On retenait de The Suburbs ses influences « rock de stade » et la force de ses mélodies. Avec le succès phénoménal qu'il a reçu – le point culminant et le plus inattendu étant sans aucun doute le Grammy du meilleur album de l'année en 2011 – Arcade Fire aurait pu virer en groupe mainstream dont les seules prétentions auraient été de vivre sur les dividendes du passé et d'assurer en studio un service minimum pour les années à venir. Reflektor contredit cette logique en tout point. Sur la forme d'abord : un double album qui renvoie directement aux errances conceptuelles des seventies. Sur le fond bien sûr : le gang rehausse son rock de subtilités électroniques fournies par James Murphy (ex-LCD Soundsystem) dans une démarche semblable à celle de David Bowie lorsqu'il se mit à collaborer avec Brian Eno.
De David Bowie, il est d'ailleurs question sur Reflektor et d'entrée de jeu. En effet, sur l’ouvreur éponyme, l’élégant anglais fournit des vocalises qui réveillent quelque peu un morceau qui commençait dangereusement à tourner en rond. Pourtant, malgré ses défauts, ce titre est un des temps forts de l’album et combine la sensibilité pop de Win Butler avec des ambitions prog’ très denses.
Toutefois, s’il fallait garder une seule image, en dehors de celle d’Orphée et d’Eurydice, de Reflektor, ce serait celle d’un rock à la Roxy Music renouvelé. Il y a quelque chose de très classique et snob traversant ce quatrième album studio. Le son y est en permanence étouffé pour une ambiance stimulant la claustrophobie. Le groupe parsème tout de même quelques moments de lumière (Afterlife, Reflektor…) mais le ton général est plus lugubre. Celui-ci sied moins aux ambitions d’Arcade Fire et le conduit parfois à composer de la soupe comme sur Awful Sound (Oh Eurydice) qui cumule toutes les caractéristiques de la musique d’ascenseur. On est à des lieues de son petit frère It's Never Over (Hey Orpheus), certainement le coup d’éclat de ce disque avec une basse tonitruante, des vocaux entrainants et une construction alambiquée.
Malgré tout, Reflektor est un peu avare en moments de bravoure. Arcade Fire ne s’est pas vautré mais il descend quand même d’un bon cran en termes de qualité, davantage à cause d’une étrange irrégularité que d’un mal profond. Peut-être que la dispersion artistique du groupe qui a contribué de à la musique pour Hunger Games et pour Her n’a pas joué en sa faveur. En attendant de se perdre en conjectures, on se réécoutera les trois premières galettes.
Line-up :
Win Butler (chant+divers instruments)
Régine Chassagne (chant+divers instruments)
Richard Reed Parry (divers instruments)
Tim Kingsbury (divers instruments)
Will Butler (divers instruments)
Jeremy Gara (divers instruments)
Discographie :
Funeral (2004)
Neon Bible (2007)
The Suburbs (2010)
Reflektor (2013)
Tracklist de Reflektor (en gras les morceaux essentiels) :
Disc one
1. Reflektor 7:34
2. We Exist 5:43
3. Flashbulb Eyes 2:42
4. Here Comes the Night Time 6:30
5. Normal Person 4:22
6. You Already Know 3:59
7. Joan of Arc 5:24
Disc two
1. Here Comes the Night Time II 2:51
2. Awful Sound (Oh Eurydice) 6:13
3. It's Never Over (Hey Orpheus) 6:42
4. Porno 6:02
5. Afterlife 5:52
6. Supersymmetry 11:16
Arcade Fire - Reflektor
Merge
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