LES BOIS :
Le bois est utilisé depuis la nuit des temps pour la fabrication des instruments de tous genres. Ce n'est certes pas un hasard. Tout d'abord parce qu'on trouve les arbres sur la majeure partie non immergée de la planète, ensuite parce qu'ils sont, dans l'ensemble, assez faciles à travailler et enfin parce qu'ils ont une bonne résistance aux efforts auxquels on les soumet. Mais le top, c'est qu'ils apportent une sonorité que l'oreille humaine juge agréable.
Défaut ou qualité, chaque pièce de bois est unique et on ne trouve jamais deux morceaux identiques. Enfin, obtenir un morceau de bois apte à la lutherie prend du temps : la croissance d'un arbre prend des années ; l'abattage des forêts crée une raréfaction des espèces et entraîne par voie de conséquence une inflation de plus en plus sensible. C'est pourquoi le palissandre de Rio et le bois de Limba (le Korina de Gibson) sont désormais interdit à la coupe. Le bon séchage demande lui aussi plusieurs années.
Le bois reste un matériau noble, et si les performances ont pu être approchées en matière de synthèse par les dérivés pétroliers, jamais elles n'ont pu être égalées.
Il faut donc savoir que la petite graine qui rencontrera l'environnement propice à son développement pour donner naissance, d'abord à l'arbuste, puis l'arbre, deviendra peut-être la table ou le manche de la guitare (ou autre instrument) de votre descendant lointain.
Les défauts du bois, tels les excroissances ou les protubérances, et les différentes figures que l'on peut voir parfois (bird's eyes, ondes, ronces...) dues à la croissance de l'arbre sous différents climats (lorsque la climatologie est défavorable pour la croissance, du bois se dépose sous forme de cernes annuels qui seront visibles lorsque l'arbre aura été débité), seront plus ou moins mis en valeur selon la découpe. Il faut enfin savoir que les nœuds qui sont dus à un brusque changement de direction des fibres au départ des branches sont à éviter absolument sur une guitare !
On dit parfois dans la lutherie traditionnelle qu'il n'y a qu'une seule journée par an pour abattre un arbre si l'on veut en faire un bon violon ! C'est peut-être exagéré, mais ça vous laisse cependant imaginer l'attention qu'il faut porter à l'abattage car les qualités du bois peuvent varier énormément selon l'état de la sève. Une fois que le tronc a été abattu, il convient de le débiter pour obtenir les planches. Ceux que l'on appelle chefs scieurs ont réussi à trouver une multitude de combinaisons afin de réduire les pertes au minimum. Il faut ensuite trouver les morceaux aptes à la lutherie. Cependant, certains instruments d'exception sont réalisés avec des bois "coupés sur quartier" (quater-sawn en anglais) qui offrent de meilleures caractéristiques et une plus grande stabilité (le tronc est débité selon son rayon, afin d'obtenir le maximum de perpendicularité par rapport aux cercles annuels), mais vu que les pertes sont plus importantes, cela fait grimper le prix.
Le séchage du bois :
La sève et l'humidité doivent s'évaporer avant de pouvoir être usiné. Plus le bois est sec, moins il sera sujet aux déformations futures. La façon la plus naturelle est de le laisser sécher librement à l'air dans un entrepôt pour le mettre à l'abri des intempéries. Cela peut prendre plusieurs années, même plusieurs dizaines d'années pour certaines essences où le temps de séchage peut être de trente à quarante ans, ce qui garanti une bonne stabilité, mais fait grimper les prix. Cependant certaines pièces sont stockées six à dix ans, ce qui est souvent suffisant.
Une autre méthode, moins naturelle, consiste à exposer le bois à des températures, des taux d'humidité et des temps de passage au four contrôlés qui les amènent plus rapidement à l'état voulu. Cette méthode, beaucoup plus rentable vu qu'elle se mesure en mois, réclame une grande expérience si l'on veut arriver à des résultats probants, mais diminue sensiblement le prix de revient. Mais selon la qualité du travail effectué, le bois obtenu sera légèrement moins stable qu'avec un séchage naturel jusqu'à devenir totalement instable ! En lutherie, on rencontre rarement du bois séché naturellement ailleurs que sur les instruments haut de gamme ; voilà une des raisons qui explique la différence de prix que l'on constate.
