Profile est une énième marque "rebranded" made in japan. Pas trés connue (mais répertoriée sur harmony central) et dont au moins un deuxième exemplaire (daté de 1979) circule en France puisque une autre télécaster est partie récemment sur e-bay (ce n' est pas la guitare présentée).
La légende veut que cette marque ait été créé à la demande d' un importateur australien à la fin des années 1970. Il aurait envoyé 2 modèles Fender (une stratocaster et une télécaster des années 1960 au japon afin qu" elles soient copiées. Il existe effectivement nombre de guitares "rebranded" made in japan entre le début des années 1960 et le milieu des années 1980 sorties pour les plus connues (les usines) de chez Matsumoku, Hoshino gakki ou Tokai gakki.
Maintenant, qu' en est-il réellement lorsque l' on regarde plus attentivement un modèle que l' on a entre les mains, sans numéro de série et avec, comme seule indication, made in japan sur la plaque de jonction corps/manche.
Tout d' abord, ce qui surprend, c' est l' incroyable fidélité dans les côtes et les matériaux par rapport à son modèle. Le corps est en 3 parties de Frêne. Une centrale avec 2 ailes. Une configuration que je préfères à celle en 2 parties (plus ou moins bien centrées et qui occasionnent une différence audible de tonalité). Ce n' est pas du Frêne des marais et la belle affiche légèrement plus de 4 kgs sur la balance. Le vernis est nitrocellulosique satiné et la finition blonde (un grand classique).
Bon comme on va le voir, ce n' est pas non plus une copie fidèle de la Télécaster 1952.
Vue de face :
Vue de dos :
A la vue du modèle (en état near mint comme disent les américains), je comprends que Fender ait pu attrappé des boutons avant de confier la fabrication de ses modèles aux ouvriers et luthiers ainsi qu' aux machines japonaises. Difficile, sans regarder avec précision, de déterminer les 3 parties qui composent le corps. Il faut savoir que sur cette période, certains agents du commerce américains débarquaient dans les magasins et fracassaient les "copies" japonaises. Je trouve que cette démarche était du plus mauvais goût (au même titre que détruire une guitare sur scène).
Le manche est dans la tradition télécaster. Epais et large en forme de D avec une légère courbure.
la découpe est quasiment parfaite. Avec des nervures plein centre, comme ne sait plus le faire Fender même sur ces modèles "industriels" américains. Aujourd' hui, si vous voulez un "bon" manche, mieux vaut choisir votre guitare ... Un constat qui vaut pour toutes les marques (soit dit en passant).
Les frettes sont fines. Alliées au profil du manche, ce type de conception n' est pas destiné à obtenir une action basse (au mieux 2mm à la 12ème case). Si vous jouez de la guitare acoustique, celà ne posera aucun problême d' adaptation. Mais si le manche autoroute avec action au ras des paquerettes (spécial shred) est votre domaine, mieux vaut passer votre chemin. Vous risquez d' être confronté à un choc des cultures.
A la différence du modèle, le manche (en érable) est en une seule partie "pleine" (sans la barette de noyer du trussroad) sur laquelle est posée (enfin collée) une touche érable et dont le réglage de courbure du manche s' effectue par le bas du manche. Une conception que l' on retrouve plutôt sur les séries 1960 avec touche palissandre.
Autre concession à la "modernité", les mécaniques (avec bouton forme kluson) sont à bain d' huile. Avec une forte ressemblance avec les Gotoh SG503. Personnellement, je trouves la démarche heureuse. Il faut avoir joué sur une guitare équipée de vraies mécaniques kluson pour apprécier le bain d' huile ... tout celà est une affaire de goût.
Le plus dur, sur les guitares "rebranded" est d' identifier leur lieu de production. La plaque est conforme à la période fin 1970/première moitié 1980 ... mais sans numéro de série. Le logo est "blanc" et non pas "jaunatre" (typique Ibanez/Hoshino/Squier). Son inclinaison et sa couleur "granuleuse" fait penser au logo Tokai sur cette période. De même que le tenseur des cordes et sa situation géographique.
Les pontets sont au nombre de 6, donc à réglage individuel. Là aussi, pour ma part, c' est une concession bienvenue au chevalet vintage. Ils sont en acier trempé. Ce type de pontets à été essentiellement utilisé sur les Tokai "breezy sound" à partir de 1982/83.
Si on enlève la partie électronique, on a la confirmation que cette guitare a été fabriquée entre 1983 et 1985 dans l' usine Tokai gakki. Tout d' abord le fameux sélecteur DM30 qui équipe la production Japonaise jusqu' à 1985.
Ensuite les potentiomètres de marque NOBLE (équivalent japonais des cts, même si celà en fera sourire certains ... à tort) en tous points semblables (marquage circulaire sur la partie basse) à ceux qui équipent les breezy sound sur la période mentionnée plus haut. Des potentiomètres dont la hauteur est ajustée à l' aide d' épaisses rondelles en laiton. Les 2 sont de valeur 500K (loga pour le volume et linéaire pour la tonalité). La valeur choisie est surprenante, quand on considère que génèralement, la valeur recommandée est plutôt de 250K pour un simple bobinage. Peut-être pour "relever" la faible valeur de résistance des micros ...
Le micro manche, qui, à mon avis n' est pas le point fort de cette guitare, se règle à l' ancienne. Sur le VJ, il m' a semblé bien "sourd" jusque sur la position intermédiaire. Peut être un problême de réglage. Il faut enlever la plaque pour accéder au vis à bois montées directement dans le corps. Une épaisse plaque de mousse faisant office de ... ressort. Une conception plutôt mal venue. A mon avis, le seul point de conception/fabrication critiquable sur cette guitare. Mais facilement corrigeable.
Le micro chevalet est quand à lui conforme à l' idée que l' on se fait d' un bon micro télécaster. Twangy à souhait, il repose sur une plaque en cuivre trempée dans de l' alliage (peut être du zinc et/ou du chrome). A noter la propreté des soudures et du cablage de la partie électronique. Excellentissime sur le VJ.
Edit : aprés mesure à l' ohmmètre, le micro chevalet affiche 5,5K et le micro manche 4,4K (ce qui est cohérent). Ce sont des valeurs proches des premiers micros qui équipaient la télécaster. Le niveau de sortie est faible (constat effectué à l' oreille), De même il faut tenir compte d' une possible désaimantation liée à l' âge des micros (certainement bien plus de 25 ans), même si cette dernière a été trés peu jouée.
En conclusion, une excellente télécaster de fabrication japonaise agée d' environ 25 ans, que l' on peut aquérir pour un tarif en dessous d' une squier affinity special (la version butterscotch). Autant écrire tout de suite que les 2 ne jouent pas dans la même cour de récréation. En terme de lutherie on est même un cran au dessus d' une mexicaine voire même d' une américaine.