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Plus personne n’y croyait. Tout le monde avait abandonné l’idée. Un nouveau Guns N’Roses ? Et pourquoi pas un Black président des USA tant qu’on y est... Mais voilà Axl Rose qui publie ce disque, le sixième album studio de Guns N’Roses, sortie mondiale le 23 novembre 2008.
L’histoire des péripéties de l’enregistrement de ce disque nécessiterait un livre. En gros, on perd trace du bouillant Axl à partir de 1994. Souvenez-vous... Le président Clinton et Monica... Les Twin Towers bien debout...le Top Bab...le grunge et la britpop... A cette époque, Axl vire sans ménagement ses imprudents comparses (Slash, Duff, Matt, Izzy) et décrète vouloir désormais s’attaquer à l’enregistrement de “Chinese Democracy” avec un but : sortir le meilleur album de tous les temps. Ensuite... On a entendu parler de six producteurs (parmi lesquels Youth, Roy Thomas Baker, Sean Beaven) de vingt musiciens embauchés, employés, virés. On connaît les noms des studios restés en réservation permanente et le très sérieux New York Times lui-même a évalué l’addition pour Universal à quelque 13 millions de dollars. Mais voilà : qui passe quatorze années en studio avec la volonté d’un disque rock ultime ne saurait nous laisser indifférent. Nous avons écouté “Chinese Democracy” en avion, puis à la maison, au casque puis sur de vieilles enceintes JBL. Clairement, le résultat est titanesque, monstrueux, mégalithique. La grande Pyramide du rock, quelqu’un ? Ne cherchez pas plus loin... L’album (pour lequel 60 titres furent enregistrés dont seulement 14 retenus) se présente comme un moderne jardin des délices. Le son est remarquable, soyeux, luxueux, grandiose, chromé. Des entrelacs de voix, des gerbes de guitares, une rythmique sourde et implacable. Il y avait un risque : perdre le vieux moteur agresseur des Guns. Qu’on se rassure : quelques titres (“Shackler’s Revenge”) rockent sans ambages ni vergogne. Et puis il y a les guitares. Cinq bretteurs d’élite crédités. Tous ont avancé dans une direction Jeff Beck/ Zappa qui permet de flagrantes décharges électriques, des trouvailles sonores, une intense virtuosité. Si l’on devait chercher des équivalents à ce projet barré, mégalomaniaque, fou et furieux, il faudrait aller chercher du côté de Pink Floyd bien sûr et ce “Wall” qui obsède Axl Rose. Il faut écouter “Sorry”, longue ballade pleine de méchanceté (“Je suis désolé pour vous/ Pas désolé pour moi”) qui déroule des tessitures fabuleuses, tresses de guitares, basses et batterie, toutes convergeant vers le but suprême, créer un écrin ultime pour l’organe venimeux d’Axl, distillant son imperturbable poison. Certes, tout n’est pas parfait. L’emploi de synthétiseurs, notamment, va faire renauder les intégristes. Mais c’est la vision de Axl Rose qui parle de l’époque moderne (“Riad N’ The Bedouins”), agonise d’insultes les impôts (“IRS”) et rend coup pour coup, dictateur fou d’un rêve égocentrique destiné à produire une musique globale, un album parfait, une réponse enfin de l’époque à tous ceux qui veulent voir le rock congelé dans un passé couleur chrysanthème. A tous donc, Axl propose une aventure, un délire, une crise d’actualité. Car Axl est un chanteur époustouflant. Que ceux qui en doutent écoutent “Scraped”. Là, sur un riff piqué à Hendrix (“Crosstown Traffic” !), le hurleur s’offre une performance vocale inouïe avec totale prise de risque. On sait qu’à partir de 2004, Axl Rose s’est retiré dans sa villa. Chaque jour, des coursiers lui portaient des mix et des remix des titres enfin choisis pour figurer sur le projet. Entre crise de nerfs et pétages de plombs, thérapie et horions, Axl a tout dirigé, puis refait une courte tournée (en 2006) avant de se mesurer semble-t-il un an entier avec Universal en réfutant un à un tous les arguments marketing qu’on lui soumettait. On ne conclura pas sans évoquer le remarquable batteur Bryan Brain Mantia, ni sans signaler le tube mortel, évident, ultime : “Better”. Toutefois le meilleur moment pourrait être “This I Love”, sorte de monument élevé à sa muse, la rock music, par un Rose enfin rasséréné. En guise de conclusion, “Chinese Democracy” s’achève sur une promesse de caresse avec le royal “Prostitute”.