jules_albert a écrit :
La Réforme a rompu les relations naturelles que nous entretenions avec nos voisins d'en amont et d'en aval du Rhône, et avec ceux également de l'autre rive du Rhône, j'entends ceux de la rive savoyarde du Léman qui sont pourtant nos proches cousins ; elle y a substitué des relations non plus fondées sur le climat, le sol et une vie commune, mais bien d'espèce théologique et reposant uniquement sur certaines convictions qui nous ont tout à coup rapprochés d'autres communautés religieuses, singulièrement par ailleurs éloignées de nous dans l'espace. Et ce sont ces convictions qui par choc en retour nous ont détachés de nos habitudes, nous ont détachés de nous-mêmes, tels que la nature nous avait faits : de sorte que nous cultivions le maïs, par exemple, et nous nous sommes mis à cultiver le froment ; que nos charrues étaient tirées par des bœufs et que nous y avons attelé des chevaux ; que la couverture même de nos toits a changé de couleur et d'espèce, car la tuile est catholique, mais l'ardoise est protestante.
Et nous nous sommes mis à arracher nos châtaigniers, car la châtaigne est catholique, la pomme de terre protestante. Déportés de trois cents ou quatre cents kilomètres vers le nord, - et c'est ainsi encore que nous étions minutieusement renseignés, à l'école du dimanche, institution éminemment protestante, sur les mœurs et les costumes des pêcheurs écossais, et très peu par ailleurs sur les mœurs et le costume des paysans de chez nous, mais c'est que les clichés arrivaient tout droit d'Édimbourg.
C.F. Ramuz,
Découverte du monde
Et je pense que s'il l'avait écrit aujourd'hui, il aurait rajouté que la Réforme nous a tirés de la misère pour aller vers la prospérité