Un gars du forum yellow sub.net a eu la gentillesse de traduire une interview qu'a donné georges harrison à un magazine musical en 1987
la voilà :
A l’écoute de votre nouvel album, « Cloud Nine », on a le sentiment que le son y a été particulièrement soigné par rapport à vos enregistrement précèdent ?
G.H : En fait, j’en avais assez du music business et peut être aussi de ma façon de travailler en faisant tout moi-même : production, composition, interprétation.
J’en avais un peu marre de tout cela. J’ai profité de ces années d’interruption pour y réfléchir et je me suis dit : « c’est toujours agréable de faire un disque, mais si je voulais enregistrer, qui pourrait m’y aider ?
Le choix n’était pas très vaste mais j’ai pensé à Jeff Lynne : il serait parfait.
Seulement je ne le connaissais pas, je ne l’avais jamais rencontré.
Heureusement, Edmunds avait travaillé avec Jeff, aussi lui ai-je demandé d’organiser la rencontre.
Peu de temps après, Dave m’a rappelé pour me dire que Jeff était de passage à Londres, qu’il prévoyait donc un dîner avec lui. Le premier contact a été bon, encore que nous nous intimidions quelque peu l’un l’autre.
Puis j’ai appris a le connaître ce qui, finalement, m’a permis de lui forcer la main pour accepter de produire mon disque !
Ce fut extraordinaire ; l’arrivée de Jeff m’a vraiment amené un plus. Il s’est tellement investi dans l’album, d’une façon si désintéressée. Son travail a été accompli avec délicatesse, il n’a rien altéré de ma personnalité, ce que j’apprécie réellement.
Pour tout dire, je crois honnêtement que sans Jeff ça n’aurait pas été le même album. Je suis très content de dire que ça a si bien marché. J’espère avoir l’occasion de retravailler avec lui dans le futur. Jeff est un véritable artisan. La musique, c’est toute sa vie. Il adore ça.
A-t-il contribué a la composition de certains titres ?
G.H : Nous en avons écrit trois ensemble. Je lui ai demandé de m’écrire une pièce pour l’album, et il a composé « This is Love ».
Quand il me l’a présentée, il disposait de plusieurs variantes de la même chanson. J’ai choisi parmi celles-là les passages que je préférais avant d’en écrire les paroles avec lui.
Avec ce qui restait de ce s variantes, il y avait largement de quoi mettre en place deux autres titres. Puis nous avons coécrit «That’s What It Takes », en composant cinq parties centrales sans savoir vraiment laquelle choisir. Gary Wright passait dans le coin et je lui ai demandé s’il n’avait pas quelque chose sous la main. Il m’a répondu : « Oh, j’ai bien quelques accords un peu bizarres dont je ne sais que faire ». Nous les avons donc fondu au milieu de cette chanson.
Ça sonne un peu comme les Beach Boys, quand au milieu ça monte d’un ton.
Et puis il y a « When We Was Fab » que Jeff et moi avons complètement écrite ensemble. Je voulais composer une pièce qui sonne comme une ancienne chanson des Fab.
A la fin de ce titre, justement, on peut y entendre des effets très Beatles, et même du sitar … Vous en jouez encore ?
G.H : Bien sûr. Dans ma salle de guitare, j’en ai un très bon que je pratique de temps à autre. Je reste fasciné par le son de cet instrument. Je veux dire, je n’ai rien d’un expert à ce sujet. Comme pour la guitare, il faut vraiment jouer et travailler pour progresser ; ce que je ne fais pas. Même avec le sitar. Je n’y ai pas touché pendant des années. Ce n’est que depuis deux ans que je m’y suis remis, pour mon plus grand plaisir.
Au cours des cinq années qui ont séparé « Gone Troppo » de « Cloud Nine », avez-vous beaucoup travaillé la guitare ?
G.H : J’ai plutôt tendance à utiliser la guitare uniquement pour composer. Et aussi, puisque je dispose d’un studio chez moi, pour enregistrer des maquettes.
Pendant ces cinq années, je n’ai jamais réellement cessé d’écrire.
Certaines pièces de « Cloud Nine « datent-elles de cette époque ?
G.H : Oui, mais nous les avons reprise. « Just For Today » et « Cloud Nine» notamment.
« Wreck Of The Hesperus » a été écrite il y a deux ans environs, mais je n’en avais pas fait de maquette.
Je l’avais simplement enregistrée sur cassette en m’accompagnant à la guitare acoustique. Puis il y a deux titres que j’ai composés l’année dernière pour le film « Shanghai Surprise » mais que je n’avais pas réunis en album ; les gens, avant même la sortie du film, commençaient déjà à le critiquer.
