"Il m’arrivait parfois d’entrer subrepticement dans la chambre où ma mère dormait encore et de la réveiller par un tonitruant : « Ich bin der Tod ! »
Elle ne m’en tenait pas rigueur, persuadée qu’elle était d’avoir commis un crime impardonnable en me mettant au monde. Elle considérait les mères comme d’immondes salopes, inconscientes du mal dont elles étaient responsables en perpétuant la vie. Par ailleurs, elle exécrait les enfants. Le sien, elle le confiait à mon père, ce qui me soulageait plutôt. Car, avec ses airs de star viennoise sur le déclin, elle m’angoissait plus qu’elle ne me rassurait. Ce que je lisais dans son regard, c’était la peur : le nazisme l’avait vaccinée à jamais contre le bonheur. Et elle partageait avec Thomas Bernhard et la plupart des écrivains autrichiens une forme de cynisme qu’avec l’adolescence j’ai trouvé plus que réjouissant. Elle ne reculait devant rien, se demandant seulement comment elle avait pu être assez sotte pour procréer. C’est le principal héritage que je lui dois." - Roland Jaccard (qui par ailleurs raconte dans
ma vie et autres trahisons sa profonde déception en apprenant que cioran avait fait l'éloge de hitler dans sa jeunesse, et où l'on trouve cette citation de tony duvert : "S'il existait un tribunal de Nuremberg pour les crimes de paix, il faudrait y faire passer neuf mères sur dix.")
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