Steven Wilson est un habitué de nos colonnes… à tel point qu’on pourrait croire qu’il y anime une rubrique ! Et pourtant, le bougre se « contente » uniquement de sortir des albums à un rythme effréné. Comme ces temps-ci ils sont tous bons voire excellents, nous nous devons d’en parler et de lui laisser la parole pour des entretiens-vérités dont il a le secret. En attendant la prochaine rondelle de Porcupine Tree prévue pour la rentrée, Insurgentes, premier opus solo de l’Anglais flegmatique, berce nos oreilles d’un rock atmosphérique teinté d’un large spectre d’influences…

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Entre tous tes side projects qui touchent à énormément de genres différents et toutes les périodes artistiques qu’a traversé Porcupine Tree y a-t-il encore des styles musicaux que tu veux explorer ?
Steven Wilson : Oui et je crois que ce disque solo s’inscrit dans cette tendance. Malgré tout on peut également le voir comme un résumé de tout ce que je sais faire car il y a clairement au sein d’Insurgentes des sons à la Porcupine Tree, Bass Communion ou No-Man. Néanmoins il y a des nouvelles choses sur l’album aussi, des styles que je n’avais jamais exploré auparavant. Je pense particulièrement aux influences noise et drone qui sont utilisées ici de manière très directe. J’ai pour la première fois intégré le noise et le drone dans de véritables ce qui ne m’était jamais arrivé. L’album dans son ensemble a un son un peu plus alternatif et indie qu’avant. J’ai utilisé beaucoup de « guitares shoegazer » qui donne un côté très « claviers » à la musique. Pourtant il y a peu de claviers – voire pas du tout – sur Insurgentes mais beaucoup de grattes utilisées de cette manière. Pour en revenir à ta question : oui il y a toujours des choses que je veux explorer car j’écoute beaucoup de trucs différents et au bout du compte c’est normal que ça ressorte dans ce que j’écris. Je suis un gros fan d’électro et je n’ai toujours pas fait de disque purement électro. On en entend quelques bouts par-ci par-là – sur Insurgentes notamment – mais c’est tout. Je ne sais pas si je serai très bon, quand même… Il faut y consacrer beaucoup de temps et en définitive je suis assez vieux jeu et préfère jouer d’un instrument en direct.

Ce qui est certain est qu’on entend beaucoup d’influences de Joy Division sur Insurgentes. A titre personnel, ça m’a surpris car j’ignorai que tu aimais ce groupe !

S. W. : Et pourtant, si ! Merci de l’avoir remarqué. Joy Division c’est la musique de ma jeunesse. Mon premier amour a peut être été la New Wave Of British Heavy Metal mais ensuite je suis passé à des groupes comme Joy Division, The Smiths, The Cure, etc. Avec la sortie du film Control sur Joy Division, Warner a réédité tous les disques du groupes et je me suis replongé dans leur musique. Je trouve que Joy Division sonne encore mieux aujourd’hui qu’à l’époque. C’est un groupe intemporel. Je suis donc passé par une phase où je n’écoutais que Joy Division mais aussi d’autres groupes que j’aimais avant tels que Slowdive ou My Bloody Valentine qui s’est d’ailleurs reformé l’année dernière. On dirait que je n’étais pas la seule personne à retourner en arrière ! Sur Insurgentes il y a beaucoup de guitares utilisées en noise exactement telles que My Bloody Valentine les faisait sonner.

De toute évidence tu n’es pas la seule personne à faire revivre ce genre de musique. Regarde des groupes comme And You Will Know Us By The Trail Of Dead ou Interpol qui amènent une touché américaine à cette base très anglaise !

S. W. : Je connais ces groupes, oui. Je crois effectivement que ce que les gens appellent le post punk fait un retour au premier plan et est très à la mode. Quand j’écoute du Bloc Party, j’entends du XTC ou du Magazine. Magazine aussi s’est reformé ! Les gens commencent à se rendre compte que cette période était extrêmement créative. C’est amusant que tout ça soit venu du punk puisque le punk était très primaire et anti musical. Pourtant les groupes qui suivaient ce courant et s’en sont inspirés affichaient de grandes ambitions. Quand j’écoute aujourd’hui Closer de Joy Division, je pense davantage à Pink Floyd qu’aux Sex Pistols. L’ambition, les textures musicales et l’ambition générale l’y relient directement, n’est-ce pas ?

Pour Insurgentes, as-tu cherché à avoir quelques guests de cette époque ?

S. W. : C’est marrant que tu me demandes ça. J’ai contacté Colin Newman mais il était trop occupé avec… la reformation et le nouvel album de Wire (rires) ! J’adore Wire et particulièrement leur album 154 sorti en 1979. J’ai également demandé à Liz Fraser des Cocteau Twins mais c’est dur de la convaincre. Son manager me disait qu’elle ne fait presque plus rien. Je la voulais pour Significant Other mais finalement j’ai pu avoir une super remplaçante qui livre une interprétation très « cocteausy » ! J’ai également demandé à Dave Sitek de TV On The Radio. C’est difficile de les avoir car la plupart de ces types n’ont aucune idée de qui je suis ! Et finalement c’est normal car je ne fais pas partie de cette scène. « Bonjour mon nom est Steven Wilson. Je fais de la musique depuis vingt ans mais vous ne me connaissez sûrement pas car je fais principalement du rock progressif et du metal. » (rires) En plus, tous ces gens sont très demandés donc je n’ai pas réussi à avoir quelqu’un issu de cette scène. J’ai tout de même eu Tony Levin et Jordan Rudess qui sont plus proches de moi. Ce sont évidemment d’excellents musiciens.

Avais-tu déjà joué avec Tony et Jordan ?
S. W. : Pas Tony. Et Jordan… Non plus ! En fait, si ! J’ai chanté un titre sur son album solo où il faisait des reprises de classiques du prog. Je connais Jordan depuis longtemps car Porcupine Tree a tournée pour Dream Theater il y a de nombreuses années. C’est un type fantastique. J’adore son jeu de piano, bien plus que lorsqu’il joue des claviers. Ce n’est pas un secret que je n’aime pas spécialement Dream Theater et les sons bizarres qu’il peut y faire mais dès qu’il joue du piano il me sidère. Je lui ai expliqué que je voulais qu’il joue sur mon album solo mais qu’il ne pouvait pas s’approcher d’instruments électriques (rires) ! Il a sorti de très belles choses au piano pour Insurgentes.

Tu as touché à beaucoup de styles mais tu n’as encore jamais fait de rock opera. Ca te brancherait ?

S. W. : Je trouve généralement ça trop théâtral et pompeux lorsqu’il y a plein de chanteurs qui jouent des rôles… Evidemment ça serait une autre histoire avec des pointures comme Liz Fraser ou Robert Smith. Mais tout de même, ça tourne rapidement à la fiesta avec une bande de potes ! Je suis un gros fan d’albums conceptuels comme ceux des Who et en particulier Tommy mais même eux, par moments, versent dans les excès. Je ne pense donc pas que ça me conviendrait comme exercice.

As-tu des projets en tant que producteur dans les mois à venir ?
S. W. : Je n’ai pas le temps ! J’essaie plus de mixer quelques albums pour des gens. Ca prend moins de temps. Pour produire un disque il faut « sacrifier » trois mois de sa vie. Trois mois qui, généralement, sont mieux employés à bosser sur ma propre musique. Le mix d’un disque est une phase assez créative tout de même. Disons que c’est un bon compromis. Je pense que je vais faire les nouveaux Anathema et Katatonia.

 


  Steven Wilson - Insurgentes
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