Via une unité de production basée en Californie, la marque J.Rockett Audio propose des pédales pour guitaristes (et bassistes) depuis maintenant une dizaine d’années. Comme nous avons pu en juger lors de précédents bancs d'essai, leurs créations ou re-créations ont jusqu'à présent toujours été de bon goût et très bien exécutées. Nous abordons ici un sujet sensible dans le milieu de la pédale d'effets, à savoir celui des "imitations/hommages" de la pédale Klon Centaur de Bill Finnegan, auxquelles on fait le plus souvent référence par "klon klones". Nous avons ainsi entre nos mains aujourd'hui, via un test commun, les Archer (sortie en octobre 2014) et Archer Ikon (lancée l'année suivante, dans un premier temps en exclusivité pour Pro Guitar Shop)…découvrons cela plus en détails.

Histoire et Mythologie
Pour information (ou rabâchage), la pédale  iconique/légendaire/mythologique/maintenant trop chère Klon Centaur a été conçue et fabriquée par Bill Finnegan en 1994, au début de l’ère des pédales boutiques. Il s’agit d’un type d’overdrive/boost présentant 3 contrôles renfermés dans un très large boitier (or ou argent) parfois marqué d’un Centaur et n’étant pas "true bypass", mais "bufferisant" le signal en permanence donc. A l’époque de sa sortie, ce "drive" vendu 279 $ (puis 329$ à partir de Juin 2005) se démarquait par son caractère et ses spécifications techniques (dont nous parlerons en détails plus bas) et offrait une alternative à la Tube Screamer et ses (très nombreux) ersatz. Un léger mystère entourait la fabrication de la Klon Centaur, principalement lié au souhait de son créateur de vouloir garder son circuit électronique secret (et surtout non copié),  ajoutant ainsi une couche d’époxy pour le cacher …

Vingt et quelques années plus tard, environ 8000 unités produites (manuellement), des centaines (milliers, millions ?!) de lignes de discussions et points de vue plus ou moins renseignés sur les forums, la légende est là et le prix aussi : vous pouvez aujourd’hui acquérir une pédale de drive Klon Centaur via certains sites d’enchères pour une somme évoluant entre 2000 et 3300$... Désormais, la popularité de ce type de circuit est telle que la recréation de Klon est, tout comme celle de la Tube Screamer, un passage quasi systématique pour toute jeune entreprise de pédales boutiques (les circuits étant disponibles sur Internet depuis quelques années...).

Parallèlement à cet engouement, Bill Finnegan continua ses recherches dans l’amélioration de son produit. Il lance ainsi en Octobre 2012 une seconde version de la Klon Centaur,  la KTR, plus petite, avec de très légères modifications (dont un buffer maintenant débrayable). Ne cautionnant pas la mode et l’envolée des prix autour de sa première création, il applique sur le boitier de cette KTR la mention "Kindly remember : the ridiculous hype that offends so many is not of my making." qui pourrait être traduite par "Note amicale : la mode ridicule qui offense tant de personnes n’est pas de mon fait". Pour l’anecdote, il confessa fabriquer de temps à autre quelques pièces de Klon Centaur et les donner à une de ses amies dans le besoin, afin que cette dernière les revende et en conserve la coquette somme tirée…un chic type !
Bref, à l’époque de la concrétisation de cette V2, il recherche un fabricant solide et sérieux pour s’occuper de la production et s’adjoint dans un premier temps les services de J.Rockett Audio, qui produit ainsi les 1500 premières unités de la KTR…

L’héritage
J.Rockett Audio a donc sorti ses propre modèles de Klon, les Archer, embarquant logiquement un circuit identique à celui du produit original, avec exactement les mêmes caractéristiques (buffer permanent…) mais cela dans un plus petit boitier et surtout à un prix plus accessible.

Abordons dès à présent ce qui pourrait être très logiquement, vu l’expertise industrielle acquise,  la conclusion de cet article : " les Archer sont les reproductions les plus fidèles de la Klon originale de Bill Finnegan ". Eh bien, honnêtement… on n’en sait rien ! Personnellement, je n’ai jamais eu le loisir d’avoir cette pédale entre les mains (ou sous les pieds), de la même manière que je n’ai jamais posé mes mains sur une Les Paul de 1959 (brûlez moi)!  Cela dit, si on cherche bien, il y a probablement plus de modèles de Klon Klones que d’unités originales produites… j’exagère ?

