Une belle rencontre avec Maurice Dupont

Publié le 04/12/2007 par Jacques Carbonneaux
S'il est un des plus grands luthiers que nous ayons en France, il a aussi opéré le virage vers la semi industrialisation de son processus de fabrication. Retour sur ce parcours atypique et passionnant à la fois.
J'entends déjà certains s'exclamer : "Enfin un dossier sur Maurice Dupont, Ah ben c'est pas trop tôt !"

Eh oui, en effet, même si j'ai souvent croisé Maurice au détour de différents salons de lutherie, je n'ai jamais su comment l'aborder car il restait pour moi un grand mystère dans la lutherie guitare. Luthier de la génération des grandes références comme Franck Cheval et Alain Quéguiner, il est considéré comme l'un des plus grands en France avec les deux derniers cités. Alors pourquoi avoir mis autant de temps à parler de lui, me direz-vous ?

Tout simplement parce que je ne savais pas quel statut donner à Maurice : luthier artisan ? propriétaire d'une manufacture semi-industrielle ? Tout comme pour le luthier Québécois Claude Boucher, mes interrogations n'allaient pas rester sans réponses dès lors que l'invitation de passer quelques jours chez Maurice m'a été gentiment envoyée par un ami commun : Daniel Galardi.

Histoire

Déjà enfant, Maurice est passionné par la construction tout d'abord à travers le modélisme puis la mécanique. Avec un DUT génie mécanique en poche, il découvre alors la lutherie et construit son premier Dulcimer, puis une guitare électrique. Il commence sa carrière de luthier en 1981 et se spécialise tout d'abord sur les guitares classiques. En 1986, il se lance dans les guitares type Selmer-Maccaferri et rencontre un succès qui sera très vite international et devient ainsi une grande référence pour les guitares manouches.
Maurice a retrouvé son premier modèle à corde nylon
Ainsi que son premier modèle manouche

Il s'est très vite entouré d'une équipe de luthiers dont certains sont devenus professionnels : Pierre Ducroz (Savoie), J-P Sardin (Barcelone), Alain Mazaud (Normandie), Franck Bélier (Gironde) et Christophe Huort (Vienne). Actuellement avec une équipe de quatorze personnes (luthiers, techniciens et personnels administratifs), la production annuelle des guitares Dupont est d'environ 500 instruments. Il est le luthier le plus distribué en France et le plus exporté mais aussi l'un des rares luthiers de référence à offrir un enseignement à travers l'apprentissage qui permet de former les futures générations de la lutherie en France.

Il suffit de regarder Maurice travailler ou parler de ses instruments pour comprendre qu'il ne peut pas travailler seul car il fait tout, de A à Z et de tout : guitares folk, classiques, manouches, électriques, basses, weissenborn, contre-basse, ukulele, banjo etc...
Il fait de tout et il le fait bien car beaucoup d'artistes ont choisi les guitares Dupont. Citons quelques exemples : Roland Dyens en guitare classique, Romane, "Doudou" Cuillerier, Thomas Dutronc et Sanseverino en guitare manouche ou encore Keith B. Brown pour les acoustiques cordes acier.

Les guitares de Maurice ont trois qualités : un son, une finition parfaite et un très bon rapport qualité/prix ! Que demander de mieux ?
TOUTE L'EQUIPE AU GRAND COMPLET
De gauche à droite : - Debout - Maurice DUPONT : Chef sachant tout faire !
- Erwan PIPET : Ouvrier luthier ( Fabrique entre autre les "Nomade" et les "Weissenborn" )
- Mathias HEINISCH : Ouvrier Luthier ( Spécialisé sur les "guitares jazz manouche" )
- Arnaud DALLIER : Contrat de professionalisation ( Apprend à fabriquer les guitares "Folk" et "Classiques" )
- Marie Hélène DUPONT : Secrétaire de Direction ( Comptabilité et suivi des règlements et "femme du Chef !" )
- Jean Michel ADOL : Ouvrier Luthier à l'origine, s'occupe maintenant de toute la partie mécanique de l'atelier ( il fabrique entre autre les "Cordiers", les "Mécaniques", les "micros Stimer" et les outils dont on peut avoir besoin !)
- Noël BURGALAT : Vernisseur ( Tous les instruments passent par lui )
- Karim AAMARI : Contrat de professionalisation ( Apprend à être vernisseur pour seconder Noël BURGALAT )
- Fabien LECLERCQ : Contrat de professionalisation ( Apprend à fabriquer les guitares "Nomade" )
- Cedric BON : Ouvrier Luthier ( Spécialisé sur les "Violes", les "Contrebasses", les "Archtop" et les "Violons" )