Il y a eu un tel merdier à ce sujet que je savais, bien que j’aimais beaucoup ces chansons, que nul ne s’y intéresserait. Alors j’ai repris « Someplace Else » et « Breath Away From Heaven », deux trés belles chansons que je ne voulais vraiment pas perdre. Une autre chanson « Got My Mind Set On You » … Je ne sais plus quand elle a été composé. Je l’ai depuis 1960, 1961!
( Traduction de Zong depuis la version Anglaise : ""There's one song, "Got my mind set on you" - I don't know when it was written. I've had a copy of it since at least 1960 or '61."
"I've had a copy of it since" = "J'en ai un exemplaire depuis")
Cette version était bizarre, trés vieillotte mais elle me plaisait. Elle est toujours restée dans un recoin de ma mémoire.
Pendant votre absence, n’avez-vous jamais songé à vous retirer définitivement de la musique ?
G.H : Non, pas vraiment. Mais c’est ce que je disais autour de moi pour qu’on me laisse tranquille ! Vous savez, j’ai une compagnie cinématographique et nous nous sommes occupés de productions de films.
Comme je vous le disais, je n’ai jamais cessé réellement d’écrire des chansons et d’enregistrer des maquettes ? Ce que j’ai toujours aimé faire, car les contraintes sont inexistantes. Je ne fais qu’une seule prise, c’est rapide. On peut ainsi écrire et enregistrer une chanson sur cassette en trois ou quatre heures. En revanche, quand on entre en studio, ça devient nettement plus sérieux.
Dans votre studio personnel, possédez-vous des boîtes à rythmes ?
G.H : Oui. Nous les avons utilisées pour l’album. Que sur deux pistes, je crois. Mais Jim Keltner, qui est un as de la batterie acoustique, est le meilleur que j’ai jamais entendu à la programmation de boîte à rythmes. Nous avons chargé tous ses sons, ou doublé avec la grosse caisse de Ringo et divers sons de caisse claire. L’ingénieur a obtenu un son vraiment très riche. Ce qu’on peut entendre sur « Got My Mind Set On You » est entièrement rythmé sur machine. Jim parvient à le faire swinguer. Du coup ce n’est pas trop rigide. Ces boîtes à rythmes ne me gênent pas sur les maquettes si c’est Jim qui les programme, mais en règle générale, je ne suis pas n amateur d’électronique, de Midi ou de DX7. Tout le monde a le même son. Je voulais un son plus Live, un son de groupe, en mélangeant Ringo et les boîtes.
Aujourd’hui, tout le monde semble obsédé par des mesures parfaites, mais moi, j’aime bien y ajouter des éléments humains. J’imagine que ça fait un peu ‘conservateur’, vieille école. J’ai essayé de faire un album que j’aime Heureusement. C’est l’une des raisons qui expliquent que j’ai travaillé avec Jeff. Comme moi, il n’apprécie pas ces sonorités tellement en vogue dans la musique actuelle.
Pourquoi avoir tant attendu avant de produire un nouvel album ?
G.H : J’en avais assez du monde de l’enregistrement. Ce dont j’étais en partie responsable, parce que je devais tout prendre en charge, sans compter sur l’assistance de quiconque. Et puis aussi à cause de l’environnement musical.
Personnellement, je continu a préférer la musique des années 60 et du début des années 70. Bien sûr, il y a aujourd’hui certaines choses que j’aime. Mais le plus souvent, j’ai l’impression que tout se ressemble. Sans parler de ce qui se passait dans les maisons de disques. J’ai connu une mauvaise période – pas uniquement dans le monde du disque, mais partout , au moment du choc pétrolier, quand les labels licenciaient à tour de bras.
Toutes les stations de radio programmaient les mêmes choses. J’en ai vraiment été dégoûté.
J’ai écrit une chanson il y a quelques années intitulée « Blood From A Clone » ou j’essayais de dire ceci : « Ils prétendent apprécier mais tu fais maintenant partie du marché. Ça ne peut pas bien marcher parce que c’est trop ancien ». Toutes ces histoires de marketing – tout doit être d’une certaine façon sans quoi pas question de passer à la radio.
J’en ai eu assez d’écrire des chansons et d’enregistrer des albums que nul n’aurait l’opportunité d’écouté. Je l’ai fait pendant vingt ans, j’en ai eu marre. Alors je me suis reposé, j’ai fais des films.
ça m’a permis de rencontrer Jeff, d’apprendre à le connaître . Aussi je pense que ce temps a été bien utilisé. Au reste, les gens n’en apprécient davantage votre retour, ce qui bien sûr n’est pas le cas quand on occupe en permanence le devant de la scène.
Ne pensez vous pas justement, en raison de cette absence, affronter plus de pression ? Que les gens attendent plus de vous ?
G.H : Non, pas du tout. Je n’ai pas le sentiment de procéder à un come- back, c’est quelque chose qui me fait rire. Ça n’est pas un retour puisque je ne suis allé nulle part !
