Décidément cette année 2020 est synonyme de bien trop de mauvaises nouvelles. Eddie Van Halen, le virtuose que l'on connait et admire tous (les autres c'est pas le moment, merci!) nous a quitté à l'âge de 65 ans ce mardi 6 octobre 2020 des suites de son cancer de la gorge que nous évoquions l'an dernier. Si pour le grand public en France il était connu pour le tube planétaire de Jump ou son solo sur Beat It, pour les guitaristes et les fans du groupe, la perte incommensurable tellement l'influence de Eddie Van Halen est importante. Alors bien sûr on pense à la technique du tapping qu'il a grandement aidé à populariser avec l'immortel solo de Eruption ou l'intro de Hot For Teacher notamment, mais Eddie était surtout une incroyable machine à riffs : Unchained, Panama, Ain't Talkin' 'Bout Love, Mean Street, Beautiful Girls ou Summer Nights… la liste est longue !
Frankenstrat, lève toi et… joue !
Mais surtout dans la lignée d'un Les Paul, Eddie Van Halen n'a pas hésité à modifier et même à fabriquer sa propre guitare, et rendre ça cool en même temps ! Nous avions évoqué lors de la sortie des modèles EVH Eruption '78 (pour les 40 ans de Eruption, NDLR) l'incroyable histoire de sa guitare Frankenstrat qu'il préférait appeler 'My Baby'. Comme c'est le cas pour bien des fabricants, en 1974 Eddie avait une idée bien précise de la guitare qu'il lui fallait, mais puisqu'elle n'existe pas et qu'il n'avait pas beaucoup d'argent, il décide de la fabriquer lui-même. Son objectif : créer un mélange entre une Fender et une Gibson (dont le logo apparaitra pendant un temps sur la tête) lançant ainsi la mode des Super Strats.
Il se procure le corps pour $50 et le manche pour $80 chez Boogie Bodies à San Dimas qui fournit Charvel à l'époque. Le corps brut se trouve dans une pile de seconds choix avec des noeuds et des défauts cosmétiques. Pas de soucis pour Eddie qui saute sur l'occasion ! Il l'équipe d'un micro humbucker au chevalet en creusant grossièrement la cavité existante et ajoute un vibrato Fender (qui laissera plus tard sa place à un Floyd Rose et au système D-Tuner pour passer en drop-D). Il recouvrira le micro double de paraffine pour obtenir le son crémeux qu'il avait en tête. Le micro manche n'est même plus connecté et il découpe lui-même le pickguard noir qu'on peut voir sur le 1er album et la 1ère tournée de Van Halen ainsi que la fameuse finition blanche aux rayures noires qui apparait presque par accident. Il cherchait juste une finition différente : il peint d'abord la guitare en noir, ajoute du scotch de masquage puis rajoute une couche à la bombe blanche avant de poncer légèrement l'ensemble et faire une sorte de relicage.
Pertes de mémoire et Brown Sound
Au passage il faut dire aussi que les excès en matière d'alcool et de drogue ont eu raison d'une partie des souvenirs d'Eddie Van Halen, qui répond parfois en interview qu'il ne sait pas ni pourquoi ni comment il a fait les choses ou composé ses morceaux d'autant qu'il n'écoute pas beaucoup de musique autre que celle qu'il joue ! Mais il en joue également pour préserver certains secrets de fabrication. Par exemple le fameux Brown Sound qui consiste à mettre tous les boutons au maximum sur un ampli Marshall 1967 Plexi SLP 1959 de 100 watts. Attention à vos oreilles si vous faites ça à la maison ! Le modèle qu'il achète vient d'Angleterre avec une tension à 220 Volts si bien qu'il met un temps fou à pré-chauffer aux USA en 120 Volts. Si la qualité du son lui convient parfaitement en mettant tou au max, le volume en revanche est bien trop faible. Après plusieurs tentatives infructueuses, il découvre le Variac qui lui permettra de modifier la tension de l'ampli et deviendra son contrôle de Volume selon le type de pièce dans laquelle il joue. Mais il reste longtemps très mystérieux sur le sujet et dit à la fois tout et son contraire, peut être afin de protéger les secrets de son célèbre son. Ou peut-être parce que le fin businessman qu'il était, a déjà en tête le projet de s'associer à des fabricants pour obtenir les instruments sur-mesure qu'il convoite.
Le business et le matos EVH
Dès la sortie du premier album, tout le monde de la guitare se demande comment Eddie Van Halen réussit à avoir un tel son. Et quand la tournée commence, le public voit bien le matériel utilisé sur scène et les rumeurs vont bon train. Eddie devient rapidement une icône de la 6 cordes et les marques comprennent vite l'influence qu'il peut avoir sur les guitaristes qui veulent le copier. Ses guitares sont aussi originales que jeu. Il suffit de poser les yeux sur The Shark, une Ibanez Destroyer qui à grands coups de scie sauteuse est devenue la gueule d'un requin, recouverte du motif Striped à rayures.
L'une de ses guitares préférées fût la Charvel Bumblebee noire et jaune qu'on voit sur Van Halen II sur laquelle il a modifié une micro Humbucker DiMarzio auquel il a rajouté l'aimant d'un Gibson P.A.F.. Cette guitare a été enterrée avec Dimebag Darrell en 2006.
A la fin des années 1970, il continue de modifier sa Frankenstrat pour lui donner sa peinture rouge désormais plus connue que l'originale noire et blanche. Il ajoute des bloque-cordes au niveau du sillet pour améliorer la justesse et un Floyd Rose. Il réduit au minimum le pickguard et laisse apparaître le reste de l'électronique non connecté juste pour une question de look. Il regrettera d'ailleurs de ne pas l'avoir laissée dans sa finition d'origine.
Difficile après cela et de retracer toutes les guitares qu'Eddie Van Halen à pu croiser : on pense à la Kramer 5150, la guitare sans tête Steinberger GL2T mais c'est vraiment ensuite avec la série Music Man EVH qu'on arrive au design actuel de sa guitare Signature. Il sera repris ensuite sur la Peavey EVH Wolfgang, les modèles de ces 2 marques étant très appréciés pour la qualité de leur lutherie et pas uniquement par les fans d'Eddie Van Halen.
En 2006 il s'associe à Fender pour créer la marque EVH et sort une Frank 2, une réplique identique de sa mythique guitare devenue trop imparfaite et difficile à jouer. Les modèles EVH se comptent désormais par légions et avec tout ça on n'a même pas évoqué ses amplis qu'il s'agisse du Peavey 5150 rebaptisé depuis 6505 et qui reste une référence incontournable au son caractéristique ou ceux désormais fabriqués par EVH dans la gamme 5150. Ce sera l'objet d'un prochain article ainsi que les Chorus, Flanger et autres effets qu'Eddie Van Halen utilisait avec brio.
Difficile d'écrire cet article, de dire au revoir à quelqu'un qu'on admire sincèrement, qu'on a eu la chance de croiser une fois au NAMM et d'en parler au passé… Merci Eddie Van Halen. Vos témoignages sur le forum de Gcom en disent long sur l'influence du "roi des 10 doigts et de la 6 cordes"…