Ce matin, j'ai ouvert la porte de ma maison pour faire sortir le chien. A peine franchie par cette serpillère sur pattes, je l'ai vite refermée en prenant soin de laisser un mince entrebaillement pour m'assurer d'un oeil méfiant qu'il n'agresse personne jusqu'à ce que je ne puisse plus le voir. J'ai croisé le regard d'un passant qui m'a dévisagé d'un air curieux, je lui ai jeté un sort, j'ai refermé la porte avec vigueur.
Le chien ne reviendrait pas avant une demi-heure, j'en ai profité pour aller à la selle et tenter de voir l'avenir dans mes propres excréments. Comme c'est l'été et qu'il n'y a pas trop de nouveauté sur Guitariste.com, j'ai pris le pc portable pour une lecture rapide et digeste, remplaçant avantageusement la sempiternelle monotonie de la rubrique composition du canard wc.
La colique soudaine m'indique clairement qu'il me serait impossible de connaître la météo de la semaine et qu'il allait falloir broder quelques hypothèses pour mes adhérents au site de voyance en ligne. Cerise sur le gâteau, il n'y a plus de quoi essuyer l'entre-deux fesses, ni son pourtour et l'idée du tube de carton paré de l'ultime feuille en partie enduite de colle me paraît être l'aventure de trop.
Puisque j'ai un peu de lecture et un peu de temps avant que le clébs ne revienne, j'opte pour la solution qui consiste à attendre que la garniture soit sèche.
Après un bref inventaire des rubriques "Guitares", "Amplis", Effets", je m"aventure vers la rubrique "Backstage"... Qui sont tous ces gens qui ont l'air de se connaitre depuis une éternité ? Que peuvent-ils se raconter ? Est-ce que je vais pouvoir communiquer avec eux sans éprouver l'angoisse de celui qui n'a pas vu le film de la veille et qui fait le sujet du jour au sein d'un groupe uni à jamais ?
J'évite courageusement le sujet sur le carnage de Nice, n'ayant aucune compétence en matière de véhicule frigorifique. J'enjambe fièrement le sujet nécrotopic, devinant aisément son contenu par la particularité de mon gagne-pain quotidien et contourne bravement les sujets politiques, sources de polémiques évidentes pour le haut dignitaire d'une fratrie en voie d'exctinction que je suis.
Quelque peu déconcerté par la hauteur du vide qui me plante au faîte d'une solitude vertigineuse et d'une perplexité menaçante, je me prépare à rabaisser l'écran et empoigner la bouteille poussiéreuse, phare des ménagères de publicités mensongères quand je tombe sur le sujet "Le daubic des aventuriers, les vrais !".
D'un clic j'enfourche le foin qui alimentera modestement ma curiosité et comblera mes lacunes sur les milles et unes merveilles supposées inaccessibles au commun des mortels. La lecture de cette vingtaine de pages correspondant idéalement au temps qu'il me faut pour que la semi boue se transforme en croûte compacte et homogène. D'un point de vue métaphorique, cela correspond également au nombre de feuilles blanches prédécoupées qu'il m'eut fallu en condition normale d'hygiène défécatoire.
Les premiers mots et les premiers intervenants laissent présager une épopée pauvre en rebondissements mais on peut mettre le minimalisme de leur discours sur le compte de l'humilité et de la pudeur. Les suivants font preuve d'un peu plus de bravoure en affirmant et en ayant survécu puisqu'ils sont là pour l'écrire, s'être aventurés sur les chemins d'endroits aussi sordides et bassement fréquentés qu'une pizzéria, une grande surface ou un PMU, gages de désagréments intestinaux et psychologiques aptes à rivaliser avec les maladies diahréiques tant convoitées par les lobbies pharmaceutiques implantés en Afrique. Quand aux autres, je n'ai pu suivre leurs exploits sans douter de ressentir l'effroi d'un singe qu'on enverrai sur orbite.
Bien heureux de constater l'épaisseur complètement durcie et salvatrice, j'ai pu enfin refermer la boîte à papier virtuel et me suis préparé à franchir la dernière étape de mon aventure en utilisant pour la première fois le bidet qui se trouve dans la salle de bain, ce qui représente une distance conséquente quand les pieds se trouvent ligotés par tout un attirail vestimentaire à hauteur des chevilles.
C'est à ce moment qu'on frappe à la porte avec une telle fureur que j'en reste surpris malgré mes qualités divinatoires, n'ayant que pour excuse la difficulté à décrypter les évènements futurs sur matières solides puisqu'il n'existe pas de code Barbier dans ma discipline. Devant l'insistance des martèlements, j'ai de plus abandonné toute investigation en vue de contenir ma dignité et me suis dirigé vers la porte frusques aux chevilles. J'ai entre-ouvert sous les insultes d'un cycliste du dimanche se plaignant de morsures occasionnées par mon chien qui d'ailleurs entre en trombe, haletant. J'ai rétorqué que les petites bêtes ne mangent pas les grosses et qu'il a tout autant pu se sentir menacé par tant de ridicule vestimentaire. Dépité et incapable d'affronter ma mauvaise foi, le cycliste est reparti ronchonnant dans son guidon.
J'ai lancé un oeil méfiant dans la ruelle par l'entrebaillement, j'ai croisé le regard d'un passant portant le mépris d'un électeur de gauche fraichement séduit par les arguments du front national, la crotte au fignard je lui ai jeté un sort....