Mais aujourd’hui, j’ai changé d’attitude, ça n’a plus d’importance. Je connais mes limites. J’ai fait de mon mieux et Jeff aussi pour m’aider.
Par sa présence, je crois qu’il a tiré plus de moi que si j’avais travaillé seul. La maison de disque est contente de l’album et s’en ai bien occupé. Si les gens l’apprécient, ont l’opportunité de l’écouter, ils l’achèteront. Dans le cas contraire, c’est dommage mais, vous savez, on continu d’exister avec ou sans ce type de joie.
Considérant le succès que vous avez connu, vous ne devriez pas éprouvez le besoin de vous prouvez quoi que ce soit et d’entrer dans le top 10 à chaque nouvel album.
Alors pourquoi ne pas rassembler quelques musiciens et enregistrer un bon vieux disque de Rockabilly, juste pour le plaisir ?
G.H : Nombre de gens aimeraient cela mais je ne sais pas s’il y aurait de quoi faire un succès.
Vous savez, j’y ai pensé et on me l’a souvent dit. Il y a des années, Léon Russell me répétait à l’envie : « Fais le, tu le fais si bien ». Un rythme jing-jinga, tous ces trucs du genre « That’s All right, Mama ». A une époque, Paul McCartney disait toujours : « d’une certaine façon, il est plus facile d’écrire « Yesterday » que A-Woop-bop-a-Lubop-a-Wop-Bam-Boom », et c’est vrai.
C’est une chose que de chanter « Blue Suede shoes », mais c’en est une autre de l’écrire. J’ai dit à Carl Perkins : « Ne serait-ce pas génial s’il y avait encore des chansons comme ça aujourd’hui ? » Il s’est alors assis et a ébauché une dizaine de titres de son cru tous aussi superbes les uns que les autres, comme ça ! Il ne lui manque plus qu’un producteur et un contrat d’édition.
Et pourquoi pas …
G.H : Oh, bien sûr, nous aiderons Carl. J’aimerais enregistrer avec lui quelques titres.
Quand les Stray Cats, et tous ces groupes de Rockabilly revival sont redevenus à la mode, vous ne vous êtes jamais mêlé au mouvement.
G.H : J’aimais bien les Stray Cats, parce qu’en pleine période punk, ça faisait plaisir de voir des jeunes, la génération qui nous suivait, s’intéresser à ce vieux truc.
Prévoyez vous une tournée après cet album ?
G.H : Je ne sais pas encore. Il y a quelques mois, j’ai tâté un peu le terrain (au Trust Concert du Prince), juste pour voir. Et bien que ce soit agréable, ça pompe une énergie incroyable. Donc, le faire deux soirs ça va, mais de là à partir sur la route …
Je préfère rester chez moi. En famille.
En fait, ce que j’aimerais ressemble aux anciens spectacles de Rock’n’Roll, avec dix ou quinze personnes au programme, chacun ne chantant qu’une ou deux chansons. Ce serait vraiment bien, quoique pas facile à mettre en place.
Les Beatles ont toujours été sous estimés comme instrumentistes, et , à une époque ou il était souvent interviewé, Ringo, à la question « qui est le meilleur batteur de Rock’n’Roll? » répondait : « moi ! »
G.H : Il pourrait l’être. Ou du moins l’un des meilleurs. J’ai vu Ringo jouer pour d’autres personnes, aussi bien que pour moi ou pour les Beatles, ou il tenait ce rythme régulier jour et nuit. Toutes les quatre vingt dix minutes il s’arrêtait pour fumer une cigarette, pisser, puis revenait prendre son rythme tout aussi régulièrement. Il joue de la batterie de la même façon que je crois jouer de la guitare. Techniquement, il ne fait rien que tenir ses baguettes et taper sur ses toms. Et il balance des trucs qui font craquer des gens comme Jim Keltner. Ça les épate parce que Ringo les démarre au mauvais moment, mais c’est toujours bien vu. Tout au feeling. Il y a certain titre sur cet album – plus particulièrement « When We Was Fab » ou j’ai commencé à écrire en pensant « Okay, Ringo va commencer par One, Two Bag-a-dum, bag-a-dum, et tout partira de là ».
Si parfois il joue des trucs un peu farfelus, comme au bon vieux temps, à d’autre moment, ça devient franchement génial. Ça sort tout droit de 1965. La combinaison Ringo et Jim Keltner a vraiment réussi parce qu’ils s’admirent mutuellement. Moi aussi je suis un peu comme ça.