Massif ou plaqué :
Si le bois massif est tout simplement un morceau découpé du tronc, on retrouve deux grandes familles dans le domaine du plaqué. La première méthode consiste tout simplement au collage d'une fine lamelle d'une autre essence sur une pièce de bois ; on bénéficie ainsi des qualités techniques de la première et de l'esthétique de la seconde. Ce procédé s'effectue surtout sur les guitares électriques, ce qui a l'avantage de réduire considérablement le prix. Cependant, le placage influe, dans une certaine mesure, sur la sonorité, le mélange des essences apportant chacune leurs particularités. Et on retrouve ces guitares entièrement peintes, esthétique oblige !
Pour ce qui est des guitares acoustiques, la technique consiste à "dérouler" le tronc en feuilles très minces au lieu de le découper, ce qui permet de n'avoir pratiquement aucune perte. Ensuite, on assemble au moins trois feuilles, celle du milieu ayant ses fibres perpendiculaires à celles des deux autres. Il suffit de les coller pour obtenir l'épaisseur requise. Les trois parties de ce "sandwich" ne sont pas toujours constituées d'une même essence, il n'est pas rare non plus de voir les feuilles externes d'un bel aspect, alors que celle du milieu est d'une catégorie nettement inférieure.
L'influence sur la sonorité est prépondérante, le massif donne l'impression de résonner plus librement que le plaqué. C'est déjà perceptible lorsqu'il s'agit du dos et des éclisses, cela devient flagrant en ce qui concerne la table d'harmonie. On peut également retrouver ce procédé sur les tables d'harmonie des pianos "bas de gamme".
Le collage :
Le diamètre des troncs d'arbre n'étant pas extensible, surtout pour certaines espèces où il est particulièrement limité, il est impossible de trouver une pièce suffisamment large pour fabriquer une guitare. On assemble alors plusieurs tronçons entre eux grâce à un collage, ensuite on les usine. Sur les instruments acoustiques ou à caisse, c'est même devenu une tradition, la liaison se fait exactement au milieu sur la table ou au dos pour qu'elle soit la plus belle possible. On colle les deux parties par leurs tranches et on colle une barre de renfort afin d'assurer une meilleure tenue à la liaison. Pour les guitares électriques, surtout pour celles qui ne revêtent pas d'une finition naturelle, le nombre de pièces peut atteindre trois, quatre et quelque fois plus, les endroits où se produisent les liaisons étant totalement aléatoires. Les finissions naturelles étant plus soignées, leur coût est souvent plus élevé que celles des guitares totalement peintes.
Sachez tout de même que le collage est généralement plus solide que le bois lui-même et il n'y a pas lieu de s'inquiéter. On utilise même volontairement ce procédé pour obtenir des manches plus rigides et surtout moins assujettis à la torsion et au vrillage. Le sens des fibres doit être contraire pour l'assemblage pour que les tensions du bois s'annulent. Cela ne remplace pas bien entendu la tige de renfort ! Sachez aussi que si la tête de votre guitare est cassée, un luthier sera tout à fait capable d'en faire une réparation solide et durable, esthétiquement invisible. Comme quoi le collage...
Il faut aussi savoir que le vernissage, son choix et le soin apporté à son application ont une importance capitale pour la sonorité !
Bois exotique ?
Plus les bois sont rares, chers et proviennent de pays éloignés, plus on pense qu'ils donnent de bons résultats. Sachez cependant que le prix du bois peut provenir de l'inflation d'une essence ou d'une restriction gouvernementale liée à l'exportation. Certains ne s'y sont pas trompés et proposent des instruments à prix raisonnables, fabriqués par des essences provenant de nos proches contrées, avec des qualités tout aussi comparables. Il vaut mieux un bon poirier qu'un mauvais bois exotique !
