Cet article parle d'une époque que les premiers éleveurs gaulois n'ont pas connu:
Plus sérieusement, on parlait des fromages suisses. Je crois que j'ai mentionné le méconnu Sbrinz comme proche du Parmesan. En apéro, c'est-à-dire en éclat, je le préfère au Parmesan, beaucoup plus fin et subtile (ce qui apparaît tout de suite en bouche, c'est moins salé). D'ailleurs, je trouve dommage de l'utiliser pour la cuisine. Ici j'apprends que c'est le père des fromages à pate dure.
J'ai copié l'article ci-dessous car je crois qu'il est réservé aux abonnés:
Citation:
Sbrinz contre mozzarella, deux fromages que tout oppose mais aux destins croisés
DUELS DE BOUCHE (6/10) Fromage frais contre pâte extra-dure? Ces deux-là ont en commun une histoire millénaire, un petit goût d’Italie, voire un destin cousin, entre apéro et plat de pâtes. Explorations et confrontations
Pascal Rotonda, producteur de mozzarella à Cuarnens (à gauche) et Pascal Andreas Res Gut, producteur de sbrinz à Kerns. — © Eddy Mottaz / Le Temps (gauche) et Fabian Biasion pour Le Temps (droite)
Pascal Rotonda, producteur de mozzarella à Cuarnens (à gauche) et Pascal Andreas Res Gut, producteur de sbrinz à Kerns. — © Eddy Mottaz / Le Temps (gauche) et Fabian Biasion pour Le Temps (droite)
Véronique Zbinden
Publié le 24 juillet 2023 à 12:00. Modifié le 24 juillet 2023 à 12:04.
https://www.letemps.ch/societe(...)ylink
Offrir cet article
Duels de bouche
Comment ça, la fondue britchonne est meilleure que la vacherin? Et la damassine, elle passe mieux que la gentiane? Attention sujet brûlant: nous faisons monter les produits du terroir sur le ring.
? Découvrir la série
A priori, tout les oppose. Ou presque. Mon premier est tout en rondeur et en moelleux, si doux, pour ne pas dire mou, qu’on pourrait parler de doudou. Un goût lacté tendre comme un souvenir d’enfance, un cœur crémeux qui fond en bouche, sous une enveloppe à peine plus ferme. Mon second est dur, extra-dur même, si dur que ses meules servirent jadis à bombarder les troupes ennemies du haut d’un alpage durant les guerres de religion. Si, si.
La taille ensuite. La première ne fait pas le poids, une plume, quelque 125 grammes pour sa déclinaison la plus fréquente: une boule légère comme une bulle. Le second pèse son poids: 45 kilos la meule, 45 kilos de matière sèche issue de quelque 600 litres de lait cru, dont le principe même tient à l’évaporation, grâce à un affinage interminable. Un paradoxe. Féminin/masculin? Pour peu que les fromages soient genrés, on considérerait volontiers la douce et laiteuse mozzarella comme femelle et le costaud sbrinz comme mâle…
Leur origine? Le sbrinz serait le plus ancien de nos fromages d’exportation – «la pierre angulaire» de notre réputation de nation fromagère, sa «roche primitive», son socle – souligne en substance le patrimoine culinaire… Alors que la mozza peut elle aussi se prévaloir d’une sacrée saga dans son Italie d’origine.
Lire aussi: Saint-Martin contre Bénichon: les fêtes de la bombance
On les surnomme, chacun dans sa patrie, l’or blanc pour celle-ci, l’or jaune pour celui-là, mais force est de constater qu’ils font mentir la statistique et les gender studies. En gros, la petite boulotte, cette immigrée de fraîche date, a mis au tapis toute la concurrence et joue désormais les premières de classe. Alors que le champion de lutte de Suisse centrale, cogné par l’industrie et la concurrence italienne, se retrouve dans la sciure et n’en finit pas de décliner depuis deux générations… Mais revenons aux sources de leur production, chez deux des meilleurs artisans du moment, pour tenter d’y voir plus clair.