J’aime bien jouer la guitare rythmique puis réfléchir a ce que sera le chorus. Si je veux être réellement spontané, bluesy, rocky, je fais une tentative. Je peux parfois le faire, ou esquisser
Ce que je vais faire, comme sur mes maquettes – mais là je dois faire appel à un camarade, répondant au nom d’Eric, qui l’interprète. C’est aussi une grande chance d’avoir Eric à ses cotés.
Clapton précise que vous l’avez également influencé, et il y eut cette période ou vos jeux se ressemblaient fortement. « Something » (« Abbey Road ») n’est pas si éloigné de Wonderfull Tonight (« Slowhand »), par exemple.
G.H: Oui, j’adore Eric. J’adore son toucher de guitare. Quand il vient jouer sur mes chanson, il n’apporte ni ampli ni guitare et s’exclame : « Oh, tu as une bonne Strat ! » . Il le sait d’autant mieux que c’est lui qui me l’a donné § Il la branche, place le vibrato et … La guitare a le son d’Eric. C’est là toute la beauté des guitaristes : si certains jouent mieux que d’autres, chacun possède ses caractéristiques propres. C’est comme un blues en douze mesures. Il est impossible de jouer les douze mesures deux fois de façon identique. Des choses qu’Eric peut faire, il me faudrait toute une nuit pour en venir à bout. Lui y parvient en une seule prise. Parce qu’il joue tout le temps. Puis, quand on écoute quelques notes que j’ai interprétées en slide, je vois à son regard qu’il les apprécie. Et pour moi, si Eric apprécie un de mes solos en slide, cela revêt plus d’importance que l’approbation de la moitié de la population mondiale.
Il est tout de même étrange que la seule chanson nécessitant un solo que vous avez écrite avec les Beatles, « While My Guitar Gently Weeps », fut précisément le titre des Beatles ou Clapton joue le chorus . D’un point de vue de production c’est bien pensé, mais peut être pas pour l’artiste. Ne désiriez vous pas appliquer votre propre facture sur ce solo ?
G.H : Non, je préférais que ce fût Eric. Vous savez, j’ai travaillé ce titre avec John, Paul et Ringo un jour, et ils n’ont montré aucun enthousiasme. Je savais pourtant que c’était une jolie chanson. Le lendemain, j’étais avec Eric et j‘allais entrer en studio. Je lui ai proposé de venir jouer ma chanson. Il m’a répondu : « Oh, non, je ne peux pas. Personne n’a jamais joué sur un disque des Beatles. » J’ai insisté et il est venu. En raison de sa présence, les autres ont été adorables. Donc j’ai pu me concentrer sur la rythmique et la voix. Eric a interprété le solo que je trouvais parfait. Nous l’avons réécouté et il a dit : « Ah, il y a un problème. Ça ne sonne pas assez Beatles ». Alors nous l’avons passé dans l’ADT pour le décaler un peu.
La plupart des solos étaient enregistrés en direct ?
G.H : Oui. A l’époque on ne disposait que de quatre pistes. Sur ce disque, « L’album Blanc », je crois qu’on avait un huit pistes, aussi certaines parties sont-elles enregistrées en re-re. Si je me souviens bien, la batterie, la basse, l’acoustique, le piano, la voix et Eric étaient chacun sur une piste. Mais quand nous l’avons enregistrée, je l’ai chantée en m’accompagnant à la guitare acoustique, avec Paul au piano, Eric et Ringo. Ensuite Paul a joué la basse en re-re.
Avec les Beatles, on a toujours eu l’impression que chacun de vos solos constituait une véritable mini composition, avec des sonorités et des techniques différentes selon ce qu’exigeait la chanson. Une attitude qui tend à disparaître au profit de la « pyrotechnique ».
G.H : Oui, des solos travaillés. C’est surtout parce qu’on travaillait directement en mono ou en stéréo. Comme pour les premiers disques. Puis nous avons eu un quatre pistes. Mais pour ces prises, on devait tout faire en même temps, ou du moins le plus possible. Alors on disait : » Ces guitares vont entrer dans le deuxième refrain, jouer cela, puis le piano arrivera par-dessus ».et nous devions avoir le son propre de chaque instrument. Puis faire la balance entre eux puisqu’ils allaient être prémixés sur une seule piste et qu’il ne serait plus question d’y retoucher. On jouait alors, chacun se préoccupant de ce qu’il avait à faire. Ces conditions faisaient que nous travaillions chaque partie. En écoutant les compacts,on peut y entendre de très bonnes choses, comme « And Your Bird Can Sing » ou je crois que c’est Paul et moi, ou peut être John et moi, qui jouons en harmonie une petite ligne plutôt compliquée. On avait dû vraiment la travailler vous savez. A nos débuts, les solos étaient joués au pied levé, ou alors nous les avions beaucoup interprétés sur scène.
Que pensez vous des Beatles en compact ?
