Pour Arnaud, aka A-Waï, le hasard a bien fait les choses et on se réjouit que la communauté de Gcom ait un peu participé, pour lui aussi, à faire connaître ses fabrications. Et il vous le rend bien puisque, fidèle à sa philosophie basée sur le partage des connaissances et des expériences, il s'inscrit aujourd'hui parmi les artisans "référents" de notre forum quand il est question d’amplis ou plus généralement d'électronique et n'hésite pas à mettre à disposition une part de son travail pour faciliter vos réalisations en DIY.
Peux-tu te présenter et nous expliquer comment est née A-Wai Amplification ?
Salut ! Je m’appelle Arnaud, j’ai 36 ans dont environ 25 à tenir une guitare.
A-Wai Amplification est né un peu par hasard : j’avais fabriqué quelques amplis, d’abord pour moi, puis pour des potes. De fil en aiguille, à force de parler de mes projets personnels sur différents forums, et notamment G.com, j’ai commencé à recevoir des demandes d’illustres inconnus.
Et c’est comme ça qu’a démarré A-Wai Custom Amps, que j’ai fini par renommer A-Wai Amplification, ayant quitté le créneau du “100 % sur mesure“.
Quel est ton parcours professionnel / technique et ce qui t’a amené à cette activité ?
J’ai une formation d’ingénieur assez généraliste, qui m’a fourni de bonnes bases en mécanique, informatique et électronique.
Vers la fin de mes études, j’ai découvert le site Projet G5 (http://www.projetg5.com) et son forum très axé “technique“ sur lequel échangent des passionnés d’électronique à lampes.
Ils proposaient notamment un kit permettant de monter son ampli tout lampes pour moins de 200€ à l’époque (c’était en 2005, bien avant la mode des amplis 5W low-cost, et posséder un ampli à lampes était encore un signe extérieur de richesse).
Comme je ne pouvais pas me le payer tout de suite, j’ai beaucoup potassé la théorie et conçu plusieurs amplis sur le papier, puis un de mes premiers salaires m’a enfin permis d’acheter les composants pour fabriquer mon premier ampli. Même si le résultat était honorable, ça m’a permis de mesurer tout le chemin qui restait à parcourir avant de pouvoir réaliser un ampli qui me corresponde vraiment, et j’ai fini par sombrer dans le DIY !
Au bout de quelques années, et après avoir vendu plusieurs amplis, il y a eu une conjonction d’événements à une époque où je souhaitais changer de vie, qui m’ont enfin permis de lancer officiellement mon activité et de m’y consacrer à 200 %.
Quelles sont tes influences musicales ?
Le rock, le rock et le rock !
Je suis un grand fan de RATM, mais j’écoute un peu de tout du stoner au thrash, en passant par le punk, le hardcore ou le grunge : Metallica, Nirvana, Sick Of It all, Clutch, etc.
Pas mal de groupes français aussi, comme Lofofora, Mass Hysteria, Sidilarsen, No One Is Innocent, Black Bomb A…
Quelle a été le premier ampli que tu as utilisé et dans quel contexte ?
Mon tout premier ampli, je l’ai déniché dans une sorte de souk high-tech au Maroc, où je vivais à l’époque. C’était un Aria à transistors qui devait faire dans les 30W, avec une grosse saturation qui avait cet horrible grain des transistors, ce dont je ne me rendais bien sûr pas compte à l’époque !
Et celui que tu as fabriqué ?
C’était un petit monocanal 5W, avec uniquement des réglages de Gain, Volume, et une EQ 2 bandes (Basses et Aigus), et dont le schéma se situait entre le Fender Champ (pour le schéma global) et le Vox AC30 (pour l’EQ).
J’en étais tellement fier que je suis allé voir 2-3 magasins de musique pour leur faire tester et avoir leur avis !
Quelle est la particularité, la valeur ajoutée de tes fabrications ?
On pourrait évidemment parler du son ou de la qualité des composants, mais le point principal est que mon approche n’est pas dogmatique : je teste, j’expérimente, j’essaie de trouver de petites innovations… Ça ne fonctionne pas toujours, mais de temps en temps je tombe sur une solution élégante, que j’intègre alors à mes amplis.