Des Apennins au pied du Jura
Le voyage commence dans une ancienne fruitière du pied du Jura. Une aube moite traversée d’effluves acides, avec ses bassines d’eau bouillante, son petit-lait qui s’écoule, une cuve pleine d’un liquide dense, encore jaune pâle. Gerardo Rotonda est un des premiers à avoir lancé dans nos régions une production de mozzarella artisanale de haut vol à l’enseigne de Mozza’Fiato. Issu d’une famille de paysans, il est tombé dedans très jeune, dès ses 12 ans, et s’est formé dans une petite fromagerie de Campanie, à Lioni, province d’Avellino. Un pays de montagne déjà, dans les Apennins. En Suisse, où il débarque un peu par hasard, voilà une quarantaine d’années, il commence par faire toutes sortes de petits boulots, chauffeur ou cordonnier, vend des spécialités italiennes sur les marchés. Mais l’envie le titille de revenir à son premier métier, en offrant une mozza de qualité à son pays d’adoption. Son compatriote Angelo Albrizio l’a précédé de quelques années en inaugurant Casa Mozzarella à Genève. Gerardo lui emboîte le pas en 2014, à Yverdon, puis à Préverenges, avant de dénicher et de réhabiliter une petite fromagerie désaffectée dans le village de Cuarnens.
«J’ai démarré avec le lait de vache uniquement: dans la région de Montricher, il est abondant et de qualité», explique Gerardo, avant de trouver un élevage bio exigeant à Sins, en Argovie, qui lui permet de se lancer avec du lait de bufflonne.
Mais ici, tout est différent, il lui faut tout réapprendre. Dans les Apennins, on ne faisait que la fior di latte et le maître fromager n’expliquait rien: il a dû lui arracher ses secrets, les transposer au contexte, au lait plus gras, à sa texture différente, à une consommation nettement plus saisonnière; quant au lait de bufflonne, délicat à travailler, c’est encore une autre paire de manches…
A 62 ans, Gerardo est désormais secondé par son fils Pascal et par le jeune Alessandro, venu de Tropea pour parfaire sa formation. Récemment, il a investi dans l’achat d’une étrange machine à filer, la Ferrari du genre, made in Emilia Romagna et qui évite en partie l’étape douloureuse consistant à étirer la pâte à l’eau chaude, en se brûlant copieusement les doigts…
Pascal Rotonda, le 17 juillet 2023 à Cuarnens. — © Eddy Mottaz / Le Temps
Pascal Rotonda, le 17 juillet 2023 à Cuarnens. — © Eddy Mottaz / Le Temps
Gerardo achète une partie de la traite des troupeaux de la région, uniquement du lait de non-ensilage [l’ensilage est une méthode de conservation des fourrages par acidification, ndlr]: 4000 litres de lait de vache par semaine, pour 500 de lait de bufflonne. En plus de la boule de mozza «classique» de 125 grammes, il crée de nombreux produits dérivés: ricotta, ainsi que stracciatella et burrata (la première mêlant crème fraîche et stracce, fragments de pâte filée pour farcir la seconde), nodini, ciliegine, trecce ou encore scamorza (la boule originelle est légèrement fumée à froid). Et vend l’essentiel sur les marchés de Lausanne, Vevey, Morges, ainsi qu’à des restaurateurs.
Prendre de la hauteur
De Stans (NW), on gravit une route en lacets pour parvenir à Wiesenberg (OW). A près de 1500 mètres d’altitude, quelques bâtiments clairsemés sur un alpage nommé Chienern. Le mot viendrait, en dialecte, des planches d’épicéa traditionnelles utilisées dans les caves d’affinage. L’aube, encore. Un décor de carte postale, ou de Heidi land, d’une beauté étincelante, ponctuée de rares nuages en forme de crème fouettée et à peine plus bas, de la robe couleur marron glacé des Braunvieh, la race locale de bovins.
Mais il faudrait parler aussi, d’abord, de la qualité de l’herbe, de cette flore incroyable. Pas besoin d’être une vache pour en goûter les parfums insensés qui s’élèvent à hauteur d’homme, de la menthe sauvage au thym et à la livèche, de la sarriette aux trèfles et autres mélilots. Ce sont elles qui sont à l’origine de ce que les chercheurs de l’EPFZ ont baptisé le swiss alpine paradox: le lait d’alpage ne se limite pas à des arômes fruités intenses, uniques, il est aussi riche en omega-3 (acide alpha-linolénique) qui a une action positive sur les systèmes nerveux et cardiovasculaire. Un élixir ou presque.
Les journées d’Andreas Gut, dit Res, commencent avant 4h du matin. D’abord nourrir les cochons, gourmands de petit-lait depuis toujours. Puis réceptionner la traite des huit fermes voisines, destinée pour l’essentiel à la fabrication du sbrinz, plus quelques autres spécialités.
