Hello, Ladies and Gentlemen.
Je fréquente Guitariste.com depuis quelques années et je n'ai jamais osé pousser la porte hors des sections techniques et petites annonces.
Alors, je profite pour vous soumettre humblement ce petit article que j'avais écrit un dimanche apres midi alors que je me mettais l'Irish Tour en fond.
Citation:
Rory Gallagher Enlighted
En ce qui me concerne, Rory Gallagher faisait partie de ces personnages que le nom précède. Nom omniprésent dans la presse musicale et évoqué par de vieux rockers tabagiques parfois si érudit qu'ils en deviennent hermétiques, Rory Gallagher n'a jamais trop évoqué autre chose qu'un énième bluesman blanc, un énième Stevie Ray Vaghn, Johnny Winter, John Mayall etc... Il m'évoquait aussi ce modèle de Strat Fender brulé qui coute 2 mois de salaire.
Puis, un jour, aidé ou poussé, comme pour bien des choses par le net et sa chronophagie, je me suis laissé tenter par un disque, un best of, sans prendre de risque. Écouté, oublié. Sans doute déçu, moi, l'obsedé des harmoniques progressives et Pink Floydiennes d'alors. Déçu par ce petit bonhomme rugueux, simple et (trop) humble, à la voix d'éternel adolescent ne délivrant rien d'autre que des chansonettes à 3 accords, en formation de base drums-orgue-basse-guitare/chant. J'avais passé l'age des Doors, Jefferson Airplane et autres Santana... Je regrettai donc tout de suite de ne pas avoir connu cet artiste au temps d'alors, maintenant que je naviguais dans les eaux des experimentateurs britaniques et americains, quelle place avait Rory Gallagher dans mon univers Gabrielo-Enoien Floydique?
Puis, j'ai fait faillite. La vraie Faillite, celle de quand ce qu'on a construit s'écroule, quand la force, le travail et a sueur ne suffisent plus face à la Méchante Crise et que cette dernière ne vous évoque plus rien qu'une pendule dont on redoute les derniers coups, quand on se retrouve comme on dit "dans la merde", quand on se sent con et vulnérable. Quand on comprend qu'on a été prétentieux, quand on EST con et vulnérable.
Alors, dans les petits moments qu'on sauve avec des amis, quand on a reussi à garder quelques sous pour prendre une bière, dans ces petits moments, il arrive des choses, comme des petits éclats de lumière.
En parlant de ma tentative d'aborder Rory Gallagher avec un ami averti, j'explique à celui ci ma déception face au "manque d'ambition et au minimalisme du guitariste".... Mon interlocuteur m'écoute avec tendresse lui déblaterer mes envies de grandeurs, avec l'interet qui le caractérise, me laisse finir, puis, après une gorgée de biere: "...Tu n'as jamais observé ses vidéos? Les mecs dans le public? Ces gars se sont fait chier toute la journée à l'usine, ils sont en bras de chemise, et c'est pour eux qu'il joue. J'aime ce coté du mec qui vient donner du bonheur aux travailleurs."
... What else could I do?
J'étais en plein dedans, à terre, je bouffais de la merde et j'avais besoin qu'on me maintienne debout, pas qu'on me parle de grandeur et d'empire, juste qu'on me maintienne debout et qu'on m'aide à sourire.
Alors je me suis repenché sur Rory Gallagher, et là j'ai "vu".
Il a ce dont se passent bon nombre d'artistes: la génerosité. Parce que c'est casse gueule, la générosité, il y a ceux qui ne savent plus ce que c'est et ceux qui se sont fait submerger, il y a Bob Dylan et Gérard Lenormand.
Au milieu, on trouve Rory Gallagher, le troubadour du blues, dispensant avec humilité ce qu'il a: de la musique, du gros son et de la sueur. Tel un Léonard Cohen faisant comprendre au spectateur qu'il n'est pas seul, Rory Gallagher ne nous raconte pas de salades: la vie est dure, mais c'est la seule qu'on a.
On est dimanche matin, un dimanche de novembre. Tout va bien, demain, on retourne au travail, en attendant, il y a des petits moments de grace qu'on peut se repasser histoire de garder le sourire.