balou a écrit :
Non, je veux dire qu'entends-tu par "L'idéologie dominante (...) ne veut même pas entendre parler d'une façon cohérente du polar" ?
Franchement, qu'est-ce qu'elle en a à battre du polar, l'idéologie dominante ?
pour comprendre cette réflexion de manchette, il faut commencer par saisir ce qu'est pour lui le polar (roman criminel violent et réaliste à l'américaine) : le polar est pour manchette
un témoin désillusionné de son temps.
l'idéologie dominante veut bien parler du polar, mais en évitant d'évoquer les aspects historiques gênants qui ont donné naissance au polar (le point central étant la contre-révolution menée tambour battant aussi bien par la droite que par la gauche étatiques à partir de la première guerre mondiale)... cependant, le roman noir n'est lui-même pas exempt de tout reproche, il fait preuve d'aveuglement face à l'antifascisme de front populaire dirigé par le komintern:
"le roman noir était encore dans son âge d'or lors de la grande période criminelle du Komintern (fin des années 30, début des années 40). Sans compter les purges russes, ni les liquidations opérées dans le tumulte des guerres (guerre d'Espagne, guerre mondiale), le roman noir classique a littéralement sous les yeux une multitude d'enlèvements et d'assassinats tout aussi
romanesques, si l'on ose dire, que les actions des nazis.
Et il ne s'en occupe pas. Alors que sa vertu est de critiquer l'organisation criminelle du monde, il oublie de critiquer la principale forme politico-criminelle de cette organisation : l'alliance incongrue de la gauche démocratique avec la Guépéou pour constituer le camp des "Bons", dans un monde officiellement organisé en deux camps." - Manchette, chroniques, page 261.
« Tout le monde était d'une manière ou d'une autre contre les collectivisations,
sauf les travailleurs eux-mêmes. Certes, la CNT-FAI les revendiqua comme "sa" création et ce sont la plupart du temps des militants de ces organisations qui en prirent l'initiative. Mais le décret qui les limite et les dénature fut aussi, en grande partie, son œuvre. Les travailleurs qui avaient réalisé et défendu l'autogestion de nombreux secteurs industriels et agricoles avaient donc pour ennemis non seulement les militaires et les fascistes représentant la bourgeoisie, mais aussi objectivement les nouvelles couches bureaucratiques qui, placées sous les mêmes drapeaux qu'eux, avaient déjà commencé à rétablir, sous des formes parfois nouvelles, la vieille exploitation du travail salarié et la hiérarchisation totalitaire de la vie sociale. » - Carlos Semprun,
Révolution et contre-révolution en Catalogne : Socialistes, communistes, anarchistes et syndicalistes contre les collectivisations