Andreas Res Gut, producteur de Sbrinz d’alpage à la fromagerie Alpkäserei Chüeneren de Kerns (OW), le 14 juillet 2023. — © Fabian Biasio pour Le Temps
Andreas Res Gut, producteur de Sbrinz d’alpage à la fromagerie Alpkäserei Chüeneren de Kerns (OW), le 14 juillet 2023. — © Fabian Biasio pour Le Temps
Ce gars-là est une énigme. Aussi peu disert que son fromage est expressif. Son sbrinz d’alpage décroche année après année la note de 20 sur 20 lors de la taxation de l’interprofession. Surtout, il a conquis les palais les plus exigeants – fou de produits authentiques, le chef doublement étoilé de Vitznau, Jeroen Achtien, lui tresse des louanges sur plusieurs pages de son livre de recettes, The Creative Chef Collection; l’historien et journaliste spécialisé Dominik Flammer s’enflamme, tout comme le fameux marchand lucernois Rolf Beeler – ce n’est plus un fromage mais déjà un mythe. Andreas n’en est pas plus bavard et lorsqu’on cherche à comprendre son secret, il se borne à répondre que tout est question du «moment juste». Laisser les ferments agir suffisamment, la présure faire son œuvre, puis le tranche-caillé brasser longuement la masse dans la haute cuve de cuivre. Combien de temps? Le temps que le grain ait la taille d’une «petite cerise». Le temps, le temps. Celui de l’affinage, totalement à contre-courant de l’époque. Jamais moins de deux ans, de préférence trois ou quatre. Une histoire lente, très lente, d’évaporation. Au préalable, les meules ont mariné en saumure durant quinze à vingt jours. Sous l’effet de la solution saline, elles transpirent, la croûte exsude, durcit. Le sel pénètre lentement vers le cœur, le costaud transpire, évacue de l’eau et prend du gras, on l’essuie chaque jour à l’aide d’un torchon. Adossé à la verticale sur sa planche d’épicéa, il voyage alors de cave en cave, vers des températures qui fraîchissent, entamant son interminable maturation.
PUBLICITÉ
Lire encore: «Pour la première fois, nous allons importer davantage de fromage que nous n’en exportons»
L’art et la méthode
La fabrication? Là encore, tout oppose mozza et sbrinz. Pour la première, le lait est porté à quelque 37 degrés, après avoir reçu les ferments naturels issus de son propre petit-lait, puis emprésuré, et repose durant un peu moins d’une heure. Le caillé est brassé manuellement, le temps de former des grains de la taille d’une noisette. On le retire de la cuve pour le laisser s’égoutter sur de larges plateaux, le petit-lait étant destiné à la ricotta. A ce stade, le caillé qui ressemble à de grosses plaques de nougat mou est en principe étiré à la main, à l’aide d’une latte de bois et d’une cuve d’eau brûlante. C’est la phase essentielle du filage: remué et étiré, le caillé doit filer sans casser. La pâte peut alors se transformer en d’interminables fils élastiques… Et c’est ici qu’intervient désormais l’accessoire magique, la machine à filer de Gerardo…
La mozzarella doit être travaillée rapidement, afin de garder un maximum d’humidité à cœur. Tout le contraire de notre sbrinz, pour qui le sec est une vertu. Après le filage, le façonnage: la masse est découpée (mozzata) à la main, façonnée en boules, en tresses, en nœuds, déposée aussitôt dans des bacs d’eau froide, passant vingt-quatre heures en saumure.
Le temps, le temps. Le mot n’a pas le même sens selon qu’on travaille une pâte filée – et vraiment il s’agit de filer vite et droit, faute de quoi on se brûle les mains et la masse perd son élasticité. La mozza se fabrique dans l’urgence. Le sbrinz dans la patience et la lenteur, son affinage a déjà un goût d’éternité…
Côté sbrinz, les étapes sont les suivantes. Le lait cru des deux traites est porté à 31° et reçoit ses ferments. Une heure plus tard, il est emprésuré. Pause de trente-cinq minutes avant de malaxer le caillé au tranche-caillé, de chauffer une nouvelle fois autour de 54-55°, de mouler et de presser le tout. Après quoi, chaque meule séjourne en saumure durant quinze à vingt jours, avant d’entamer son premier séchage, de se faire éponger et retourner tous les jours. Suit un affinage à la verticale d’au minimum dix-huit mois, mais les experts suggèrent d’attendre plutôt deux à trois ans. Celui que nous goûtons en a quatre, il est en effet exceptionnel de fruité, de complexité, d’umami.
Bombardement de fromage
Le fromage des Alpes est déjà connu des Romains, qui se font livrer des pâtes de toutes les provinces, y compris l’ancienne Rhétie, recouvrant les Alpes orientales. Pline l’Ancien évoque un caseus helveticus au Ier siècle de notre ère. Ressemblait-il au sbrinz tel que nous le connaissons? Le patrimoine culinaire ne tranche pas, soulignant néanmoins que celui-ci est notre plus ancien fromage d’exportation.