G.H : Je ne suis pas fanatique du son sur compact. Je crois que je préfère les vieux mixes, les anciennes versions. Il me semble que le compact s’adapte bien aux trucs d’aujourd’hui, mais
Ses sons d’époque, je les ai détestés.
Je me souviens, au milieu des années soixante, tous les groupes américains que nous rencontrions nous demandaient comment nous obtenions ce son. Et je me suis rendu compte que les guitares Gretsch que je possédais et les amplis Vox sonnaient si « frêle ». C’était avant qu’on enlève le filage de la troisième corde et aussi parce que c’était toujours accompli à toute vitesse, sans l’opportunité d’une deuxième prise. On ne se préoccupait pas du son de notre coté. Il était si faible.
C’est à cette époque qu’Eric m’a donné une Les Paul, ce qui nous ramène à l’histoire de « Guitar Gently Weeps ». C’est ma guitare qui pleure doucement.
L’album Blanc tranche des précédents en terme de sons de guitare – avec plus de volume et de Fuzz. Etait-ce le produit de l’époque et des thèmes de ces chansons ?
G.H : En partie, et le genre des groupes du moment. Nous avons commencé comme un petit groupe, en mono : on se contentait de deux pistes et c’est tout. Les techniciens d’Abbey Road avaient travaillé aux disques de Peters Sellers, ou de Skiffle. Personne n’avait l’expérience des américains. Les Etats-Unis étaient toujours en avance, et quand il s’agissait de sons et de musiciens, nos regards se tournaient toujours vers l’Amérique.
On avait le sentiment d’être un petit groupe chanceux. Nous savions que nous avions quelque chose de bon à offrir, mais nous restions plutôt modestes. Si nous disposions d’un matériel daté, nous nous en contentions. On goûtait simplement au plaisir de se trouver en studio. Et au fil des ans, nous avons probablement eu un quatre pistes alors que toute l’Amérique était équipé en 8 pistes et s’apprêtait à passer en 16. Puis nous avons eu un 8 pistes alors qu’ils connaissaient tous le 24 pistes. Nous avons toujours été en retard. Mais c’est une des choses qui m’agacent dans la musique aujourd’hui : tout le monde dispose de 48 pistes, du Midi, de 89 000 pédales à leur guitare … Et ça ne vaut toujours pas That’s All Right Mama d’Elvis Presley ou Blue Suede Shoes par Carl Perkins, ou Chuck Berry, Little Richard, Buddy Holly, Eddie Cochran, les vieux Everly. Vous pouvez les réécouter, c’est toujours aussi bien. Alors quand « le syndrome de la pédale » a fait son apparition, je m’en suis immédiatement dégagé. Et j’ai commencé à me dire : « si je peux accorder ma guitare et jouer jing-jinga-jing, que ça sonne bien, alors je serais content. Je ne vais pas faire les pieds au mur avec tous ces trucs »
Et puis aussi, on faisait les choses comme Carl Perkins ainsi même qu’il l’expliquait au cours de son spectacle : Il racontait qu’il apprenait à jouer comme Les Paul sans savoir que celui-ci utilisait de l’écho et réalisait des re-re. D’une certaine façon, c’est ce que nous faisions aussi. L’écho qu’on trouvait sur les anciens disques Sun, ceux de Carl et d’Elvis, nous, nous le chantions ou essayions de le jouer ! En entendant cela (il imite le son d’une basse jouée en slap) , on se disait que le batteur devait jouer avec des baguettes sur les cordes de la basse. Nous étions naïfs, on ne savait pas. Même pour « Abbey Road », nous devions sans cesse inventer pour produire de nouveaux sons, pour que ça reste intéressant. On se disait : « aujourd’hui, on va faire du Fleetwood Mac » : on mettais la reverbe à fond et feignait d’être Fleetwood Mac.
On peut entendre des effets de volume sur certaines chansons comme « Yes It Is » « Wait » « I Need You ». Utilisiez vous une pédale de volume ?
G.H : Je ne crois pas. Il y avait un type, à Liverpool, qui avait été à l’école avec Paul et moi. Il faisait partie d’un groupe : The Remo Four, et jouait avec Billy J. Kramer. Il pouvait interpréter des trucs à la Chet Atkins, en jouant deux airs en même temps – comme « Colonel Bogey ». Il possédait une pédale de volume et il me semble bien l’avoir essayée, sans vraiment en tirer parti. Alors pour les titres que vous citez, je jouais tandis que John se tenait à genoux devant moi pour tourner le contrôle de volume de ma guitare.
Après les Beatles, vos solos se sont pratiquement limités au slide.
