Le leader d’Opeth ne trompe pas son public : Sorceress est bouillonnant. On peut le trouver lassant mais en aucun cas il ne pourra être qualifié d’uniforme ou monotone. Ainsi, Strange Brew porte bien son nom et étonne par ses inspirations tortueuses. De manière encore plus excessive que sur le morceau-titre, on passe d’un prog’ feutré à un metal plutôt sombre teinté de Black Sabbath. Cela n’a donc pas grand chose en commun avec les claviers sur ressorts de A Fleeting Glance ou l’hommage à peine déguisé à Jethro Tull sur Will O The Wisp. Opeth n’oublie pas de saupoudrer le tout de quelques leads bien sentis, notamment sur The Wilde Flowers et Era, deux des chansons les plus signifiantes justement grâce à cette utilisation revigorante de la guitare.
Les éléments acoustiques ont également leur place sur ce disque, à commencer par la très belle intro, Persephone, sorte de réminiscence des anciens Opeth où flotte une voix féminine fantomatique. Au départ, on pense à une intro aux mêmes effets que celle de The Moor, créée pour déboucher sur un riff venu des ténèbres. Au lieu de cela, le groupe nous propose des arpèges dont il a le secret et tisse une jolie sérénade qui nous met en appétit. On peut noter d’autres sorties de la guitare sèche comme sur Sorceress 2, pas la plus grande réussite du disque et assez proche d’un Still Day Beneath The Sun dans son approche. The Seventh Sojurn, avec son côté oriental, ne déchaîne pas non plus les passions outre mesure. Parfois, on se demande ce qu’apportent réellement les influences exotiques que Mikael Åkerfeldt va chercher…
Un problème assez important de ce Opeth rebooté est la baisse de qualité des mélodies vocales. L’alternance des chants donnait une vraie dynamique à la musique et constituait un tremplin idéal pour qu’Åkerfeldt s’exprime. Depuis Heritage, on reste sur notre faim. Ici, en dehors d’un sursaut sur Era, aucun hook ne bousculera The Drapery Falls, Bleak, Master’s Apprentices ou Demon Of The Fall de leur piédestal. A présent, les Scandinaves remuent beaucoup mais laissent l’impression d’éternels midtempo où il ne passe plus grand-chose.
Certes, après avoir été copié par des centaines de formations plus ou moins douées, l’identité « Opeth » s’était quelque peu perdue. Avec ce nouveau positionnement, le groupe opère seul sur son créneau de rock prog’ légèrement psychédélique, un peu métallique et toujours visionnaire. Il ne sert à rien de réclamer de nouveau les growls : ils reviendront peut-être lorsqu’un retour aux sources se fera sentir comme chez Paradise Lost ou plus vraisemblablement jamais (cf. Katatonia). En attendant, ils vivent encore sur scène et, sur disque, Opeth met sa barque avec toute la créativité nécessaire pour ancrer son nom dans la légende. Sorceress n’en sera pas la représentation la plus flamboyante mais elle ne démérite pas.
Discographie :
Orchid (1995)
Morningrise (1996)
My Arms, Your Hearse (1998)
Still Life (1999)
Blackwater Park (2001)
Deliverance (2002)
Damnation (2003)
Ghost Reveries (2005)
Watershed (2008)
Heritage (2011)
Pale Communion (2014)
Sorceress (2016)
Tracklist de Sorceress (en gras les morceaux essentiels) :
1. Persephone 1:51
2. Sorceress 5:49
3. The Wilde Flowers 6:49
4. Will O the Wisp 5:07
5. Chrysalis 7:16
6. Sorceress 2 3:49
7. The Seventh Sojourn 5:29
8. Strange Brew 8:44
9. A Fleeting Glance 5:06
10. Era 5:41
11. Persephone (Slight Return) 0:54
Opeth - Sorceress
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