En tant que bon rockeur/métalleux, j’ai particulièrement travaillé sur la saturation, pour mettre au point des amplis qui soient utilisables aussi bien pour du classic rock, que du punk, thrash, stoner ou même death et black metal.
Au-delà du son, c’est aussi une démarche qui concerne mes méthodes de fabrication pour avoir des amplis qui durent et sont facilement modifiables et réparables (quasiment tous les composants peuvent être remplacés en 5 minutes, avec un bon fer à souder).
Enfin, je travaille autant que possible avec des fournisseurs français, et même toulousains dans l’idéal. C’est par exemple le cas pour les transformateurs, qui font partie des pièces maîtresses d’un ampli à lampes.
Avant tout, ton travail tente de toucher quel public ? Musiciens amateurs, confirmés ou pro ?
Les passionnés, peu importe leur niveau de pratique ou de notoriété !
L’important pour moi est qu’il y ait un véritable échange, un projet qui colle à la personnalité du guitariste, mais aussi à ma philosophie de travail : je n’hésite pas à refuser un projet qui ne me correspond pas, ou à conseiller à un client de prendre le temps de la réflexion si je sens que son projet part un peu dans tous les sens.
Tu as lancé une campagne de crowdfunding l’année dernière en 2016 pour un proto mais tu vas encore plus loin en mettant l'ensemble des documents relatifs à la fabrication à disposition de la communauté. Tu peux nous parler plus en détails du concept et de ta vision des choses sur le “participatif“ ?
Je suis informaticien, par métier mais aussi par passion, et dans ce cadre je milite pour le logiciel libre, qui consiste à rendre public, librement utilisable et modifiable le code des logiciels (en simplifiant, c’est notamment ce qui permet aujourd’hui de faire tourner Internet ou d’avoir des smartphones Android).
Ce partage des connaissances me paraît fondamental, à la fois pour bénéficier de produits de qualité, mais aussi pour faciliter l’apprentissage, et repose sur des valeurs d’entraide et de solidarité dans lesquelles je me reconnais.
J’ai donc choisi de transposer cette philosophie à mes produits : chacun peut s’inspirer de mes amplis pour faire le sien, ou encore réaliser tel quel un des modèles que je propose.
Ça me paraît d’autant plus pertinent qu’il n’y a rien eu de réellement nouveau dans ce domaine depuis plus de 20 ans, donc je trouve parfaitement ridicule de vouloir garder secrets les schémas et autres petites astuces de chacun.
Personnellement, j’ai beaucoup appris en décortiquant les schémas d’amplis de légende et en les mettant en œuvre, donc ce serait aussi hypocrite de garder mes recettes pour moi seul. C’est aussi une façon de remercier la communauté pour tout ce qu’elle m’a apporté.
Et au final, même en disposant de tous les éléments, fabriquer un ampli à lampes, ça ne s’improvise pas : d’une part, on peut s’électrocuter très sévèrement si on ne fait pas attention (500V inside!), et d’autre part, il faut un certain savoir-faire et une bonne expérience pour faire un montage propre et éviter les nombreux pièges d’une telle entreprise.
Tu as exposé au dernier Hellfest avec la fine équipe composée entre autres de : Dasviken, SP Custom, 10 :15. Que retires-tu de cette expérience de stand partagé en tant qu’artisan, aussi bien humainement que d’un point de vue business ?
Ma présence au Hellfest est en fait plus ancienne : j’y ai exposé pour la première fois en 2012, avec SP Custom, SBGO et Wild Customs. Il y a eu entre temps le “départ“ des Wild, puis d’autres, sous l’impulsion de Jérémy de SP Custom, se sont rajoutés (DasViken, 10:15, San Lorenzo) ou n’ont fait que passer (Loïc Lepape), pour en arriver à la configuration de cette année où nous étions 6 artisans sur le stand, tous complémentaires.