G.H : Exact. Dans les années 60, je ne me souviens plus de l’année exacte, il y a eu une période ou je me suis vraiment passionné pour la musique indienne. J’ai commencé à jouer du Sitar, à fréquenter Ravi Shankar, et j’ai pris des cours pendant deux ans. Puis après cette période, je me suis dis que je négligeais la guitare et ce que j’étais censé faire. Je savais que je ne deviendrai jamais un grand joueur de Sitar, parce que j’en avais déjà rencontré plus de mille en Inde, et Ravi pensait qu’un seul d’entre eux aurait une chance de devenir un instrumentiste de haut niveau. Bref, je pensais qu’il valait mieux que je me remette à la guitare. A cette époque, il y avait déjà plein de gamins de dix ans qui jouaient vraiment bien. Je me suis dit que j’étais hors du coup, déplorant même ne pas savoir comment obtenir un son correct ! Jouer avec un slide m’a paru alors plus Funky que ce que je pouvais faire avec mes doigts à l’époque. Sans vraiment m’en rendre compte, j’ai développé un style. Puis des gens sont venus pour me demander de jouer en slide sur leurs disques. Certains ont commencés à m’imiter, ce qui est évidemment très flatteur.
Mais encore une fois, comme ce que je disais à propos du son, je ne pensais pas que cela pouvait représenter un intérêt.
Pensez vous que le musique indienne, le sitar, ont favorisé cette approche du slide ?
G.H : Sans aucun doute.
Le son des Beatles était beaucoup influencé par le changement d’instruments – le plus souvent parce que certaines compagnies vous donnaient de nouvelles guitares. Rickenbacker vous a donné une 12 cordes …
G.H : Oui, j’ai la numéros deux ! Un de mes amis Anglais, Alan Rogan, qui assure la maintenance de guitares, vient de découvrir que ma 12 cordes Rickenbacker est la deuxième qu’ils ont construite. La première a été donnée à une femme, la deuxième est la mienne. J’en ai eu une autre, avec des échancrures arrondies, mais je l’ai perdue, ou on me l’a volée. Ce qui m’arrive souvent … Mais celle que j’ai est vraiment très bonne. J’en adore ce son et aussi la façon dont sont montées les mécaniques : même ivre, on sait toujours quelle corde on accorde !
Sur « If I Need Someone », n’est-ce pas cette Rickenbacker, avec un capo ?
G.H : Cette chanson doit être en Ré. En tout cas, elle a été composé avec un capo en 5 em case. L’ouverture de « Hard Day’s Night »est également due à cette Rickenbacker 12 cordes. Et aussi « Fish On The Sand », sur mon nouvel album.
Comment se répartissaient les solos au sein des Beatles ? Par exemple, n’est-ce pas Paul qui joue le chorus de « Taxman » ?
G.H : Eh bien, à cette époque, avoir le droit de placer une une de mes chansons sur l’album me contentait tellement que me moquais bien de savoir qui jouait quoi. Alors, quand Paul disait : » je vais t’aider, je vais jouer ça », je n’allais pas discuter.
Paul et John ont joués lead sur de nombreuses chansons. Les gens pensent que c’était toujours moi parce que la guitare lead m’était créditée.
Paul joue en slide sur « Drive My Car », ce n’était pas moi. Mais de la même façon, il m’arrivait de prendre la basse sur certains titres.
Nous essayions toutes sortes de choses.
De là à prendre titre par titre, comme l’a fait John à une époque, pour préciser qui fait quoi, ça ne m’intéresse pas. Nous y avons tous contribué.
Comme je le disais précédemment, si Eric peut faire quelque chose susceptible d’améliorer ma chanson, ça ne dérange pas mon ego de guitariste. La même chose avec Paul, j’étais content qu’il participe à « Taxman ».
Si vous faites attention, vous remarquerez qu’il fait un petit truc un peu indien, à mon attention.
Et John a interprété un superbe solo pour « Honey Pie », sur l’album blanc : ça sonne un peu comme du Django Reinhardt, à la façon d’un solo de Jazz.
Dans votre livre « I Me Mine » Il est surprenant que vous ne parliez pas …
G.H : Des Beatles ?
… Ou de vos influences musicales.
G.H : Vous devez comprendre que ce livre, au départ, devait simplement reproduire les feuillets sur lesquels avaient été écrites les chansons.
Puis, il s’est développé avec des commentaires sur chaque chanson – comment elles ont été écrites, des anecdotes. Puis ils ont décidés de demander à Derek Taylor, un ami écrivain, d’y ajouter quelques lignes.
Nous avions un magnétophone et nous avons simplement discuté – comme nous sommes en train de le faire. Ensuite, ils m’ont fourni une copie que j’ai revue. C’est donc devenu un livre. De toute façon, les Beatles ont été décrit en long et en large par tout le monde – par vraiment beaucoup de gens. Et le sont encore aujourd’hui. Je ne voulais pas non plus que l’on pense que je tirais parti du prestige des Beatles.
