lapinmalin a écrit :
Tout a été déjà fait c'est un peu facile, la mouvance française de la fin 19ème début 20ème ont inventé beaucoup de chose, seulement ces monsieurs ont décidé de faire table rase du passé après la guerre 39-45 et le consensus sériel s'est monté au niveau mondial.
Il y a aussi pour moi des piste du coté des musique microtonales, difficilement transcriptibles mais faisables en musique électronique, le retour du contrepoint avec plus de richesse harmonique, il y a qu' écouter les études Jimmy Wybble à la guitare pour voir qu'on peut faire quelque chose d'innovant, de pas consensuel mais qui respecte (un peu) plus les règles du cerveau.
Faire table rase du passé ?
Sans doute
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Sans doute, dans ce qu'on pourrait appeler une pose affectée, la stratégie de la rupture, ses réquisitoires de procureurs et ses auto–promotions, sa métaphore militaire (l'Avant–Garde), toutes choses que les sérialistes n'avaient pas inventées, loin de là.
Sans doute, mais cela serait clairement à nuancer, encore une fois...
Pierre Boulez, un des apôtres du sérialisme et aussi un de ses procureurs, est dans le même moment un des très très grands chefs d'orchestre du XX° (et XXI°) siècle.
Boulez qui a dirigé aussi bien Wagner que Debussy, Ravel que Mahler, Stravinsky que Janacek, voire (anecdotiquement ?) Frank Zappa, et j'en passe.
Il les a dirigés, et pas simplement pour boucler ses fins de mois.
Idem Bruno Maderna, Giuseppe Sinopoli, Heinz Holliger...et j'en oublie.
Or, le sérialisme n'a jamais mangé tout le maigre gâteau des musiques "savantes" contemporaines : voir la musique concrète et les diatribes Boulez–Schaeffer ; Messiaen, Dutilleux et leurs singularités, leurs pas de côté ; le tonalisme étroitement contraint, pour les raisons que l'on sait, de Shostakovich, mort en 1975 ; le silence ascétique de son élève, la géniale Galina Oustvolskaïa ; la musique spectrale de Gérard Grisey et Tristan Murail ; les microtonalismes que tu rappelais, mettons de Charles Ives à Harry Partch en passant par Giacinto Scelsi, dont les micro–intervalles combattaient une orientation pressante et paradoxale vers la monodie ; le minimalisme et ses répétitions avec Terry Riley, La Monte Young, Steve Reich, et Philip Glass...; et György Kurtág, tout aussi inclassable que Galina Oustvolskaïa le fut ; Kurtág qui stupéfia Boulez quand celui–ci découvrit le timide et humble Hongrois qui n'avait pas "osé" se présenter au "maître" quand il vint la première fois à Paris...
Il y en a tellement d'autres encore que je m'oblige à laisser ici de côté, ayant déjà été bien trop long...
Et m'apprêtant à l'être de nouveau.
Quant à respecter les règles du cerveau, ça je ne suis pas sûr de comprendre.
Ou, au moins, pas sûr de connaître ses règles, ses ordonnances secrètes, ses invariants ancrés et fixés, sa petite dictature reptilienne ourdissant des Inquisitions ou des Fatwa, voire des complots contre toute tentative d'émancipation...
Chaque génération de musiciens, au moins depuis le XIX° siècle et ce qu'on appelle le Romantisme en musique (pour faire bref) eut à se battre contre la génération précédente qui les méprisait et les auditeurs qui en étaient dégoûtés...
Il n'y a qu'à considérer l'aventure de Gustav Mahler dans la Vienne de Cacanie, comme Musil appelait l'Autriche–Hongrie et son empire d'alors : un très grand chef d'orchestre et un compositeur méprisé (en plus du fait d'être Juif dans la Vienne impériale, policée mais féroce). Aventure assez comparable observée avec Pierre Boulez, par ailleurs.
Il faudrait se rappeler, par exemple, ce que fut la création de l'œuvre jouée, chantée, dansée (l'opéra ?) de quatre artistes très confidentiels à l'époque, Philip Glass, Bob Wilson, Andy DeGroat, et Lucinda Childs, au Festival d'Avignon à la fin du mois de Juillet 1976 ; oui, l'œuvre–fleuve, opéra, ballet, peinture, théâtre
Einstein on the beach, où, adolescent, j'avais inconsidérément traîné mes parents, pourtant ouverts, alors que nous étions en vacances en France et que le temps et ses loisirs étaient comptés.
Ce n'était pas le consensus bobo qui régnait parmi les aréopages culturels et mondains, ça "clashait" sévère à l'heure du pastis, à l'ombre des oliviers et à la cadence des cigales, après la première mondiale de cette œuvre magnifique devenue bien malgré elle, maintenant, un drap–housse du répertoire et de la "modernité"...
«Wir leben unter finsteren Himmeln, und –es gibt wenig Menschen. Darum gibt es wohl auch so wenig Gedichte. Die Hoffnungen, die ich noch habe, sind nicht groß. Ich versuche, mir das mir Verbliebene zu erhalten. »
Paul Celan, 18 mai 1960, Lettre à Hans Bender.