Biosmog a écrit :
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Quand un dessinateur dessine un tabou religieux, on acclame la liberté d'expression, quand un sociologue étudie le tabou religieux, on veut l'interdire.
Si tu le permets je vais uniquement réagir à ce qui précède, parce que tu mets là le doigt sur ce qui constitue un fameux point de discorde entre nous.
Je n'ai aucune ambition de t'interdire de t'intéresser à quelque objet d'études que ce soit. Je dirais même que, dans un cadre académique, ça a sans doute du sens et de l'intérêt d'étudier tous les champs des possibles, quitte à explorer des impasses ou des fausses pistes.
Par contre, il me semble que tu pourrais appréhender l'idée que, si ce travail a éventuellement du sens, il est directement lié à la discipline dans laquelle il s'inscrit.
En d'autres termes, la volonté de nuances, de profondeur, de subtilité, si elle est probablement justifiée dans ton domaine d'études peut se révéler potentiellement néfaste, voire dangereuse si on l'applique à d'autres disciplines, comme par exemple le domaine juridique.
C'est sans doute sur base de cette volonté de nuance, de profondeur que tu t'es permis d'écrire "la liberté d'expression est une connerie". Mais c'est dès ce moment que, de mon point de vue, ton propos devient dangereux. Parmi tes lecteurs, combien sont ceux capables d'appréhender la "subtilité" éventuelle du propos, et combien sont ceux qui ne retiendront que cette saillie, sans le moindre égard à ta supposée volonté de nuance. Moi, ça m'interpelle qu'un universitaire, un gars doté - à tort ou à raison - d'une légitimité intellectuelle (qu'il est par ailleurs prompt à dégainer quand on met son propos à l'épreuve de la critique) puisse écrire, en 2020, ce propos qui me heurte profondément.
La liberté d'expression, c'est un repère fondamental de l'Etat de droit et de la démocratie, inscrite dans les actes constitutifs de ces Etats. Ce n'est pas non plus un concept isolé, c'est une liberté parmi d'autres dont l'ensemble vise à établir des rapports équilibrés entre individus libres et responsables. Et je crois qu'il est urgent que tu comprennes le fait qu'on ne rédige pas des principes juridiques fondamentaux avec la nuance comme principale préoccupation. Il faut des injonctions claires. La nuance on la confie éventuellement à ceux qui sont chargés de faire respecter ces principes ou on l'inscrit dans des législations qui viennent tempérer le dit principe.
Par ailleurs, je trouve que certains de tes propos confinent plus à l'ambiguité qu'à cette supposée nuance que tu prétends incarner. Quand au lendemain d'un énième attentat islamiste, tu tiens des propos visant à susciter une suspicion de racisme ou d'islamophobie envers les journalistes de Charlie Hebdo en commentant UN dessin précis parmi tant d'autres sous prétexte que le dessin en question tape à côté, est peut-être un tantinet ambigu au niveau de son interprétation, le tout en niant le fait que le journal en question s'est fait une spécialité de taper sur toutes les religions, tous les intégrismes, en cultivant l'irrévérence et la provocation, non seulement tu leur méconnais - sur base de ce seul dessin - le droit à l'erreur ou à l'approximation mais surtout tu rajoutes à la diffusion d'une confusion qui mène certains à considérer aujourd'hui que CH est porteur d'un discours d'extrême droite.