jules_albert a écrit :
C'est pourquoi la maladie est, pour Georg Groddeck, la "voie royale" dans l'appréhension de l'humain. Celle-ci, plus que la sexualité, est actuellement perversion polymorphe du corps : mise en jeu de toutes ses possibilités d'être ; et, contrairement à la sexualité, qui est naturellement enfantine mais s'est trouvée compromise, socialement aliénée, elle est restée domaine - le seul - laissé à la liberté de l'individu, où peut s'exercer "sauvagement" sa créativité. C'est pourquoi chaque individu est si fier de ses maladies : s'en vante comme d'exploits accomplis envers et contre tous, par-devers soi.
La maladie, Groddeck le dit explicitement, est une création, comme une œuvre d'art, bien souvent la seule dont soit encore capable l'individu dans son aliénation ; d'où son caractère pathétique de dernière instance, lieu et cri, constitué à corps perdu, romantiquement : au prix de la vie. On retrouve là Thomas Mann, pour qui art et maladie, art et renoncement à la vie, se confondent également, comme fuite hors de la communauté humaine aliénante et aliénée, refuge de l'individualité retrouvée, inaltérée mais aussi inexorable.
La maladie est effectivement la "montagne magique" de l'individu, mais où celui-ci trop souvent meurt, sans même avoir compris comment et pourquoi. Et le propos de la psychosomatique, telle que l'entend Groddeck, est que l'individu puisse non pas seulement y mourir "en paix" mais aussi y vivre, par la lucidité acquise qui ferait qu'il renoncerait à la maladie sitôt qu'elle deviendrait "inadéquate" : excessive ou "irrémédiable" ; pour s'actualiser en d'autres jeux, non plus de mort mais d'amour ; car la lucidité, comme sagesse, est réconciliation avec le corps merveilleux - sexuel - de l'enfance.
Roger Lewinter,
Groddeck et le Royaume millénaire de Jérôme Bosch
Je trouve que c'est hyper audacieux mais loin d'être con ... j'ai pensé quelque chose de semblable quand mon ami d'enfance a été emporté par trois cancers (il faisait jamais les choses à moitié) l'an dernier ... j'ai pensé qu'il avait mis là en place la dernière façon pour lui d'être le lieu d'une jouissance (qu'il ne faut bien sûr pas confondre avec le plaisir), à un moment où il finissait de se réconcilier avec le monde alors même qu'il en avait marre...
Nietzsche disait peut-être quelque chose d'approchant ...