Je sais que John s’est senti personnellement insulté de ne pas y figurer, mais je ne mentionnais pas plus Paul ou Ringo.
Derek m’a même demandé « Tu ne veux pas dire quelque chose à propos de Pattie ?
Vous avez tout de même été mari et femme pendant dix ans. »
Mais je voulais éviter tout ce que les gens attendaient de savoir, le coté commérages – et puis je ne désirais pas m’en prendre aux autres. Il fallait que ce livre reste ce qui avait été prévu, un bouquin sur les chansons proprement dites.
La plupart des articles et interventions au sujet des Beatles s’intéressaient plus à la Beatlemania, et parlaient rarement de vous quatre en tant que musiciens. Par exemple, qu’est-ce qui vous a poussé vers la guitare ?
G.H : C’est tout à fait vrai … Mes plus vieux souvenirs sont ceux de mon père partant naviguer dans la marine marchande. Et un jour, alors que j’étais petit, il m’ rapporté un gramophone acheté à New York, avec de nombreux disques. Des vieux 78 tours, et la grosse aiguille du tourne disque … Il y avait un disque de Jimmie Rodgers. Pas le type qui chante « Honeycomb », mais le vieux Jimmie Rodgers. J’adorais cela. Le son de ces vieilles guitares acoustiques enregistrées très grossièrement. Je ne sais pas, quelque chose m’a paru attrayant.
Il y avait aussi un type de Jacksonville, en Floride, qui était très connu en Angleterre, Slim Whitman.. Il a composé tout ces airs, comme Rose Marie. Il passait à la radio, ses disques marchaient très fort chez nous.
J’avais douze ou treize ans quand un gamin de mon ancienne école primaire a voulu vendre sa guitare. Je lui ai achetée pour 3 livres et dix Shillings, à peu prés l’équivalent de dix dollars. Une petite guitare acoustique bon marché dont je ne savais pas trop quoi faire.
J’ai remarqué qu’il y avait une grosse vis là ou le manche rejoignait la caisse. J’ai trouvé cela très intéressant, je l’ai dévissé et le manche est tombé. Ah ! Ah ! J’étais tellement honteux de ne pas parvenir à le remettre en place que je l’ai caché pendant un temps dans un placard, jusqu’à ce que mon frère la répare.
Puis il y a eu cette grande mode du Skiffle en Angleterre, avec Lonnie Donnegan. C’est lui qui a entraîné tous les mômes. Tout le monde faisait partie d’un groupe de Skiffle. Si certains abandonnèrent rapidement, les autres formèrent tous ces groupes des années 60.
Ce que jouait Lonnie s’apparentait tout à fait aux titres de Lonnie Johnson ou Leadbelly, mais lui, ça paraissait vraiment accessible aux gamins. Parce qu’il suffisait d’avoir une guitare acoustique, une washboard pour les percussions et d’un boite à thé sertie d’un manche qui faisait office de basse. Nous avons tous commencé ainsi. Avec seulement deux accords, jing jinga jing …Et je crois en être resté là. Je suis encore un Skiffler vous savez. Seulement, aujourd’hui, je fais du post-Skiffle, c’est tout. C’est pourquoi l’idée d’être en couverture d’un magazine spécialisé m’a toujours un peu gêné.
Quand vous êtes passé à l’électrique, qu’elles furent vos influences ?
G.H : Les premiers trucs d’Elvis, Carl Perkins, The Everly, Eddie Cochran. Vous savez, j’ai toujours voulu une de ces Gretsch orange avec un grand G dessus. J’ai fini par en avoir une -
Ma femme m’a offert pour noël il y a deux ans, celle dont je me sers pendant le spectacle avec Carl Perkins. Si ce n’est qu’elle n’a pas le G !
J’ai vraiment aimé tout cela. Et la première fois que j’ai vu une photographie de Buddy Holly avec une Strat – je suis sûr que c’est la même chose pour des milliers de mômes – ça a vraiment été la folie !
Quand j’étais à l’école, ou je me montrais très mauvais élève – je n’aimais pas ça – je m’installais toujours au fond de la classe. J’ai gardé certains de mes bouquins scolaires de cette époque, j’avais une douzaine d’années et on y trouve des dessins de guitares un peu partout. Je passais mon temps à reproduire des Fender Stratocaster.
Mais vous ne pensez pas avoir été influencé par Hank Marvin, comme ce fut le cas, à cette époque, pour la plupart des guitaristes Britanniques ?
