Jaime Semprun est décédé le 3 août dernier. Il avait 63 ans. C'était l'une des plumes les plus lucides de notre temps. Parmi ses ouvrages on peut citer
L'Abîme se repeuple, La Nucléarisation du monde ou encore
Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, tous publiés par les Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances.
Voici une partie de l'hommage que lui a rendu Jean-Luc Porquet dans Le Canard enchaîné :
Jaime Semprun était de ceux qui disent non. Qui sont contre. Pour qui la critique sociale est une nécessité vitale. De l'aventure situationniste menée dans les années 60 par Guy Debord et sa bande, et dont on sait qu'elle fut alors la seule à conduire une pensée radicale, novatrice, tranchante, « L'Encyclopédie », d'abord revue plus maison d'édition, fût le seul surgeon vivace : là s'entêtèrent quelques esprits libres à mener une critique foudroyante de la société industrielle et de ses mécanismes, et de ses pseudo-évidences. On n'arrête pas le « progrès » ? Jaime et ses amis l'analysaient, perçaient son bluff, s'inscrivaient contre le nucléarisme, contre le TGV et son despotisme de la vitesse, contre la Très Grande Bibliothèque, contre les éoliennes, etc. Et argumentaient. Dans le camp d'en face, rien d'autre qu'une pensée magique (« Le progrès, c'est forcément bien ») et l'increvable mystique de la croissance. Chez eux, l'exercice de la raison, le déboulonnage des idoles, la volonté d'en finir avec la fausse conscience généralisée.
[...]
Semprun avait l'exécration généreuse. Et BHL, Sollers, les insurrectionnistes-qui-viennent, les citoyennistes, tous des jean-foutre à ses yeux. Sur une affichette récente, il s'était amusé à dresser la liste des auteurs à la mode que L'Encyclopédie des nuisances s'honorait de ne pas publier: Alain Badiou, Giorgio Agamben, Slavoj Zizek, Judith Butler, etc. En dehors, secret mais doué pour l'amitié, polémiste sans être sectaire, il était la rectitude même: irréductible.
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