C’est sorti lundi et c’est dans les bacs.
1. Radio Nowhere
2. You'll Be Comin' Down
3. Livin' In The Future
4. Your Own Worst Enemy
5. Gypsy Biker
6. Girls In Their Summer Clothes
7. I'll Work For Your Love
8. Magic
9. Last to Die
10. Long Walk Home
11. Devil's Arcade
12. Terry's Song
La campagne de publicité de « Magic » avait laissé courir la rumeur du retour de Springsteen aux affaires du « rock » !
Facile, d’autant plus que, comme pour « The Rising », le Boss s’est enquillé de sa bande de vieux potes. Tout laissait supposer de l’électrique et du «gros» son.
Tu parles d’une escroquerie marketing !
Que nenni ! Tour de passe-passe ou tromperie je ne sais pas, « Radio Nowhere » est sans doute le morceau le moins représentatif de « Magic ». Au final, « Radio Nowhere » son tempo volontairement « power pop » (plutôt que « rock ») est presque en rupture avec le reste de l’album.
Première chanson et premier mirage qui en appelle d’autres.
Premier effet de surprise. Pas parce que cet album déborde d’originalité à la première écoute (m’est même plutôt avis du contraire), mais surpris parce que je m'attendais (à tort) à un album rock à l’image de « Radio Nowhere ».
Parce que Magic, qu’on se le dise, c’est tout sauf du rock. C’est de la pop, de la vraie, de la bonne en plus. On est aux antipodes de Tom Joad et Nebraska.
Attention, les guitares sont partout, mais elles ne mordent pas. Elles n’aboient pas non plus.
Non, elles caressent, elles sifflotent, elles jouent (au sens propre du terme).
Au final, le premier sentiment est celui d’une musique facile d’accès. Certains parleront d’« easy listening», j’y entends plutôt légèreté. Pas de simplicité. Non, non. Au contraire, l’album ne cesse de jouer la carte de cette dualité.
Ce qui se dégage d’abord de cet album, ce, dès les premières écoutes, c’est son côté homogène, cohérent de bout en bout. La ligne directrice est clairement identifiable. L’album est un bloc harmonieux, dans lequel, chose rare, il n y’a rien à jeter, absolument rien.
Ce coup-ci, pas de « Let’s be friends » qui vient saloper l’ensemble et qui donne furieusement envie de zapper. Tout est efficace, les titres s'enchaînent avec une aisance rare. Tout reste du même niveau.
Certains diront que rien ne se détache.
C’est vrai, en tout cas pour les premières écoutes.
Je me suis bien gardé de faire une critique de « Magic » après les premiers jours passés dans mon mp3 (je sais…), tant j’aurais dû avouer ma difficulté à différencier « You’ll be coming down » de « Your own worst enemy », «I’ll work your love » de « Livin’ in the future », «Gypsy Biker » de « Girls in their summer clothes » et « Last to die » de « Long walk home »…
Le tout, avec un fort sentiment de déjà entendu quelque part mais je ne sais plus trop où…
Oui, mais reste cette envie irrésistible de remettre l’album. Heureusement, parce qu’il faut bien avouer qu’il faut du temps pour être surpris par « Magic ».
Mais si l’on prend ce temps, le jeu en vaut largement la chandelle : car « Magic » prend de l'ampleur au fur et à mesure qu'on le réécoute. Chaque écoute enrichie la précédente d'un détail auquel on n’avait pas accroché, plus on se nourri de Magic, plus on aime.
Magic, c’est un savant mélange de tout ce que Springsteen a fait jusqu'à présent. Les grincheux diront qu’on a déjà ça entendu mille fois de la part de Bruce. Mais pour moi, « Magic » réussi le pari de sonner totalement nouveau tout en tutoyant une bonne partie de la discographie du Boss.
Tout un chalenge.
Relevé avec brio : car il évite à la fois la redite, la copie, la parodie, la comparaison avec son histoire et son « mythe »… tout en ne cessant de rendre hommage, d’éveiller le souvenir de ses productions passées.
Le tout, sans se répéter à outrance, sans tomber dans le piège d’un pop accrocheuse et « moderne ».
Les clins d’œil sont légion : « Tenth avenue freeze out », « Thunder Road », « Open all night », « Sherry Darling », « Land of hope and dreams », « Paradise », « Waitin’ on a sunny day », « Long time comin’ »…
Certains morceaux donnent l’impression d’avoir été écrits à l’époque de Darkness ou de The River (c’est peut-être le cas) sans pour autant dépareiller avec le reste de l’album.