De gauche à droite : - Acroupis - Antoine JOURDAN : Contrat de professionalisation ( Apprend à fabriquer les guitares "Classiques" et "Romantiques")
- Vincent RICHE : Responsable informatique ( S'occupe entre autre de la programmation et utilisation de la "Fraiseuse à commande numérique" et du suivi du "site Internet" )
- Nans BALVAY : Ouvrier Luthier ( Spécialisé sur les guitares "Folk" et "Classiques" )
- Patrick REDUREAU : Ouvrier luthier ( Spécialisé sur les "guitares jazz manouche" )
- Gorka URRA : Contrat de professionalisation ( Responsable du développement et de la fabrication des futurs "Amplis DUPONT" )


Maurice a gardé la même curiosité que quand il était enfant. Quand ce ne sont pas des instruments qu'il construit ce sont les machines de son atelier qu'il conçoit et réalise lui-même avec l'aide de son vieil ami Jean-Michel ! Par exemple, sur ses guitares manouches, il réalise quasiment toutes les pièces : le cordier, l'acastillage des micros STIMER qui est LA marque de micros des guitares de Django (marque qu'il a d'ailleurs rachetée), certaines mécaniques, etc... Il faut signaler que toute la production des guitares Dupont est réalisée dans l'atelier de Boutiers St Trojan à Cognac. Rien n'est sous-traité à l'étranger ou ailleurs.

Le plus surprenant chez Maurice, c'est la passion qu'il a pour le bois qu'il débite lui même et stocke dans un immense entrepôt à quelques kilomètres de son atelier. Il vous suffit de regarder les photos des pages suivantes pour vous rendre compte de l'étendue de sa folle passion pour le bois. Pour finir cette présentation, je peux sans détour vous affirmer que Maurice Dupont est un luthier d'exception, une des grandes références de la lutherie internationale et qui ne cesse de former les nouvelles générations. Ce point est capital pour l'avenir de la lutherie en France. Alors en effet, il n'est pas un luthier artisan travaillant seul pour une production annuelle de 10 à 15 guitares mais la nuance s'arrête là car pour tout le reste, Maurice est un maître luthier digne de ce nom, une de nos grandes références et qui plus est, un être très attachant !

L'atelier de Boutiers St Trojan sétend sur 470 m2 et sera bientôt agrandi d'ici 2 ans. Véritable caverne d'Ali-baba en forme de labyrinthe, ce lieu est un vrai paradis pour un amateur de lutherie.
Gabarits de manches
Autres gabarits
Autres gabarits
Espace de montage
Les ukuleles manouches !!
Machine numérique (manches, corps électriques, rosace etc ...)
Tableau de bord de la machine numérique
Digitalisation et programmation d'usinage pour un manche de guitare
Usinage des manches de guitare
 