Des sources bernoises s’y réfèrent en 1530, évoquant un convoi chargé de meules parti de Brienz à destination de l’Italie. Le sentier muletier franchissant les cols du Grimsel et du Gries vers le sud est déjà utilisé à l’époque romaine, mais c’est au haut Moyen Age qu’il prend toute son importance. Le fromage devrait ainsi son nom au point de départ de la via Sbrinz: Brienz est le lieu du chargement, et le mot sbrinzo désigne le fromage à rebibes, en dialecte lombard.
Cet aliment de base des vallées alpines sert aussi de monnaie d’échange: passé la route des cols, les meules sont négociées contre des épices, du vin, du riz et des châtaignes. Pour l’anecdote, un épisode belliqueux illustre bien son tempérament: au début du XVIIIe siècle, la seconde guerre de Villmergen opposant catholiques et protestants voit les Bernois s’emparer de meules de sbrinz en guise de butin, sur les alpages de Gerschni et de Trübsee. Bientôt encerclés, ils doivent toutefois reconvertir leur casse-croûte en projectiles pour bombarder les troupes ennemies, relate Dominik Flammer dans son ouvrage Fromages suisses paru chez Glénat en 2010.
L’époque romaine connaît également l’ancêtre de la mozzarella à base de lait de brebis. Mais c’est à la bufflonne que ce fromage à pâte filée doit sa renommée auprès des gourmets. La présence de buffles dans le sud de l’Italie est très ancienne et sujette à diverses hypothèses. Quoi qu’il en soit, certaines sources mentionnent la fabrication de mozzarella de bufflonne dès le XIIe siècle, celle à base de lait de vache (dite fior di latte) étant postérieure de plusieurs siècles.
La pâte filée de la mozzarella doit être travaillée rapidement. — © xiliaanesolenyix / Pond5 / Imago Images
La pâte filée de la mozzarella doit être travaillée rapidement. — © xiliaanesolenyix / Pond5 / Imago Images
Les moines bénédictins de San Lorenzo di Capua offraient aux visiteurs un fromage nommé mozza (ou provatura) – ô délices de Capoue. On sait aussi que le nom vient de mozzare, autrement dit couper entre le pouce et l’index la pâte élastique formée en boule. Au fil d’améliorations techniques, le fromage frais issu de surplus laitiers est valorisé jusqu’à devenir un produit d’excellence réservé aux élites. On la dote ainsi, dès la seconde moitié du XVIIIe siècle d’un premier cahier des charges.
Autodidactes ou néo-ruraux
Le marché du fromage est décidément une énigme: la mozzarella est championne toutes catégories avec ses 24 336 tonnes produites annuellement, essentiellement industrielles. Elle est importée par blocs congelés, de Slovénie ou d’ailleurs pour satisfaire à cette autre industrie qu’est devenue la pizza. Loin, très loin de cette réalité, l’artisan subit les hauts et les bas de la météo: les choses sérieuses commencent en avril, avec un pic l’été. La consommation a beaucoup évolué depuis les années 2000, relève toutefois Gerardo, avec une vraie demande pour de la mozza de qualité, à consommer en fromage frais, en salades ou juste pour sa saveur, sa douceur légèrement acidulée. Le processus demeure entièrement artisanal, l’étape de la fileuse ne modifiant en rien les qualités intrinsèques du fromage frais.
Des artisans fromagers, venus pour beaucoup d’Italie, autodidactes ou néo-ruraux pour d’autres, se lancent dans l’aventure de la mozza, de lait de vache ou de bufflonne, voire les deux. Parmi ces pionniers, Casa Mozzarella à Genève; Mozza’Fiato à Cuarnens, et tout récemment Noula à Mézières.
De même pour la matière première. Les premiers à avoir fondu pour les beaux yeux d’une bufflonne furent des éleveurs de l’Emmental lucernois, en 2000. Vingt ans après ces audacieux, il est devenu presque habituel de croiser le mufle humide de ces grosses bébêtes encornées sous nos latitudes, du Val-de-Travers (NE) à GGollion (VD) ou à Bernex (GE).
Lire également: Le lait, une passion européenne qui ne tarit pas
Dépassé par le parmesan
A mesure que la mozza se répand, de fruitière en estive [pâturage d’été en montagne, ndlr], le sbrinz poursuit son repli. Jusque dans les années 1970, il se vendait en Suisse plus de sbrinz que de parmesan. Dépassée par la concurrence, tentée par l’industrialisation, une partie de l’interprofession a baissé les bras. Une trentaine de fromageries ont disparu au cours des dernières décennies.