Les essences :
Les traductions des essences étant souvent trompeuses (rosewood en anglais pour le palissandre et le tulipwood pour le bois de rose par exemple), c'est le nom latin qui sert souvent de référence.
On croit souvent que plus le bois est beau, plus il sonnera bien. Les fabricants se portant au départ sur la sélection des plus beaux bois pour la fabrication se sont alors trouvés pris par leur propre piège. Hors, personne n'achètera un instrument qui sonne bien s'il n'est pas aussi beau. Comme il devient difficile de trouver des bois à la fois bons et beaux, cela fait encore grimper les prix !
Pour avoir un bon sustain, le bois doit être légèrement souple mais surtout, il doit vibrer en harmonie avec la tessiture qu'il est sensé magnifier. Pour un petit budget, il vaudra mieux cependant se fier plus à ses oreilles qu'à ses yeux (pour le bois seulement et non pour la finition de l'instrument lui-même, qui vous en dira long sur le soin apporté à la fabrication de l'instrument !).
Acajou (Swietenia)
Devenu très rare, on le reconnaît surtout à sa couleur brun rougeâtre. Nommé Mahogany en anglais, il est très utilisé en lutherie ; il sert de base à la plupart des solid bodies, tant pour le corps que pour le manche. Il leur apporte chaleur et résonance, mais donne une attaque moins incisive que l'érable et le son est un peu baveux dès que l'on fait cruncher l'ampli ou sur les saturations, c'est pourquoi il est souvent rehaussé d'une table en érable. On le trouve également pour le dos et les éclisses des guitares acoustiques, plus rarement les tables. Dans le premier cas, il donne un son puissant et brillant, dans le second, une sonorité délicate avec beaucoup de médium, mais avec peu de projection sonore.
Aulne (Alnus)
Alder en anglais, généralement précédé d'un qualificatif comme common, grey ou black. Ce beau bois, à qui on peut reprocher d'être fragile, est surtout utilisé pour réaliser les corps des solid bodies auxquelles il apporte une sonorité claire (plus précise que l'acajou avec toutefois moins de chaleur) qui convient à la plupart des styles de musique.
Bubinga (Guibourtia)
Sa couleur varie du rouge au brun rouge avec des veines pourpres. Utilisé par certains fabricants pour réaliser le corps des solid bodies, surtout des basses, il donne alors de la consistance au son avec de belles résonances.
Cèdre (Cedrus)
Cedar en anglais. Il en existe trois variétés : le cèdre du Liban, celui de l'Himalaya ou déodore, et celui de l'Atlas. Il sert surtout à fabriquer les tables d'harmonie des guitares classiques, mais on l'utilise aussi depuis quelques temps pour les guitares folks. Il apporte alors chaleur et moelleux au son, avec des attaques dénuées d'agressivité.
Cerisier (Prunus)
En lutherie, on emploie la variété sauvage (wild cherry) appelé plus communément merisier. Certains fabricants l'utilisent pour réaliser des guitares acoustiques auxquelles il donne de la présence et une sonorité un peu "ragtime".
Cyprès (Cupressus)
Une vingtaine d'espèces. Ses qualités techniques ne sont pas exemplaires, mais il sèche facilement et se travaille facilement. Certains fabricants l'utilisent pour réaliser des guitares de flamenco.
Ébène (Diospyrus)
Ebony en anglais. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il n'est pas toujours noir. Les plus beaux proviennent sans doute de l'Afrique tropicale. Sa dureté légendaire ne va pas sans une certaine fragilité : il casse facilement lorsqu'on le travaille. Il sert surtout à réaliser les touches à l'intonation précise et qui sont très agréables aux doigts lorsqu'il est de bonne qualité et que le poli est parfait. C'est le bois qui apporte le plus de moelleux et de précision, mais comme il est très rare et très cher, on le trouve uniquement sur les guitares haut de gamme.
