Bonjour Alex, peux-tu te présenter à nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?
Alex Hutchings : J'ai commencé la musique à l'âge de 12 ans en apprenant la guitare classique et peu après je me suis évidemment mis à la guitare électrique, mais je voulais surtout être batteur à la base (rires) ! Je n'ai malheureusement jamais eu l'opportunité d'avoir un kit de batterie, il fallait donc que j'apprenne la guitare pour compenser. Mais cette envie d'être batteur a considérablement développé mon sens du rythme. Il faut dire que de 7 à 11 ans je rêvais d'être batteur, ce qui ne devait pas être du goût de mes parents qui m'ont orienté vers la guitare. Quoi qu'il en soit, j'ai donc commencé avec la guitare classique et dans le même temps mon grand frère qui avait une guitare électrique me montrait des plans et des riffs assez cools. J'ai commencé comme ça. J'étais dans une école très portée sur la musique si bien que j'ai donné ma première performance scénique à l'âge de 12 ans devant 2000 personnes ! J'ai joué "All Right Now" de Free à cette occasion, avec le solo, alors que je ne jouais que depuis six mois à l'époque. J'ai également joué "Livin' On A Prayer" de Bon Jovi, ces deux titres devant 2000 personnes. C'était mon premier concert et je pense que cela m'a impacté pour le reste de ma vie, car à un si jeune âge tu n'as aucune idée de ce qui est bien, pas bien, ce qu'est un petit concert, un grand concert, tu fais simplement ce que tu dois faire. C'était une super expérience. J'avais appris ces chansons assez rapidement et pour moi tous les concerts devaient être comme celui-ci. C'était ma première prestation et elle m'a donné un état d'esprit très professionnel malgré mon jeune âge. Mon école organisait chaque année un concert ambitieux de la sorte, ainsi que quelques concerts en tournée à travers le pays. Je me sens très reconnaissant et chanceux d'avoir pu faire partie d'une telle école pour la musique !
Plus tard, lorsque j'avais 15 ou 16 ans, je bossais dans un magasin de guitare et un mec recherchait un guitariste pour un groupe de reprises de chansons des 60's pour jouer le weekend. Mon boss m'a immédiatement recommandé et je me suis donc retrouvé du haut de mes 15 ans dans un groupe où tout le monde en avait 45 ! Mais ils m'ont merveilleusement bien accueilli car ils aimaient ma façon de jouer. Cette expérience m'a beaucoup appris car nous avons donné pas mal de concerts. J'ai également commencé le saxophone à 14 ans, c'est sans doute de là que vient mon influence jazz, et je me suis également mis au piano. J'adore la musique en fait ! C'est la fondation de ma vie ! Mon rêve lorsque j'étais enfant était d’être considéré comme un musicien et pas seulement comme un guitariste. J'aime aussi un peu chanter et je peux faire quelques harmonies vocales avec Steven Wilson. Avant de décrocher le job avec Steven, j'écrivais ma propre musique et j'étais démonstrateur pour Boss, Roland, Rotosound et Laney. Bien qu'il s'agissait de présenter le produit, je m'assurais toujours de le faire en jouant ma propre musique. Je conciliais les deux. Il y a également le site Jam Track Central qui m'a permis de pouvoir exprimer ma musicalité car j'y ai écrit et produit une soixantaine de pistes. C'est toujours important pour moi, même dans ces contextes de démo ou autre, de pouvoir exprimer ma manière de jouer de la musique. Sur Internet, tu me vois toujours jouer ce que j'aime, même si je suis en train de présenter une pédale d'effets. Je m'assure toujours de jouer avec mon cœur, je ne me contente pas de simplement présenter les sons de la pédale car la musique a trop d'importance à mes yeux.
Tu disais que tu voulais être batteur à la base, et il y a pas mal de guitaristes qui sont des batteurs frustrés. As-tu une approche de la musique plus rythmique du coup ?
Il est clair que je pense avoir un excellent sens du rythme et ma lecture de la musique se fait beaucoup de manière rythmique. Dans ma musique, j'utilise beaucoup de structures rythmiques étranges et précises. J'en demande toujours beaucoup à mes batteurs car je veux d'excellentes parties de batterie pour aller avec ma musique. J'écris toujours des choses qui ont un groove vraiment très solide. De manière générale, on peut effectivement dire que j'adore le rythme dans la musique, pas nécessairement la guitare rythmique, mais le rythme en général.
Comment as-tu décroché le job avec Steven Wilson ?
