanglanter la République. L'assassinat d'un couple de policiers par un terroriste islamiste en région parisienne nous contraint à rappeler haut et fort cette évidence. Et voir, au lendemain de cette tragédie, quelques centaines de casseurs agresser une fois encore les forces de l'ordre dans les rues de Paris renforce cet impératif catégorique : oui, répétons-le, la police est une institution majeure de notre régime démocratique, un pilier de notre République, un corps dont les agents sont garants de nos droits et libertés, et à ce titre indispensables à toute vie en collectivité. Nombre de nos concitoyens ont du mal à formuler un tel constat. L'ordre est rarement populaire. Dès l'enfance, dans l'imaginaire collectif, c'est le désordre qui est joyeux, le foutoir ludique, et l'autorité toujours pesante. Le refrain est connu : on n'est pas sérieux quand on a 17 ans et on le devient trop dès que l'on enfile un uniforme. Mimer une révolte antiflics bercée par une douce mélodie anarcho-gauchiste a longtemps servi de bain de jouvence aux faux rebelles qui refusaient de vieillir. C'est humain. Ce folklore n'est plus de saison.
Dans une société au bord de l'explosion, attaquée comme l'ensemble du monde démocratique par le totalitarisme djihadiste, et rongée en son sein par une défiance civique généralisée qui confine à l'hystérie de tous, nous voilà contraints de délaisser, un temps, le «mort aux vaches» de Brassens pour le «préjugé de l'ordre» de Clemenceau. Fini de rire. Depuis le 7 janvier 2015, notre pays a pris conscience qu'il était entré dans une nouvelle phase, douloureuse et durable, de son histoire. Elle impose de se rassembler pour défendre l'essentiel, nos préceptes démocratiques, en serrant les rangs autour de tous ceux qui les défendent. Les policiers ne sont heureusement pas les seuls. Les principaux corps de l'Etat et nombre de professions relevant du secteur privé, des enseignants aux magistrats en passant par les pompiers, les personnels de santé... ou les journalistes participent de cette mission indépassable. Mais en cette ère de convulsions, les forces de l'ordre se retrouvent en première ligne. La haine antiflics, c'est la haine de la République. Et c'est le meilleur outil pour ouvrir grand les portes du pouvoir à la surenchère démagogique de l'extrême droite lepéniste. Au poussiéreux slogan «CRS = SS» de Mai 68, il convient de répondre en 2016 par le mot d'ordre «Flic = République».
Attention, il ne s'agit pas d'ignorer les violences que peuvent commettre tel ou tel individu appartenant à la police. Tout pouvoir ne se régule que s'il se heurte aux limites posées par l'état de droit. Pour être estimée, et respectée, la police doit être contrôlée et les fautes individuelles de ses membres, sévèrement réprimées et condamnées. «Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière», rappelait le préfet Grimaud à ses troupes en pleine tourmente de Mai 68. «Les circonstances, la fatigue ou l'exaspération ne doivent jamais prendre le pas sur la déontologie», soulignait récemment en écho Bernard Cazeneuve dans une lettre aux préfets pour les exhorter à veiller au «comportement exemplaire» des policiers. Pour autant, non, ce n'est pas la police qui «assassine» comme le prétend un collectif d'agitateurs indignes, c'est bel et bien la police qui est assassinée.
Quiconque douterait d'ailleurs encore de la nature républicaine de cette institution devrait se demander pourquoi Daech, d'un côté, les casseurs, de l'autre, l'ont prise pour cible. Bien sûr, ces deux agressions ne sont ni de même nature ni de même ampleur, et l'horreur de la barbarie terroriste est sans comparaison avec l'indécence de la poignée de lâches capables de s'en prendre à un hôpital pour enfants. Mais l'objectif est commun : il s'agit de tout «bloquer», de tout «casser», de tout détruire de l'Etat et de la démocratie, coupable d'être fille des Lumières pour les terroristes, ou tout simplement «bourgeoise» pour les «autonomes» et autres ultragauchistes.
A Magnanville, Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider ont été assassinés en tant que policiers, comme beaucoup d'autres l'ont été, de l'autre côté de l'Atlantique, parce qu'ils étaient homosexuels, et d'autres encore, hier, comme juifs, journalistes, dessinateurs, militaires, ou tout simplement hommes ou femmes libres. C'est une certaine idée de la condition humaine que les terroristes s'acharnent à détruire, un humanisme que le catéchisme républicain a converti en citoyenneté. «Rien ne peut se modifier, rien ne peut se créer si l'ordre légal n'est pas maintenu», rappelait Clemenceau à la tribune de la Chambre en 1906. Rien ne pourra exister demain si nous ne faisons pas corps autour des garants de cet ordre démocratique.