la gauche, qui est issue de la même matrice que la droite (c'est-à-dire de la "raison marchande", de son "progrès" à travers le développement technologique et sa science exclusivement orientée vers la domination de la nature) et qui, au fond, partage avec la droite les mêmes valeurs usurpatrices et destructrices qui ont fait de la planète un endroit invivable, a toujours vu dans le travail une valeur positive, hautement respectable (elle a toujours trouvé détestable le "ne travaillez jamais" de debord, mais trouvait aimable le "arbeit macht frei" des nazis).
je dédie donc ces citations à la gauche mensongère et criminelle, celle qui tout au long de l'histoire a combattu les tentatives pour en finir avec le développement capitaliste.
"Il semble donc bien que nous soyons au bout de cette aventure technicienne qui s'est engagée dans un mouvement de résistance de plus en plus forcené et catastrophique au dynamisme vivant naturel. Cette aventure a vu paraître dans l'histoire deux fléaux implacables : le travail et la destruction du monde vivant." - La folle histoire du monde
"Quant à reprocher à notre civilisation, comme on l'entend encore parfois, de favoriser les illusions religieuses, il faut rappeler que la lutte contre cette folie particulière a été l'affaire capitale de la civilisation marchande dès le moment historique où elle a réellement triomphé en Europe. L'athéisme est coexistant à la pensée marchande et ses progrès ont coïncidé avec ceux de la marchandisation du monde." - Sans valeur marchande, ch. IV
"L'Europe a donc suivi sa pente, entraînant le monde entier dans son histoire singulière, et s'éloignant toujours davantage de cette façon de vivre, et de vivre ensemble, qu'elle avait pu observer en Amérique, dans les îles du Pacifique et dans d'immenses contrées où l'on ignorait tout de ses voies. Les peuples de ces territoires ont été anéantis et leurs quelques survivants sont occasionnellement exhibés dans des espèces de "réserves", de zoos humains, de parcs ethnologiques. Le reste du monde a suivi l'Europe dans son aventure technicienne, dans son genre de folie, dans sa manière d'organisation sociale." - La folle histoire du monde
"Une opération systématique de dénigrement a donc été réalisée. On n'a pas craint de montrer les anciens peuples d'Amérique comme des "sauvages", ceux d'Europe comme des "barbares", toute la culture orientale comme "idolâtre" et la civilisation médiévale comme "obscurantiste".
A l'exception des civilisations marchandes de la Grèce antique et de la Rome impériale, aucune autre n'avait jamais eu le moindre esprit avant les temps lumineux de la nouvelle expansion commerciale et des penseurs qui s'y étaient formés." - Sans valeur marchande
"Cette idolâtrie du progrès est, aujourd'hui encore, tellement répandue et contraignante qu'il est presque impossible de montrer quelque inquiétude ou quelque dégoût pour les plus récents produits de notre civilisation moderne sans se voir soupçonné, comme d'un crime ou d'une folie, "d'antiprogressisme ou d'"anarcho-primitivisme" ; et s'entendre menacer d'un retour à l'"état sauvage" que la littérature, même scientifique, a toujours su représenter sous un aspect franchement bestial ou grotesquement idéalisé par la miévrerie de la cruelle Europe." - La folle histoire du monde
"Quant aux projets égalitaristes eux-mêmes et à l'idéologie socialiste, ils sont tout aussi intimement liés aux sociétés marchandes, quoique leur forme ait été différente selon le développement de ces sociétés. On en trouve ainsi la formulation exemplaire chez Aristophane (communautés des biens, élevage collectif des enfants, papillonnage sexuel) et chez son contemporain Platon (éducation des enfants par l'Etat, communauté de vie, de femmes et d'enfants). On n'en remarque, en revanche, aucune trace pendant plusieurs siècles d'Europe féodale. Et il faut attendre le renouveau des activités commerciales, qui aboutira bientôt à la fondation des premières communes bourgeoises, pour que l'idée d'une fin socialiste de l'histoire refasse surface dans les hérésies chrétiennes (abolition de la propriété privée, abolition du mariage et communauté des femmes, dénonciation de l'idéologie religieuse dominante) chez les hussistes, les Frères du libre-esprit ou les anabaptistes.
A partir de la Renaissance marchande, l'égalité universelle dans la consommation des biens et des femmes, ainsi que dans le travail, s'est affirmée comme projet historique, chez Thomas More, par exemple, puis au cours des révolutions anglaise et française. Au XIXe siècle ce projet a été réellement celui de toute une société, des banquiers philanthropes aux typographes socialistes. Il est apparu comme l'aboutissement heureux du "progrès" industriel, comme l'inéluctable fin de l'histoire, où la satisfaction des besoins les plus élémentaires permettrait à tous, luxe suprême, de cultiver l'amour des sciences, des arts et de la saine raison.
Dans les civilisations non marchandes, au contraire, la simple égalité abstraite des hommes entre eux n'a jamais eu aucun sens. Ces civilisations leur reconnaissaient plutôt une parfaite identité d'essence et, à ce titre, une même dignité originelle." - Sans valeur marchande, p. 50