Tout d'abord j'étais déjà pote avec notre batteur Craig Blundell. Lorsqu'il a su que Steven cherchait un nouveau guitariste, il m'a appelé pour me demander si ça m'intéresserait qu'il suggère mon nom à Steven. Je lui ai demandé de m'envoyer un peu de sa musique car en toute honnêteté je ne connaissais pas vraiment le travail de Steven. Je connais Guthrie Govan et je savais qu'il avait joué avec Steven, mais je n'avais jamais vraiment écouté ce qu'ils avaient fait ensemble. Craig m'a donc envoyé le métrage d'un concert et ce qui m'a frappé tout de suite est que dans notre époque où tant de musiques sonnent comme si elles avaient été fabriquées en usine, Steven continue d'écrire des chansons pleines de sens avec des thèmes originaux. J'ai eu le sentiment que je pourrais l'aider à exprimer sa musique, et comme elle est pleine de sentiments et d'émotions, cela m'a donné envie de bosser avec lui car j'adhère totalement à ce qu'il fait. Lorsqu'on me demande si c'est la plus grosse opportunité que j'ai eue jusque là dans ma carrière, oui c'est le cas mais ce n'est pas pour cela que je suis venu car je n'ai jamais eu envie d'être un musicien de session. Prends Stevie Wonder dont j'adore la musique, jamais je n'aurais joué dans son groupe, car j'aurais trop voulu prendre sa place ! C'est lui le mec cool sur scène ! Je ne voudrais pas être un simple guitariste caché dans le fond de la scène avec pratiquement aucun éclairage. Evidemment, c’est cool de dire : "je suis le guitariste de Stevie Wonder", mais à mes yeux c'est un rôle qui ne l'est pas vraiment. Mais j'adore Stevie Wonder et je ne veux pas que l'on me comprenne de travers ! C'est juste que j'ai besoin d'un rôle dans lequel je peux m'exprimer davantage et c'est ce que j'ai avec Steven, tout en croyant totalement dans sa musique!
Nous savons que Steven a une vision très précise de ce qu'il souhaite obtenir de ses musiciens. Quelle a été la plus grande difficulté dans ton intégration ?
J'étais conscient de cela avant de débarquer et je me suis dit : "tu devras accepter ce qu'il souhaite obtenir de toi". Si je ne parvenais pas à être vraiment en accord avec ça, ce n'était pas la peine d'y aller. J'y ai réfléchi et j'ai fini par me dire que cela serait sans doute une bonne opportunité d'apprendre de nouvelles choses à son contact car jusqu'à présent je faisais mon propre truc dans mon coin depuis toujours, sans personne pour me dire ou me suggérer quoi que ce soit. Je jouais à ma guise et j'expérimentais à loisir de la musique un peu folle ! Je me suis donc dit que pour une fois, cela ne me ferait pas de mal d'avoir plus de discipline et d'apprendre de nouvelles choses dans ce contexte et jusque là tout se passe plutôt bien !
Steven Wilson est très méticuleux sur l'esthétique sonore et le matériel à utiliser, particulièrement en matière d'effets par exemple. Qu’en est-il de l'interprétation des solos de guitare ? Laisse-t-il un peu de liberté à son guitariste tant que certaines notes clés sont jouées ?
Il faut déjà partir du postulat que Steven a une excellente paire d'oreilles! Etant donné qu'il est tellement doué en matière de production, il a une sensibilité toute particulière sur l'esthétique sonore. Il a des exigences spécifiques en matière d'amplis, de pédales et de guitares. Tant que tu utilises du matériel qui donne satisfaction aux oreilles de Steven, peu importe ce que tu utilises. J'ai une affiliation très ancienne avec la marque Boss, j'utilise donc tout naturellement des pédales Boss sur mon pedalboard et par chance, les derniers produits qu'ils ont sortis sont très complets et disposent d'une qualité sonore optimale. Je me sers des DD-500, RV-500 et MD-500, qui sont programmables en MIDI et du coup je peux appeler n'importe quelle configuration instantanément. Le timing était parfait pour moi avec ces trois pédales dont la diversité convient parfaitement à ma position, vu qu'on peut y trouver pratiquement tous les sons imaginables. Donc à chaque fois que Steven a désiré que j'utilise un effet tremolo, un Leslie ou n'importe quoi d'autre, j'ai toujours été en mesure de le satisfaire avec ces trois pédales. J'utilise aussi la JB-2 Angry Driver qui combine la Blues Driver de Boss et la Angry Charlie de JHS, je me sers des deux fonctions que je peux appeler grâce à mon contrôleur MIDI et j'utilise aussi la SD-1W en tant que boost. J'utilisais en revanche un autre ampli au départ, mais Steven trouvait qu'il ne convenait pas. Je voulais utiliser des pédales de distorsion sur le son clair d'un Roland Blues Cube Tour, un gros ampli de 100W dont j'adore le son clair que je trouve vraiment magnifique, mais Steven n'adhérait pas vraiment et encore une fois, il n'y a aucun problème là dessus, il sait ce qu'il veut et en