The Rising mis à part, je me suis toujours dit que Springsteen était fâché avec le studio, que la prod’ n’était pas son truc et pis, qu’il ne savait pas non plus s’entourer, le diable !
Et là, merde, mais c’est bon !
Les arrangements de guitare sont insolites, l’organisation des morceaux est à la fois originale (pour Springsteen au moins) mais également réussie !
Les harmonies, les voix doublés, les échos, les enrichissements, les breaks, les chœurs, les chutes, les changements de rythmes, les montées harmoniques…
C’est tout sauf orthodoxe (ou catholique, pas de jaloux), c’est chiadé, c’est propre, ça retombe sur ces pattes. Bref, du travail de pro. C’est suffisamment rare dans les productions du monsieur pour le souligner.
Les compositions, d’apparence faciles, acidulées, sont, quand on se penche sur leur construction, recherchées et subtiles.
La production est superbe, le son est très clair, direct, net, brut, court, précis, pointu. L’essentiel, pas de rajouts, la substantifique moelle.
Le travail sur les voix est remarquable. Je n'ai pas entendu, Patti, ni Steve (ouf), deux nasillards en moins, me gâcheront pas le plaisir comme sur « The Rising » !
Le doublage des voix, les chœurs, les échos…tous les choix sont à la fois audacieux et justifiés.
Et la voix de Springsteen, alors ? Simple, il se contente de chanter et il le fait rudement bien. La voix est variée, belle, posée, douce, sans forcer, moins forte, moins tirée, moins tiraillée…
Les mélodies sont accrocheuses, l’ambiance est estivale. La fraîcheur d’une brise d’été, la légèreté d’un acidulé fondant dans la bouche. C’est plaisant, sucré, digeste.
Mais le lyrisme, le romantisme, la magie n’ont pas été sacrifié pour autant.
La sémantique employée, les thèmes abordés, les tons employés n’ont jamais été aussi larges et variés.
Tout est à double tranchant. Le fond comme la forme.
Déjà la forme : le petit côté easy-listening pop sans prétention peut inviter l’auditeur à ne pas se plonger dans les textes, ou à simplement les prendre au premier degré. Ce serait évidement bien dommage.
Les grands renforts de « la, la, la » « sha, la, la », « na, na, na » et « laï, laï, laï » sont encore un tour de passe-passe. Parce que derrière, surtout si l’on veut lire entre les lignes, le message est fort mais pas lourd, puissant mas pas agressif.
Airs légers, mais textes beaucoup plus engagés qu'il n'y paraît. Paroles ironiques, presque méphistophéliques parfois.
C’est un vrai changement dans le songwriting de Springsteen.
Parce que jusqu’ici, on le connaissait surtout pour ses qualités de storyteller (littéralement « raconteur d’histoires »), domaine où il excellait dans sa capacité à raconter une histoire à la première personne sans jugement de valeur aucun.
Mais là, Springsteen fait dans le mystique, l’allégoriste.
C’est f(i)lou, parce qu’aucun de ses textes n’est relié explicitement à un événement précis, tout est laissé à l’interprétation de l’auditeur et permet plusieurs niveaux d’écoutes (de lectures). Filou, parce qu’on ne peut rien reprocher à Springsteen, ce n’est pas du « American Skin 41 Shots », ni du « Born in the USA », ni du « Devils and Dust ».
Non, faut se creuser les méninges pour voir dans « The last to die » ou « Livin’ in the futur » des dénonciations de la guerre, de l’incompétence des politiques à éviter anticiper et maîtriser une catastrophe écologique ou météorologique, des appréciations sur la situation du monde actuel.
Enfin, Springsteen l’a annoncé : il voulait un album par et pour le E Street Band.
Honnêtement, sans avoir entendu une seule note de ce que pourra donner « Magic » en live, je suis intimement convaincu que « Magic » fournira tout le matériel pour mettre le feu sur scène.
Certaines chansons semblent même avoir été conçues dans cette seule optique.
Tout le côté pop, rigolo, léger, un peu facile de certaines chansons est la promesse de lendemains qui chantent en chœur !
C’est peu dire que je suis impatient d’être au 17 décembre…
Someday girl
I don't know when
We're gonna get to that place
Where we really want to go
And we'll walk in the sun
But till then
Tramps like us
Baby we were born to run!