- #1
- Publié par
Yazoo! le 18 Mai 2004, 14:17
"La seconde moitié des années 1990 avait vu l'affaissement, puis la disparition, de Morrissey, l'une des voix les plus vénérées du rock britannique. En panne d'inspiration, l'ancien chanteur des Smiths avait quitté son Angleterre chérie, après les anodins Southpaw Grammar (1995) et Malajusted (1997), pour la Californie avec piscine et grosses voitures. On pouvait compter sur l'orgueil du bonhomme pour ne pas en rester là.
Morrissey a choisi pour son retour une maison de disques indépendante, Sanctuary, spécialisée dans l'hébergement d'anciennes gloires du rock, à l'intérieur d'un label racheté par celle-ci, Attack, qui, au début des années 1970, s'était fait un nom dans le reggae et le dub. Armé d'une mitraillette et de mots vachards, le chanteur fait honneur au patronyme belliqueux de son écurie et sort de sa retraite en sonnant la charge.
Les Etats-Unis, sa terre d'exil, en font d'abord les frais dans America Is Not the World, pamphlet anti-impérialiste qui oscille entre déclaration d'amour contrariée pour ce fan de James Dean et des New York Dolls et critique d'un pays dont "le président n'est jamais noir, femme ou homosexuel". Ce retour à la musique est aussi un retour à la Grande-Bretagne.Dans le mélancolique Come Back to Camden et surtout le fougueux Irish Blood, English Heart, Morrissey célèbre une nostalgie identitaire qui nourrit son œuvre depuis des années, au prix de quelques ambiguïtés. Entre rejet de l'establishment et amour du drapeau, il emprunte une route parfois tortueuse.
Si Morrissey n'a jamais mis sa langue dans sa poche, les aléas de la notoriété ont pu transformer la verve insolente en amertume, mauvaise conseillère dans The World Is Full of Crashing Bores. Avec le temps, certaines poses de désespoir narcissique se sont enfoncées dans la caricature. Mais en crooner des fragilités intimes, Morrissey peut encore faire mouche. Des chansons comme I Like You, Let Me Kiss You, All the Lazy Dykes rappellent la capacité unique de Morrissey à mêler intimisme et panache, inhibition et impudeur.
Surtout, cette voix, autant marquée par le glam rock que par le romantisme des torch songs ou par le music-hall britannique, profite d'une variété de textures et de mélodies dopée par l'efficacité luxuriante de la production. Les effets manquent parfois de subtilité, mais aux manettes l'Américain Jerry Finn a su donner du souffle aux cavalcades (l'accrocheur First of the Gang to Die) comme aux ballades."
édition électronique du Monde
(+1 !)