Bonjour à tous.
Je suis Jean-Pierre Danel. Pour ceux qui en douteraient, vous pouvez me demander confirmation sur FB ou via jpdanel@puzzleproductions.com 😊
On m’a fait part de vos réflexions diverses dans ces pages, et, même si l’on me conseille de ne pas répondre, je le fais quand même, parce que je lis des choses qui me surprennent un peu. Je vais tenter de vous éclairer de mon mieux. Je vais peut-être (sûrement !) oublier des choses, et désolé dans ce cas, ce n’est pas pour me défiler, mais parce que je ne suis pas un ordinateur vivant…
Juste une précision avant cela : plutôt que de parler de moi et pour moi, sans me connaître, il serait sans doute préférable de me poser directement des questions. Je suis suffisamment joignable, et cela éviterait bien des malentendus… 😊
Alors :
- Je lis que j’ai « le melon », et ce genre de choses... Si vous me connaissiez, vous sauriez que ce n’est vraiment pas le cas. Le documentaire dont vous commentez la bande annonce n’est pas une idée de moi, et n’est d’ailleurs pas le premier. Le label de Sony a pensé que je suis dans le cas un peu particulier d’une niche, qui existe mais qui échappe à la plupart des gens. Ce qui est exact. Leur propos est de montrer que, cependant, ça existe. Les gens qui sont venus parler à mon sujet l’ont fait librement, sans ma présence et sans rémunération ni contrepartie. Leurs propos ne sont ni montés ni manipulés (il y a un montage technique, destiné à éviter des répétitions, des hésitations, mais rien qui change la nature du propos, sans quoi, j’aurais des procès sur le dos et le docu serait interdit). Cela peut vous faire sourire, mais ce qu’ils disent, ils le pensent. Et il y en a beaucoup d'autres, hors de la bande annonce, dans le docu. Pourquoi cela vous étonne-t-il, eh bien je pense que cela vient beaucoup d’un décalage de priorité : sur ce site, vous valorisez généralement la performance, des musiciens souvent techniques, brillants, démonstratifs, étonnants, innovants. Des guitaristes pour les guitaristes. Il en est effectivement de remarquables, avec lesquels je n’ai aucunement la prétention de concourir. Je ne suis ni Satriani, ni Vaï, ni Sylvain Luc, ni Bonamassa, ni d’autres encore, y compris plus modestes que ceux-là. Mais le propos des gens qui s’expriment à mon sujet dans la vidéo n’est pas là. Selon leur position (artiste, ou DG de major du disque, par exemple), ils relèvent deux choses : soit un style de jeu qui leur plait (je vais y revenir), soit un parcours discographie qui les a surpris.
Pour le premier cas (le style de jeu), ce que dit Christian Séguret par exemple, est ce qui crée l’intérêt que me trouvent Voulzy, Brian May ou d’autres : ce que je joue est un truc à l’ancienne, tout à fait loin des performances de guitaristes plus modernes. Je fais un truc old school, dont l’ambition n’est que de jouer des mélodies, et pas de faire des exploits techniques. Pour cela, je m’aide de choses comme le vibrato, d’une façon qui n’a plus tellement cours désormais, et c’est ce qui séduit certaines personnes, et qui en indiffère d’autres. Quand je joue Sleepwalk (la vidéo live est provisoirement retirée mais revient bientôt), c’est d’une façon et avec un son qui ne se font plus trop, et, de la même façon qu’on pourra, ou non, apprécier le travail d’un vieil artisan, moins pointu que la technique moderne mais avec un charme lié à une certaine authenticité, certains trouvent dans quelques-uns de mes disques de quoi satisfaire ce goût. Pour prendre un autre exemple, disponible en vidéo en ce moment, c’est ce qu’a apprécié Jean-Félix Lalanne dans l’un de nos duos, sur Blackbird. Cela ne fait pas de moi le meilleur guitariste du monde, ni de France, ni du Larzac. Juste quelqu’un que certains apprécient (ils ont peut-être mauvais goût, mais c’est une autre histoire 😊 ! ). On appellera ça soit de la musique d’ascenseur, soit de la guitare à l’ancienne et qui est très cool, selon les goût de chacun. Après, libre aux spécialistes d'apprécier. C'est le cas, du moins, de ceux qui s'expriment dans le documentaire.
Pour le second cas (les gens de maisons de disques, de médias, etc.), ce qu’ils relèvent est d’une toute autre nature : quiconque approche ce métier d’un peu près sait qu’il est, depuis bien longtemps, réputé impossible de publier à une échelle conséquente, de la guitare instrumentale. Bien sûr, il existe un tas de petits labels, qui distribuent d’excellents guitaristes, mais nous parlons ici de majors du disque, de Top 50, de Carrefour, Auchan, la FNAC, de pub TV, etc. Bref, du grand public, et non pas de fins connaisseurs esthètes et spécialisés. Du coup, ce qui a interpellé ces professionnels de l’industrie du disque, c’est que certains de mes disques sont des anomalies, du point de vue de leurs résultats commerciaux, alors qu’ils n’auraient pas même dû se trouver commercialisés. Voilà donc ce qui les épate, et non mon « génie » supposé !
Pour répondre à vos principales interrogations :
- Ai-je donc vendu tant de disques que cela : oui, et non. Beaucoup de vos commentaires confondent mon travail de producteur et celui de guitariste. Comme producteur (oui, pas éditeur), 23 millions et des brouettes : oui. En 30 ans. Il y a de tout là-dedans : des « compiles cheap » ? Oui !, qui financent des projets plus audacieux. Il y a aussi Buddha Bar, ou Elie Kakou, ou bien d’autres choses, originales et pas originales, connues et moins connues, bonnes et moins bonnes. Du jazz, du flamenco classique, de la world music, de la dance même quelquefois. Je suis aussi producteur de mes propres disques. Dans le docu complet, cet aspect de mon travail sera longuement détaillé.