On en produisait 5000 tonnes, ce chiffre correspond désormais aux quantités importées de parmigiano reggiano (1000 tonnes) et de grana padano (autour des 4000 tonnes). Seules 1495 tonnes de sbrinz ont été produites en 2022, dont 94,7 tonnes exportées. Jusqu’au début du XIXe siècle, le sbrinz n’était produit que sur les alpages: depuis 2001, le cahier des charges des AOP définit précisément la zone de production entre les cantons de Lucerne, Zoug, Obwald et Nidwald, Schwytz, ainsi que quelques miettes de Saint-Gall et de la commune argovienne de Muri.
Le sbrinz est l'un des plus anciens fromages d'exportation suisses. — © GAETAN BALLY / KEYSTONE
Le sbrinz est l'un des plus anciens fromages d'exportation suisses. — © GAETAN BALLY / KEYSTONE
Il faut distinguer, bien sûr, la production de montagne, des pâtes moulées et pressées en plaine: ces dernières n’ont que rarement la finesse, les parfums floraux, les arômes fruités, la complexité stupéfiante des sbrinz d’alpage. Elles ne sont plus que huit, les fromageries d’alpage produisant du sbrinz (sur un total de 25), de manière saisonnière pour la plupart, à l’exception d’Andreas, présent toute l’année dans son royaume fleuri.
Surtout, un sbrinz artisanal d’alpage n’a rien à envier aux meilleurs parmesans, nés d’un processus cousin, également au bénéfice d’une AOP depuis 1996 et d’un long affinage. Et on ne parle pas du Grana Padano, produit industriel issu de lait d’ensilage, admettant l’ajout de lysozyme, une enzyme qui accélère l’affinage et allonge la durée de conservation des pâtes dures… Un contexte de crise qui a incité Slow Food à lancer un programme de sauvegarde du sbrinz d’alpage (Presidio). Faire du sbrinz relève de l’idéalisme, confirme Rolf Beeler…
Le sbrinz, carte d'identité
Fromage gras au lait cru à pâte extra-dure, à la croûte ferme et sèche de couleur jaune pâle à doré, le sbrinz est affiné 18 mois au moins, précise le cahier des charges (2001) de l’AOP. Date et lieu de naissance? Il est aujourd’hui produit dans 25 fromageries, dont huit d’alpage, réparties entre les cantons de Lucerne, Obwald et Nidwald, Schwytz, Zoug, plus quelques miettes de Saint-Gall, Berne et Argovie. Quant à la date, c’est plus flou. Les Romains connaissent un fromage helvète qui est sans doute son ancêtre; il est assurément notre premier fromage d’exportation, via la route des cols, jusqu’à Domodossola. Il faut toutefois attendre le XVIe siècle pour les premières mentions d’un Brientzer käss et d’un Unterwaldner käss.
Le sbrinz est issu de lait de non-ensilage uniquement, d’exploitations distantes d’un rayon de 30 km au maximum. Caractéristiques organoleptiques? Saveur fruitée, épicée, notes légèrement grillées, arômes de café… Il est enfin le seul de nos fromages à se déguster de trois manières au moins: en éclats à l’apéro (tel le parmesan, avec un blanc sec et fruité), en rebibes ou râpé sur des pâtes ou un gratin…
La mozzarella, carte d'identité
Officiellement née dans un monastère de Capoue au XIIe, cette pâte filée est sans doute bien plus ancienne. La mozzarella se classe au deuxième rang des quantités de fromage produites en Suisse, juste après le gruyère, qu’elle aurait même devancé en termes de consommation. L’industrie s’en taille la plus grosse part. La production artisanale demeure impossible à quantifier, mais s’affirme depuis une vingtaine d’années. Pas de labels en Suisse, mais une AOP italienne (mozzarella di bufala campana DOP depuis 1996), définissant la zone de production – les provinces de Caserte et Salerne, en Campanie, certaines zones du Latium, des Pouilles et une commune de Molise.
Bufflonne ou vache (fior di latte)? Le lait de la première est plus riche en calcium, protéines et moindre en cholestérol, selon la FAO. Son fromage représente le nec plus ultra du fait de sa relative rareté (moins productive, la bufflonne est plus compliquée à élever), et de son goût typé. Slowfood Italie a créé un Presidio pour les élevages (de vaches) respectueux du bien-être animal dans le Parc national du Cilento.