Si je n’en retire pas grand-chose côté business, humainement c’est une expérience fabuleuse ! Passer 5 jours sur le stand, avec tous ces artisans de talent, échanger avec eux, mais aussi avec les artistes et festivaliers qui viennent nous faire un coucou, c’est absolument exceptionnel ! Sans oublier que ça fait une belle vitrine pour l’artisanat français.
C’est aussi l’occasion d’échanger avec des artistes jouant sur le festival, de leur faire tester nos produits, ou simplement de discuter un moment autour d’une bonne bière.
Le guitariste lambda est souvent freiné par le prix des produits élaborés par les artisans. Que pourrais-tu dire pour défendre le coût de fabrication de tes amplis ?
C’est malheureusement le prix de la flexibilité et d’un service personnalisé : la quasi-totalité des amplis que j’ai vendus sont des modèles uniques, donc je ne peux pas stocker de quoi faire 10 amplis à l’avance. Je dois donc payer mes composants plus cher que si je les fabriquais en quantité, ce qui se répercute forcément sur le prix de vente.
Il y a également tout le temps de conception et de mise au point qu’il faut rémunérer, sans oublier bien sûr la fabrication elle-même, qui peut être très longue quand on ne fabrique pas industriellement (il m’est arrivé de passer 40h pour le câblage d’un seul ampli!).
Et surtout, ne pas oublier qu’on trouve quantité de produits (guitares, micros, amplis, ou autres), fabriqués à la chaîne par des grandes marques, qui sont autant, voire plus, coûteux que des produits artisanaux d’une qualité au moins aussi bonne. Dans ce cas, le tout est de savoir si on préfère rémunérer la marque ou l’artisan, c’est un choix personnel.
Quelle est ton actu et/ou tes projets à court et moyen terme ?
Pour le moment c’est assez calme : j’arrive à la fin d’un cycle au cours duquel j’ai beaucoup travaillé à améliorer et optimiser mes méthodes de fabrication, et ce qui va venir ensuite reste encore à définir.
Quels sont les problèmes majeurs que tu as rencontrés ou que tu rencontres encore depuis le lancement de ton activité ?
Pendant longtemps, j’ai buté sur l’aspect commercial et marketing : je suis un vrai geek, très doué quand il s’agit de sujets techniques, mais particulièrement mauvais dès qu’il faut communiquer et se mettre en avant ! J’avais donc énormément de mal à me faire une clientèle.
Aujourd’hui, c’est un peu le problème inverse : ayant acté le fait que je ne pourrais exercer cette activité à plein temps, j’ai repris en parallèle ma carrière d’informaticien. Du coup, je manque de temps pour réaliser les projets qu’on me confie, et les délais de fabrication explosent : là où il me fallait 2 ou 3 mois à l’époque, j’ai maintenant besoin de 4,6 voire 8 mois pour terminer un ampli si je veux garder le même niveau de qualité !
Penses-tu que d’une manière générale la presse et les pouvoirs publics s'intéressent suffisamment à l'artisanat ?
Oui et non.
Dans l’ensemble, les métiers de l’artisanat du bâtiment (plomberie, électricité, etc...) me semblent relativement bien représentés. Mais dès qu’on sort de ce cadre, on est sur un marché de niche, et hors des publications spécialisées, on se sent un peu oubliés, on n’existe pas.
Le mot de la fin, ton message à la communauté de Gcom ?
Consommez local ! C’est bon pour vous, et pour la planète ;)
Plus sérieusement, continuez à être curieux, à tout essayer, à faire confiance à vos doigts et vos oreilles et à toujours remettre en question les affirmations de “ceux qui savent“.
En savoir et en voir plus sur les amplis A-Waï :
Sur le Topic Pro A-Waï Amplification dans le Forum
Sur son site Internet
Cette rubrique est destinée à mieux faire connaître les artisans présents en Topic Pro dans nos forums. Si vous souhaitez plus d'infos sur ce service pour être vous aussi présenté en [Pleins Feux sur], écrivez à Caroline à l’adresse caroline[@]guitariste.com (retirez les crochets).
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