Bon alors il est pas sympa ce petit alboum???
Je vais faire court : j'adore cet album...
Oh et puis non, je vais faire long, tiens... douze titres sur ceux dont l'âme est en danger, et qui cherchent leur chemin, spirituel ou non, à travers la poussière.
Certains problèmes de la vie ne se résolvent malheureusement pas en appuyant sur le champignon de la bagnole (Born to run ou Darkness). Les chemins de l'existence sont souvent plus sinueux qu'une autoroute. Ce que j'aime d'abord dans cet album, c'est justement sa créativité. Oui, Bruce avait déjà expérimenté sa voix de falsetto dans Countin' on a miracle (acoustique) ou dans Lift me up, mais il est allé encore plus loin.
Aviez-vous remarqué que chaque album de Bruce possède un son qui lui est propre, et que celui-ci ne déroge pas à la règle. Pas si facile, après tout, au bout de 19 albums... et puis ce DVD, où Bruce s'exprime, explique, évoque... ça fait 20 ans que j'en rêve. Ce petit film de Danny Clinch est émouvant, d'une rare beauté. Belle lumière blafarde, partageant le visage de Bruce verticalement, une moitié dans l'ombre, l'autre dans la lumière...
Les deux personnages qui habitent le même artiste, celui de la lumière, du stade de France, du E street band, qui file la patate le matin quand on se lève (Badlands et Promised Land en enfilade); et puis celui de l'ombre, qui va puiser tout au fond de lui même ce qu'il a de plus difficile, de plus contradictoire, de plus pur aussi... dans ce film comme dans cet album (il le dit très bien lui-même, d'ailleurs), il s'efface derrière ses personnages. C'est rare, ça. Bruce ne fait jamais les choses à moitié : quand c'est party time, il fait le poirier sur son pied de micro au SDF avec ses potes, il va au bout de lui-même, physiquement. Mais quand c'est l'heure de la pause, de la réflexion, de la prière (pourquoi pas - au passage, il ne va pas à la messe, ça aussi, il l'a dit - de la délicatesse, alors il se calme, travaille sa respiration et s'apprête à descendre tout au fond de lui-même. Au bout de lui même, psychologiquement, mentalement, spirituellement. Que voulez-vous de plus, avec Bruce, on a le beurre et l'argent du beurre (et le cul de la crémière, dans Reno... oups, pardon, c'était pour détendre).
J'aime cet album, aussi, car ce n'est pas un second Tom Joad (pas de confusion, j'aime vraiment bcp GOTJ). Il a su écouter les critiques de certains fans qui trouvaient ça abscons, ennuyeux, austère : du coup, il a ouvert la composition des titres sur le plan musical.
Sur le plan des textes, il n'a rien perdu de son écriture. Si vous avez la possibilité de lire les articles de presse dont les liens ont été cités sur ce forum, vous verrez qu'il explique les passages crus de Reno comme une évidence. Il fallait ça pour montrer un personnage qui se ferme face à ses problèmes, alors que, par opposition, une relation d'amour, sentimentale, lui aurait permis de s'ouvrir. Ce type qui rentre seul s'est peut-être gouré de chemin... démons et poussière. Et de toute façon, la musique douce qui accompagne ce titre montre à l'évidence qu'on n'est pas dans le même registre que Red Headed Woman (à la limite du paillard), ni même dans celui de Little things that count (tendre et sensuel).
En fait, D&D est dans la parfaite continuité des albums précédents. Nebraska montrait des types complètement éjectés du système, et les dégats qu'ils faisaient autour d'eux. C'était brut de fonderie (comme le son, d'ailleurs). Dans Tom Joad, l'horizon commençait un peu à se dégager, les personnages étaient descendus de voiture, avaient laché les fusils à canon scié. Dans D&D, on devine une issue : c'est même presque trop manichéen. certains personnages s'en sortent (long time coming, all the way home, leah) ou sont en bonne voie, d'autre s'égarent (D&D, Reno) ou s'échappent (Silver palomino). Tout ça pour finir sur une pirouette (cacahouette), comme dans Tom Joad (my best...) : l'immigrant mexicain de Matamoros banks est mort, noyé en traversant le fleuve. Mais le Bruce, il est malin, il est gonflé, il balance son récit à l'envers, parce qu'en chanson, on peut tout faire, même remonter le temps, pour redonner espoir, pour que ceux qui ne se sont pas encore noyés voient le film à l'envers et changent leur trajectoire... c'est pas créatif, ça ?
Après 25 ans de pratique du bruce, d'exégèse, de collectionnite, de chemin paroucru "à côté" de lui (même à 6000 bornes, quelques fois plus près), j'y découvre encore des choses, et j'en ai apprise une qui tient toujours : ses albums fonctionnent comme une infusion, il faut leur laisser du temps, leur donner une seconde chance (comme lui le fait avec ses personnages - Highway 29). Vous verrez... vous en retirerez toujours une belle récompense... my beautiful reward.
C'est bon ? J'ai été assez long, là ?
Someday girl
I don't know when
We're gonna get to that place
Where we really want to go
And we'll walk in the sun
But till then
Tramps like us
Baby we were born to run!