Usinage des manches de guitare
 
Noël au polissage
Une partie de l'atelier
Guitares avant vernissage
Modèle ABD (fond laminé bombé)
Patrick sur son établi
Cédric sur son établi
Quelques touches en ébène
Presse à plaquer de chez Di Mauro
Modèles ABD (fond laminé bombé)
Usinage du tenon du manche de la Les Paul Dupont
Usinage du tenon du manche de la Les Paul Dupont
Scie à frettes
Deux presses à caisses / Deux lapidaires à droite
Quelques tables Selmer et Macaferri d'origine
Stock de bois au séchage
Deux Weissenborn en cours
L'établi de Mathias
Un fond et deux couronnes d'éclisses de type J45
Réparation d'une ES125 (changement de manche)
Atelier
Mathias à l'oeuvre
Fabien au collages des contre-éclisses
Antoine en cours de restauration d'une guitare parlor
Cédric à l'oeuvre
Maurice et Cédric à l'usinage du tenon du manche de la Les Paul Dupont
Tables avec défonces des rosaces Selmer
Table d'harmonie Selmer
Table d'harmonie Selmer
Situé à quelques kilomètres de l'atelier de Boutiers St Trojan se trouve l'atelier mécanique où Jean-Michel (vieil ami de Maurice) fabrique différents accessoires (cordiers, mécaniques selmer, micro Stimer) et les machines spéciales nécessaires à l'atelier (Touret à polir, scie à frettes etc...). Du travail d'orfèvre !!
Tous ces outils de découpe et emboutissage ont été soit réalisés directement chez Dupont, soit réalisés par des entreprises spécialisées de la région, suivant ses plans.
Vue d'un mécanisme de mécanique type Selmer
avec pignon et vis sans fin de type globique.
Et pour cela, Maurice et Jean-Michel ont créé cette machine pour tailler les vis globique.
Jean-Michel et Maurice
Un pantographe servant à la gravure sur acastillage
Un pantographe servant à la gravure sur acastillage
Cette machine sert quelques jours par an. Elle sert à tailler les pignons des mécaniques et les tétons de cordiers Selmer.
Presses à clavettes qui servent à découper et emboutir les capots de Stimer et de mécaniques, les cordiers etc...
Vu de l'atelier
Diverses pièces finies en attente de montage
Outil d'emboutissage des capots de mécaniques
Outil d'emboutissage des cordiers type "Selmer"
Outil de marquage des cordiers type "Selmer"
Outil d'emboutissage et découpe de capots pour micros Stimer
Divers outils d'emboutissage et découpe pour la fabrication de pièces d'acastillage 
Achat du bois à la scierie
Premier tri sur le chantier
Sélection des billes de bois
 
Cubage du bois avec un GRAND pied à coulisse
 
Réception et sciage du bois
Déchargement du bois ( heureusement qu'il est interdit de fumer !
Installation du chantier
Installation du chantier
Formation sur le terrain par Maurice
Mesures et marquage pour le débit
Tronçonnage en gros quartiers
Tronçonnage en gros quartiers
Les quartiers attendent le sciage
Tronçonnage en gros quartiers
Les quartiers attendent le sciage
Détail de bois
Guy amène les quartiers vers la scie ( et promène la poubelle ! )
C'est une pièce de musée mais cette scie est irremplaçable !
Début du sciage
Sciage des quartiers en deux
Sciage des tables d'environ 5mm d'épaisseur
 
Les tables sont numérotées et stockées pour sécher pendant environ 5 ans  
Situé à quelques kilomètres de l'atelier de Boutiers St Trojan, se trouve le local de sciage et d'entreposage et séchage du bois. Pour les tables, il faut compter cinq à six ans de séchage. Le stock est impressionnant et rares sont les luthiers qui peuvent se targuer d'un entrepôt aussi achalandé en essences diverses. Le plus surprenant est le nombre de tables d'harmonies en épicéa.
La passion de Maurice, c'est le bois. Dès qu'il le peut, il investit comme un passionné de vin le ferait avec des grands crus. Mais regardez plutôt les photos ci-desous, vous comprendrez !
Pile de table épicéa
Maurice au milieu de ses tables
Pile de table épicéa
Maurice au milieu de ses tables
Pile de table épicéa
Quartiers d'épicéa (chutes) qui servent à faire les barrages
Erable ondé
Plateau de Makoré pommelé
Vu d'ensemble d'une partie du rez-de-chaussée
Scie à ruban qui sert à débiter les tables

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