Le 19 avril 1919, une loi prononce l’arasement de l’enceinte de Thiers, qui ne sert plus qu’à prélever les taux d’octroi et qui ne se justifie plus par ses activités militaires. La zone non-aedificandi, deux cent cinquante mètres de largeur, trente quatre kilomètres de circonférence, huit cents hectares de collines, de fossés, de rivières, de ponts, cet espace appartient désormais à l’Etat. L’autre côté du mur devient le domaine de gens simples, trop pauvres pour avoir un toit en ville. Ce petit peuple, composé de nombreux migrants, celui des dix mille "zoniers" (appelés plus tard zonards) de l’est parisien. Rampailleurs, carriers, manouches, récupérateurs vivent dans des abris de fortune, sales, sans eau, sans éclairage public, dans une zone qui échappe à toute administration. Crainte ou ignorée, la zone, marginalisée, sans moyens d’instruction, hostile à toute forme d’intrusion, est un monde en soi, avec ses propres expressions, sa violence et son refus d’intégration avec le reste de la ville. La zone, c’est d’abord ses habitants, les "zonards", les bandes de voyous qui vivent dans les "lafs", les bidonvilles, qui se battent entre eux, les petits truands. Mais c’est aussi la poésie des fortifications, les chansons qu’elle inspire, les histoires racontées [1]. Dans le 19e, les "fortifs" démarquaient la zone, les terrains vagues et les jardins potagers de la porte des Lilas. Le-Pré-Saint-Gervais faisait partie de l’arrondissement aux portes de Pantin, de la Villette et d’Aubervilliers. La démolition des fortifications de Thiers s’effectue de 1920 à 1925. Après la Seconde guerre mondiale, tout s’accélère, réquisition des terrains construits situés sur la surface de la zone ; celle-ci disparaît définitivement en 1957, avec le début de la construction du boulevard périphérique.
Cette plongée dans l'histoire du petit peuple de Paris est tout à fait fascinante, convenons en.