lartistafred a écrit :
Je suis contre le port d'armes à feu, car nous ne sommes ni dans une société en guerre, ni dans un film à la con.
Je n'en ai jamais d'ailleurs utilisé, et je n'ai aucune envie de commencer.
Ceci dit, je comprends qu'on puisse être passionné par les armes, leur histoire, leur mécanisme, leur entretien, et le tir en club sans forcément être un sociopathe.
la peur de la mort ne cesse jamais de s'insinuer dans la vie, elle détermine nombre de ces renoncements qui finissent par rendre les hommes malades.
qui a franchi ce cap dispose d'une insolente liberté, celle de jouer avec sa propre vie. l'intensité ainsi éprouvée est une victoire quotidienne sur la mort en tant que présence insidieuse, qui se paie cependant au prix fort : celui de mourir jeune.
une vieille histoire raconte que l'esclave est celui qui, dans la lutte pour la reconnaissance, avait renoncé et s'était soumis au maître par crainte de la mort. que cette histoire nous ait été transmise par la plume d'un philosophe n'altère en rien le noyau de vérité qu'elle contient.
que la figure du maître s'impose ensuite comme seigneur médiéval ou état moderne, et celle de l'esclave comme serf ou citoyen (le citoyen-soldat, né de la conscription obligatoire est la figure extrême de l'esclave : l'esclave armé au service de son maître. mais en faisant la guerre pour son maître, l'esclave se découvre un pouvoir et il arrive qu'il soit tenté d'en faire usage contre son maître), cette histoire conserve sa pertinence.
c'est peut-être le secret le mieux gardé de toute l'histoire de l'humanité, au point où aucun mythe, aucune légende n'a jamais osé le révéler.
qui se laisse désarmer ne risque plus sa vie, mais celle-ci sera dominée par une peur d'autant plus abjecte qu'elle est subliminale - la peur de mourir dont hegel dit qu'elle est le maître absolu.
les hors-la-loi, ceux qui sont devenus des héros au sein de la plèbe des sans-noms racontent une histoire à l'envers, l'envers de l'histoire :
l'esclave est toujours un homme que l'on a désarmé. le personnage du hors-la-loi fascine précisément parce qu'il nous rappelle cette vérité refoulée :
sans éthique guerrière point de liberté.
évidemment, la tentation est grande de céder à la fascination des armes à feu. mais comme l'a écrit mesrine, ce n'est pas l'arme qui compte, mais l'homme qui tient l'arme. beaucoup de gens qui fantasment sur la geste de mesrine (ou sur celle de groupes prônant la lutte armée) seraient bien en mal de comprendre cela).
il n'est pas naturel de mourir jeune. mais mourir pour avoir défié ceux qui ont le monopole légal de la violence, voilà un sort exceptionnel.
mesrine s'est offert le luxe de regarder tranquillement la mort en face. qu'on ne voie surtout pas dans cette capacité à mettre sa vie en jeu une quelconque propension au sacrifice, ni une pulsion suicidaire.
mesrine a passionnément aimé la vie, sinon comment trouve-t-on la force de s'évader quatre fois ? mesrine refusa seulement, dès son retour d'algérie, la vie étriquée et chronométrée qui lui était destinée.
mesrine avait choisi de mourir les armes à la main. à la même époque des centaines de jeunes meurent en france la seringue à la main. il est davantage dans l'ordre des choses de laisser sa vie au hasard d'une dose mal coupée ou d'une shooteuse infectée.
la geste de mesrine porte au contraire l'évidence que la vie ne peut s'éprouver que dans l'action, dans la mise en jeu généreuse et risquée de sa propre personne.
jacques mesrine fut un authentique guerrier. sa geste inspire de la joie. mesrine a ainsi rejoint cartouche et dillinger, lampião et musolino. et tant que la plèbe choisira ses héros parmi les hors-la-loi, nous saurons que l'esprit souffle encore dans l'époque.
bibliographie : alèssi dell'umbria, r.i.p. mesrine