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en évoquant wagner, par francis pagnon
Le sous-titre "La musique comme mensonge et comme vérité", fait référence au
mensonge qu'est la musique de masse et à la
vérité révolutionnaire qu'exprime la grande musique, considérée par l'auteur comme la seule musique véritable, notamment celle de Monteverdi, Bach, Mozart, Beethoven, Debussy et, bien sûr, Wagner.
Pour Francis Pagnon, la musique wagnérienne
condamne la société capitaliste où l'histoire est rendue impossible par une production asservie au cycle perpétuel de la valeur d'échange. Le combat contre cette vacuité marchande se développe au-delà de la musique, qui devient
mensongère lorsqu'elle nie la nécessité de ce combat en posant un idéal esthétique où se compensent les horreurs du monde.
Dans son essence ultime, la musique de Wagner
refuse ce rôle mensonger : elle affronte sans réserves son ennemi, c'est-à-dire, la tradition musicale aliénée d'un état de fait social qui n'existe que par l'écrasement et la souffrance irrationnelle du sujet. La haine de Wagner vis-à-vis de la
société bourgeoise et de sa culture est passée dans la composition. C'est une musique de la
destruction : elle révèle le chaos sur lequel s'est érigée la
barbarie civilisée et appelle à l'anéantissement d'un monde abhorré.
La musique wagnérienne brise le cercle de la non-vie par la violence de la vie potentielle qu'elle exige de voir passer à l'acte. Tout ce qui fait sa grandeur incite au
dépassement de la musique, à sa réalisation. Au moment où la société marchande s'écroule, l'art révèle son contenu critique, qui avait toujours été en soi sa vérité, rendue claire désormais par le mouvement de l'histoire. C'est le privilège de cette époque
crépusculaire d'avoir divulgué l'énigme de l'art ancien. La musique de Wagner peut enfin montrer ce qu'elle voulait, ce à quoi elle s'est dédiée.