Mr Park a écrit :
Bête question Bio et les autres: le seul angle que j'ai de la politique suisse ce sont les provocs incessantes de l'UDC (je vois que tu y fais allusion juste là au-dessus). Chez moi on dit que c'est le premier parti suisse alors qu'ils paraissent à beaucoup de gens affreusement primaires. Comment vous gérez ça? Car une fois sorti des affiches grossières il reste quoi de ce parti? Ils sont fort ancrés au niveau local? Ils ont une base militante autre que composée de retraités comme chez nous?
Ouf.. vastes questions...
L'UDC est un ancien parti rural, centriste, noyeauté par l'urbain zurichois Christoph Blocher, à la fin des 80'
Le millionnaire a mené un combat contre l'adhésion à l'EEE qu'il a gagné contre tous les partis, et le gouvernement en 1992. Cela a propulsé l'UDC. Mais la tendance centriste et agraire a subsisté longtemps, avec la puissante section bernoise, qui avait historiquement un conseiller fédéral et des membres dans les gouvernements cantonaux et communaux. Leur poids parlementaire a gonflé. Puis, il y a eu un court passage de Blocher au conseil fédéral, avant que celui-ci se fasse éjecter par une représentante de l'aile modérée... qui s'est fait exclure de son propre parti (imagine le PS qui exclut Hollande) et a créé un parti alternatif, plutôt libéral, le PBD. Mais aujourd'hui, la tendance blocherienne est à nouveau aux commandes, le petit Parti Bourgeois Démocratique n'a pas tenu la distance.
Le gouvernement suisse fonctionne de façon collégiale: les quatres grands partis sont représentés par les 7 conseillers fédéraux selon une formule dite «magique». Les décisions sont toujours des compromis car 3 partis ont 2 membres, le 4e en a un... Mais l'UDC a raflé récemment son 2ème conseiller fédéral au détriment du démocrate chrétien (centre: progressisme économique et conservatisme familial). Du coup, la non-droite n'a plus que 3 sièges sur 7, les quatres autres sont occupés par les libéraux et l'UDC qui a elle-même maintenant deux membres de l'aile dure (contre un seul de l'aile molle, il n'y a pas si longtemps).
Donc oui, il y a un lent virage à droite, qui se cristallise institutionnellement, en quelque sorte, passant des scrutins populaires, des parlements, pour finir dans les sièges des exécutifs. Une sorte de normalisation de la droite populiste.
Ce parti a ratissé large en abusant du droit d'initiative. Ils ont utilisé ça comme une forme de promotion du parti: internement à vie des délinquants sexuels, expulsion des criminels étrangers, interdiction de la construction de minarets, etc et ça a bien marché. Aujourd'hui, ils sont dans une phase de consolidation au niveau des exécutifs comme je l'ai décrit. Et ils commencent à perdre leur initiatives populaires. A l'exception de Blocher, les exécutifs de l'UDC sont plutôt médiocres, font une politique molle, ont des bilans désastreux (le chef de l'armée s'est vu refuser l'achat d'avions, par exemple, c'est unique!). Blocher était très dangereux, car intelligent. Heureusement, il se fait vieux.
Quant à la base électorale, elle est très large. 30% environ. Un peu de tout, plutôt germanophone, rural, populaire. A Genève, ils ont le parti anti-frontalier qui lui fait de la concurrence, et à Lausanne, ils se déchirent tellement entre eux qu'il peinent à faire un carton dans les élections.
Leur affiches sont à la fois terrifiantes, et des coups de génie. La politique suisse est assez amateur point de vue communication et l'UDC arrive vraiment à sortir du lot avec une esthétique «années 30» qui, si elle ne donnait pas la nausée, pourrait être qualifiée de magnifique.
Désolé pour la tartine... il faudrait que je détaille le programme de ce parti, assez proche du FN sur certain point, mais très libéral sur d'autres (contre l'impôt, pour la dérégulation du travail, contre le travail des femmes, etc. Mais je crois que je vous ai assez assommé.
Vous battez pas, je vous aime tous