- Guitar Connection fut-il N°1 du Top de l’IFOP, disque d’or, etc. ? Oui. Et c’est bien ce qui a surpris tout le monde – moi y compris. Cela n’en fait pas le meilleur disque du genre. C’est juste une exception dans la profession. Exception qui fut suivie de plusieurs autres, à des degrés un peu moindres, mais qui ont atteint le Top 50 aussi, ce qui continua de surprendre. D’où les commentaires du documentaire à ce propos.
- Ai-je fait mon chemin grâce aux subsides ou aux relations de mon père ? Il serait le premier à hurler de rire en lisant cela... Comment résumer ? Etre le fils du gars de La Plage aux Romantiques, à une époque (les années 80) où, le temps n’ayant pas encore donné un vernis nostalgique à ces chansons, cela représentait (injustement, à mon sens) le comble du ringardisme, ne fut pas la meilleure carte de visite pour exister dans ce métier… Depuis, Kilimandjaro ou d’autres sont considérés comme des classiques populaires, mais pas comme des chefs d’œuvre branchés. Etre le fils de x ou y n’est absolument pas une aide dans ce cas-là. Les relations ? Il ne vous aura pas échappé que les derniers succès de mon père remontent à une époque où je n’étais pas né, et il ne connaissait plus personne dans la profession depuis bien longtemps quand j’ai débuté. C’est moi ensuite qui l’ai un peu réintroduit dans cet étrange métier du disque. Soyons clairs : sa côte auprès de son public ne me doit bien entendu rien. J’ai juste, plus tard, produit quelques disques pour lui lorsque je l’ai pu, alors qu’il n’en avait plus fait depuis longtemps. Son argent ? Petit garçon, j’ai croisé plus d’huissiers que de palaces… J’ai donc dû gagner le mien. Pour résumer : les artistes de cette époque furent, dans leur grande majorité, peu structurés et rationnels, financièrement, et j’en connais peu qui vécurent dans un confort durable.
- Ma guitare est-elle rare et devenue chère ? Oui, et, hélas, oui. Et ce n’est pas fatalement très pratique d’ailleurs, mais c’est une merveilleuse guitare par contre, et un plaisir sans cesse renouvelé.
- Ne fais-je que des reprises ? Non, entre un tiers et la moitié de mes albums sont généralement des titres que j’ai composé, y compris (j’y réponds au passage) celui classé au Billboard (il n’y en a eu qu’un, et pas très haut). Pourquoi ? C’est imposé par les maisons de disques, de peur de ne pas vendre sinon. Je pourrais refuser ? Oui. Je ne le fais pas. J’aime assez faire des reprises – les morceaux sont en général meilleurs que les miens !
- Suis-je contraint de ne faire des concerts que dans mon appartement (« pathétique » ai-je lu !). Non 😊 Ceux parmi vous qui ont la chance d’être papa me comprendront : ma fille avait alors 2 ans et réclamait la guitare de son papa. Ne pouvant l’emmener voir un concert (elle était trop petite), j’ai fait venir le concert à la maison. C'est ce qu'on appelle un concert privé, comme il en existe plein. Je l’ai fait filmer, pour le souvenir. Sony a proposé de le sortir, et c’est devenu un disque/dvd. Ce n’était pas prévu comme ça au départ.
- Suis-je quelqu’un de frustré avec un besoin de reconnaissance ? Pas le moins du monde ! Si je cherchais la reconnaissance, je n’aurais pas choisi de faire de la guitare instrumentale, j’aurais fait de nombreux articles people avec mon père ou avec mes ex, je ferais des émissions de télé réalité, etc. Je n’ai besoin de rien de tout cela, je vous rassure.
- Je n’ai pas (plus) de page Wikipedia en France ? En effet, de charmants participants à votre forum ont obtenu de la faire supprimer, sur la base mensonges avérés et de raisonnements surréalistes que je pourrais facilement démontrer, bref, on s’en fout.
- Ai-je payé pour faire des duos ? Jamais. Personne. Croyez-le ou non : les duos que j’ai enregistré (une trentaine en gros) se sont faits pour le plaisir de jouer ensemble, avec des gens qui en ont eu envie. On a parfois écrit le morceau ensemble, parfois c’était une reprise, parfois il était de moi.
- Quoi d’autre ? Je ne sais plus… Vous me direz.
Voilà. Accordez-moi le crédit de penser que je vous réponds avec sincérité et honnêteté. Pas de quoi « vomir votre repas », comme je l’ai lu… 😊 Suis-je le André Rieu de la guitare ? Si vous voulez ! Aucun souci avec ça. Il remplit de grandes salles dans le monde entier et vend plus de disques que je n'en ai vendu. Je souhaite ce confort de création à chacun 😊
Nous avons tous au moins une chose en commun : nous aimons la guitare. C’est déjà pas mal…
Mais plutôt que de grandes théories fumeuses et suspicieuses, si quelque chose vous titille : demandez le moi 😊 et, si vraiment vous me croyez être ce que vous décrivez, que l’un d’entre vous se sacrifie : on ira prendre un verre dans Paris, et il jugera sur pièce ! 😊
Excellente journée à tous 😊 et continuez la guitare, ça évitera peut-être aux maisons de disques de ne plus signer que de la musique urbaine... :-)
Jean-Pierre Danel