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"Toute ma cage d'escalier était remplie de policiers." Joël Domenjoud, membre de l'équipe juridique de la Coalition climat (130 ONG), n'avait pas prévu de passer cette fin novembre 2015 entre son domicile, à Malakoff (Hauts-de-Seine), et le commissariat. Samedi 28 novembre, il devait notamment accueillir les "convois des territoires en lutte", venus des "Zones à défendre" (ZAD) pour mettre la pression sur les négociateurs de la COP21.
Mais le trentenaire n'y sera pas. Dans le cadre de l'état d'urgence instauré après les attentats de Paris, la manifestation a été interdite et il a été assigné à résidence, comme d'autres militants écologistes. "Hier matin, en sortant de chez moi, je me suis aperçu que j'étais suivi, raconte Joël Domenjoud à francetv info. Vers 14h30, ma voisine m'a appelé, affolée. Les policiers, qui étaient chez moi, ont pris le téléphone et m'ont demandé de me présenter au commissariat."
"Vous vous rendez compte que c'est ridicule ?"
A 16h30, un commissaire lui remet son assignation à résidence. "Cette décision est motivée par le fait que je serais un des leaders principaux des actions préparées dans le cadre de la COP21, que je participe à des réunions préparatoires qui se tiennent dans un squat et que je préparerais des actions qui visent à troubler l’ordre public", énumère le militant.
"Vous vous rendez compte que c'est ridicule ? J'ai un casier judiciaire vierge et vous n'avez rien à me reprocher, à part des présomptions", lance Joël Domenjoud au commissaire. Ironie de l'histoire, il avait lui-même dénoncé il y a quelques jours les "dérives" potentielles de l'état d'urgence. "Je disais 'attention, ces mesures peuvent avoir des conséquences graves sur nos libertés'" et je me retrouve dans cette situation", regrette-t-il. Il pense faire l'objet, comme d'autres militants associatifs, d'une fiche S. "S'il y en a 10 000 pour islamistes radicaux, il y en a 10 000 pour d'autres motifs", calcule-t-il.
Quinze jours bloqués chez lui
Depuis le 26 novembre et jusqu'au 12 décembre, Joël Domenjoud doit pointer trois fois par jour au commissariat, à 9 heures, à 13 heures et à 19h30. Il n'a pas le droit de sortir de chez lui entre 20 heures et 6 heures du matin et ne doit pas quitter sa commune. "Qu'est-ce qui se passe si je transgresse ces interdictions, vous venez me chercher ?" a-t-il demandé au commissaire de police. "Oui, oui", a répondu ce dernier.
Ces contraintes entravent ses activités militantes. "Je ne peux plus aller à des réunions ou des débats, notamment le soir. Je m'étais également engagé à donner un coup de main pour installer des choses", explique-t-il. Il ne lui reste que son ordinateur, son téléphone, et la possibilité de recevoir de la visite.
"Des cadres légaux dangereux"
Cette situation le "révolte". "Je subis une sanction sur la base d'une simple présomption, sans passer par la case judiciaire", résume-t-il. C'est de l'intimidation contre l'ensemble des mouvements écologistes." Il a déposé un recours, pour contester son assignation. S'il ne se fait guère d'illusion sur son sort, vu les délais, il fait cette démarche pour "poser le débat politique sur l'état d'urgence". "Il y a un esprit critique à garder, pour préserver nos libertés fondamentales. Je ne veux pas que l'on banalise des cadres légaux aussi dangereux", développe-t-il.
Pour la COP21, il est déjà trop tard. La conférence, qu'il prépare depuis de longs mois, ne se déroulera pas comme il l'avait imaginé. Mais il veut croire que "ce grand gâchis", "cette frustration", aura un effet positif sur le mouvement écologiste : "Ce sentiment que la question climatique est évacuée de force renforce notre détermination."