Épicéa (Picea abies)
Sa couleur est claire lorsqu'il est bien poli. Spruce en anglais (parfois repris en français), ce bois possède de bonnes qualités mécaniques. Il est utilisé pour réaliser les tables d'harmonies des guitares folks et des pianos, auxquels il réussit très bien. Il donne une sonorité claire et cristalline (modulable en fonction du barrage évidemment) et réagit avec une grande régularité aux différentes attaques des notes. La dynamique qu'il procure est supérieure à celle que l'on obtient avec son cousin, l'épicéa de Sitka.
Épicéa de Sitka (Picea sitchensis)
Provenant de la côte Ouest des Etats-Unis, sa teinte est plus rosée que celle de son cousin européen. Beaucoup employé pour la réalisation des tables des guitares acoustiques, du point de vue sonore, il donne une clarté et un son cristallin encore plus prononcés que l'épicéa européen, mais demande à ce qu'on attaque les cordes avec un minimum de vigueur pour profiter de tous ses atouts.
Érable (Acer)
Mapple en anglais ou diverses variantes dont la plus célèbre, le sycamore (sycomore en français) est utilisé pour la fabrication des violons. Très recherché pour son esthétique, sa texture fine et sa compacité lui confèrent une résistance importante et il est utilisé tant pour les instruments acoustiques qu'électriques. On en fait le dos et les éclisses des premiers auxquels il donne une certaine chaleur tout en laissant ressortir les caractéristiques de la table d'harmonie. Aux seconds, il apporte la précision ainsi qu'un côté percutant souvent appréciés. Il rehausse souvent le corps d'un acajou pour redonner cette précision et la brillance manquante.
Sur le manche des électriques, il apporte une sonorité sèche. La touche est alors sculptée directement sur le manche. On le retrouve souvent sur des guitares avec micros simples.
Frêne (Fraxinus)
Nommé aussi ash, sa teinte est assez pâle, mais parfois rehaussée de jolies veines onduleuses. Solide et facile d'usage, il sert surtout à fabriquer le corps des solid bodies et dans les instruments de séries auxquels il apporte peu de coloration. Par contre, il apporte un surcroît de sustain pour les électriques. Le frêne des marais, plus cher, allie précision, légèreté et sustain.
Noyer (Juruglans)
Deux espèces, le noyer royal (european walnut en anglais) et le noyer noir (american walnut) sont utilisées principalement en lutherie. On l'emploie surtout pour la réalisation des chevalets sur les guitares acoustiques, mais on les retrouve aussi sur les touches des Ovations Adamas avec imprégnation de résine synthétique.
Padouk (Pterocarpus)
On le nomme également bois de corail à cause de sa couleur. Appelé aussi Amboine pour le Padouk en provenance des Indes. Généralement brun pourpre, il a une stabilité exceptionnelle et est parfois utilisé pour réaliser le corps des solid bodies, surtout des basses.
Palissandre (Dalbergia)
Le fameux rosewood. On retrouve le palissandre de Rio, actuellement interdit sur le marché car en voie d'extinction et le palissandre des Indes. D'une grande dureté et facile à travailler, on s'en sert pour faire les touches des guitares, il donne alors un certain moelleux à l'expression, mais moins de précision que l'ébène. On l'utilise aussi pour le dos et les éclisses des guitares acoustiques pour sa chaleur. Le palissandre des Indes a une meilleure stabilité mécanique et son action sur le rendu des médiums est un peu plus prononcé.
Tilleul (Tilia) Basswood
en anglais. Sa texture est fine, sa teinte très pâle avec une tendance à foncer au contact de l'air. Modérément stable, il se travaille facilement mais il est très fragile. L'espèce américaine est la plus employée pour réaliser le corps des solid bodies où elle est appréciée pour sa légèreté et ses qualités résonantes. Néanmoins, le peu de solidité de ce bois doit inciter les possesseurs d'un tel instrument à un soin attentif.