l'occurrence il préfère que j'utilise un ampli plus metal. C'est pourquoi j'utilise sur cette tournée le Laney IRT, car l'ampli a le voicing que souhaitait Steven et j'ai également une affiliation avec Laney. Concernant les solos, je lui ai tout d'abord demandé de m'envoyer la musique qu'il voulait que l'on joue sur cette tournée mais en retirant les pistes de guitare, afin que je puisse jouer librement ce qui me venait naturellement dessus. Je ne connaissais pas encore ses chansons, je voulais donc les découvrir par moi même, sans l'empreinte d'un autre guitariste. Si tu découvres des entités musicales achevées, tu en seras forcément influencé et tu auras une manière de l'entendre déjà dirigée. Cela ne veut pas dire que je n'ai pas écouté toutes les versions finales plus tard, mais je voulais juste pouvoir m'amuser un peu et m'imprégner de la musique comme si j'avais été le guitariste qui devait jouer dessus à l'origine. Steven a accepté de faire ça et c'était super de sa part. Lors de mon audition, j'ai donc joué mes propres solos à la place de certains solos importants de Guthrie Govan. Steven a trouvé ça cool et il a été satisfait de la manière dont cela sonnait. Une fois arrivé aux répétitions, nous avons toutefois convenu que pour le public, il serait pertinent de débuter chaque solo tels qu'ils sont sur album pour que les fans se sentent en territoire familier mais que je pourrai improviser ensuite sur le reste du solo. Guthrie faisait la même chose apparemment, il commençait ses solos comme il les avait enregistrés sur album et ensuite il improvisait. Cela me facilite d'ailleurs encore plus la tâche lorsque j'improvise mes solos sur scène, vu que lui-même le faisait et que seule la première partie du solo restait identique à l'album. Je fais comme lui et ça fonctionne bien car tout le monde est content : Steven, le public et moi-même car cela me permet d'exprimer davantage ma musicalité, ce qui est évidemment très important.
Steven est un grand fan du contrôleur MIDI G2 de The Gig Rig et il l'impose généralement à ses guitaristes. Qu’en est-il pour toi ?
Non je ne l'utilise pas, même si Steven l'adore effectivement. Je prends pour ma part le contrôleur Boss ES-8, bien que j'utilise l'alimentation de The Gig Rig.
Pour finir peux-tu nous parler de tes guitares Waghorn qui ne sont pas très connues ?
J'ai joué sur des Music Man pendant huit ou neuf ans et j'ai toujours ces guitares ainsi que beaucoup d'Ibanez. En gros, j'ai à la maison un peu toutes les guitares auxquelles tu peux penser. Mais je voulais une guitare unique et j'ai approché Tom Waghorn en lui disant que s'il faisait la guitare de mes rêves, alors je jouerais dessus mais que dans le cas contraire, j'irai signer chez Music Man! Il y avait donc une grosse pression sur ses épaules mais c'était un processus très agréable. Cette marque de guitare est basée à Bristol, comme moi, et ma rencontre avec eux est une coïncidence. Je connaissais le frère de Tom, Ben Waghorn, qui est un excellent saxophoniste. C'est lui qui m'a présenté à Tom qui est un luthier génial! Il m'a mis deux bandes de fibre carbone, un manche en neuf parties pour une résistance accrue, j'ai l'angle de corde parfait, un chevalet plat et très agréable, une découpe parfaite pour moi, les switchs aux endroits où je les veux, c'est la guitare la plus confortable possible pour moi pour la simple et bonne raison qu'elle a été conçue autour de mes mains ! C'est vraiment une question d'instrument et non de marque. Je me fiche de ce qu'il y a d’écrit sur la tête, seuls le confort et la sonorité de la guitare m'importent car lorsque je crée de la musique je ferme les yeux et j'essaie de m'exprimer ! Il y a également un Jack 13 brins que je n'utilise pas avec Steven Wilson mais que j'ai beaucoup utilisé par le passé, avec lequel on peut programmer absolument tout ce que l'on souhaite. J'ai signé récemment avec DiMarizio, qui m'ont fait d'ailleurs des micros sur mesure sur la Telecaster que Tom m'a construite. Je suis également ravi d'avoir cette relation car j'ai toujours adoré leurs micros. Mais pour revenir à l'instrument, je sais que beaucoup se sentent plus à l'aise de voir Gibson, Fender, Ibanez ou Music Man écrit sur la tête de leur guitare. Pour ma part, j'adore le fait d'avoir une guitare unique et conçue selon mes désirs ! C'est un incroyable sentiment de disposer de ton propre instrument !
Ci-après les guitares de Steven Wilson :
Ci-après l'ampli de Steven Wilson :
Ci-après les guitares d'Alex Hutchings :
Interviews de Steven Wilson :
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Chroniques Steven Wilson :
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Forum Steven Wilson :
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