G.H : Non, vraiment, bien que Hanksoit un bon, je n’aimais pas trop leur son. Je préférais de loin celui des Ventures, des trucs américains donc. Il n’a exercé aucune influence sur mon jeu. Je l’ai davantage été par Buddy Holly, je connaissais par cœur les chorus de Peggy Sue, de Think It Over, de It’s Easy. Je savais toutes ses chansons et celles d’Eddy Cochran. J’ai eu la chance de voir Cochran juste avant sa mort, quand il vint au Liverpool Empire : je peux vous dire que ça chauffait drôlement. Il commençait le spectacle avec What’d I Say et Milkcow Blues. Sa troisième corde n’était pas filée, et il avait un Bigsby. Il était vraiment super.
Si l’on considère l’influence exercée par Buddy Holly, pourquoi avoir choisi une Gretsch, et non une Strat ?
G.H : Après ma première guitare acoustique dont je vous ai parlé précédemment, j’ai eu une Hofner avec des ouïes en F et une simple échancrure – la version Allemande d’une Gibson. Je l’ai équipé d’un micro puis échangée contre une Club 40, une petite Hofner qui ressemblait à une solid body mais qui était en fait creuse, sans montrer pour autant de rosace ou d’ouïe. Puis apparu la Futurama. Une guitare impossible à jouer, tant l’action était nulle. Ils avaient essayé de copier la Fender Strat. Pourtant elle sonnait bien et son sélecteur de micros – il y en avait trois – était fort bien conçu. C4EST 0 Hambourg que j’ai vu la première Strat de ma vie, autrement qu’en photo. J’avais décidé de l’acheter dès le lendemain quand le guitariste d’un autre groupe – Rory Storm 1 The Hurricane, dans lequel jouait Ringo – m’a devancé. On commençait à gagner un peu d’argent et j’avais réussi à économiser 75£ quand j’ai lu une annonce dans le journal de Liverpool : c’est ainsi que j’ai acheté la Gretsch Duo Jet qui est sur la pochette de mon nouvelle album. Un marin l’avait achetée aux Etats-Unis et l’avait ramenée. C’était ma première guitare Américaine, elle était d’occasion, mais Dieu sait si je l’ai lustrée ! J’étais si fier de la posséder.
C’est pour cette raison que lors de notre premier séjour aux Etats-Unis pour participer au Ed Sullivan Show, Gretsch m’a offert une guitare que j’ai utilisée durant l’émission. J’ai lu quelque part, car je ne m’en étais pas rendu compte à l’époque – sinon je leur aurais demandé vingt Gretsch sur le champ, des carrées, des rondes, des modèles en fourrure comme celles de Bo Diddley – qu’après le passage des Beatles à cette émission, Gretsch a vendu quelque chose comme vingt mile guitares par semaine§ Si on n’avait su, on aurait eu des parts dans Fender, Vox, Gretsch, et j’en passe. Mais nous ne savions pas, nous étions innocents. Bref, ils m’ont donné deux guitares, ce qui était tout de même sympa de leur part. Vous savez, quand on parle de guitare, je redeviens un vrai gamin. Je compulsais l’autre jour ce bouquin sur les guitares, « Américan Guitars », je trouve tous ces anciens modèles vraiment fantastiques, comme cette d’Angelico avec sa plaque de protection digne d’une oeuvre d’art ! Je regrette que les anciennes fabriques n’existent plus. Aujourd’hui les compagnies sont complètement obsédées par l’électronique mais personne n’arrive à battre la Strato et ses vieux micros.
Tout ça pour dire que Gretsch m’a donné ces guitares, que j’étais content, mais je n’ai jamais réussi à trouver celle que je voulais, le modèle orange baptisé «Chet Atkins», mais qui reste pour moi le modèle Eddy Cochran.
Ces dernières années, ou vous vous êtes davantage consacré à la production de films, vous considériez-vous comme un guitariste, un compositeur, ou comme un producteur ?
G.H : Je ne me considère ni comme un compositeur, ni comme un guitariste, un chanteur, un parolier ou même un producteur de films. Tout cela fait partie de moi. Au même titrre que j’aime jardiner, creuseer des trous pour y planter des arbres. Mais je ne suis pas jardinnier pouir autant, pas plus que je ne suis vraiment un guitariste, tout en l’étant cependant.
Si je plante cinq cents cocotiers, je deviens jardinier n’est-ce pas ? Et si je joue sur des disques, je suis un guitariste. Mais pas comme on pourrait le dire de B.B King ou d’Eric Clapton , qui jouent tout le temps, qui progressent. Il faut jouer sans arrêt pour rester bon, et là … Vous savez, je ne cherche pas à me dénigrer, mais la vérité veut que je sois juste « okay ». Je veux dire, il m’est arrivé de me retrouver en compagnie de débutants et de leur apprendre des accords, quelques trucs – et je me suis rendu compte que j’en connaissais un bout, qu’au fil des ans j’avais emmagasiné un grand nombre de choses. Mais je n’ai jamais vraiment eu l’impression d’être un bon guitariste. Je suis plutôt un « Jungle musician », vraiment.