Ce qui nous importe finalement aujourd’hui, c’est de savoir si ces deux pédales sonnent bien et valent leur prix, et quels sont les aspects qui les différencient, peu importe qu’elles soient 100% identiques à un modèle que vous n’aurez probablement jamais en face de vous (et que la majorité de vos potes non plus, en passant…). Ce qui compte n’est pas d’avoir "le modèle orignal" de guitare/ampli/pédale, mais plutôt que les sonorités qui en émanent nous plaisent.
Après cette petite intro moralisatrice, abordons réellement ces pédales avec une certaine naïveté et sans idées reçues.
 
Description
Les lignes ci-dessous s’appliquent (sauf lorsque mentionné) communément à l’Archer et l’Archer Ikon, les deux pédales étant semblables sur presque tous les points.
Le large carton blanc logoté J.Rockett Audio à l’ouverture atypique renferme la pédale et un document au format A6 : nous ne trouverons ici que quelques lignes sur la manière d’utiliser les 3 potentiomètres de la pédale et sur sa garantie.
Les pédales sont assez compactes et plutôt lourdes (respectivement 400g et 390g pour l’Archer et l’Ikon, lorsque’une pédale Boss Chorus en fait 350 ou qu’une VFE affiche 270g *), ce qui donne ici affaire à un petit tank qui survivra sans aucun doute au poids des chaussures et des années (et que nous vous souhaitons pouvoir revendre 135 fois son prix dans 20 ans…). La sobre finitions et revêtements des pédales sont les seuls éléments qui les départagent esthétiquement : des cache-potentiomètres "pointeurs" bordeaux, une finition chromée pour la "standard" et une robe dans les tons moutarde pour l’Ikon. Même si la version standard en jette indéniablement plus sur un pedalboard, nous avons quelques réserves concernant la pérennité de sa texture – sensibilité aux rayures, impact, assaut des chaussures…
Les deux pédales comportent une entrée, une sortie et une embase mâle pour alimentation secteur 9 volts (sachez qu’il est également possible de l’alimenter via une pile). Un solide interrupteur (non true-bypass donc !) permet d’activer ou non la pédale, dont le son sera sculpté via  les 3 potentiomètres OUTPUT, TREBLE et GAIN.

* : chez Guitariste.com, nous investiguons les choses dans les moindres détails, en mettant à contribution les outils modernes les plus perfectionnés (tel une balance de cuisine…)

TO BUFFER OR NOT BUFFER
Cette pédale n’est donc pas, contrairement à la quasi-totalité de la production de produits analogiques actuels, "true-bypass", à savoir sans effet sur le signal lorsqu’inactive. Pour reformuler : même éteinte, cette pédale "modifie" le signal envoyé par les micros de votre guitare - ce qui, pour une grande partie des guitaristes,  semblera passible de la peine de mort - Nous en avons déjà parlé ici, mais il est toujours pertinent de rappeler qu’il y a plusieurs écoles sur le sujet, et que le "tout true bypass" est parfois décrié (lire ici le point de vue de Peter Cornish, expert en son domaine). Rappelons que – généralement - plus le trajet emprunté par votre signal de guitare jusqu'à l’ampli est long, plus il perdra de sa qualité (ou en tout cas, de sa consistance originelle). Ainsi, votre guitare branchée à un câble de 3 mètres, passant à travers, disons, 4 (vous en avez beaucoup plus ?) pédales true bypass éteintes, puis réempruntant  6 mètres de câble produira une sonorité légèrement moins "brillante" que si vous la branchez directement à votre ampli. Dans la première situation, votre signal de guitare emprunte en réalité une dizaine de mètres de câbles (3+6+câbles de patch entre les pédales) sans intermédiaire, tandis qu’il n’emprunte que 3 mètres dans le second cas : l’impacte du câble est ainsi différente. Cela s’explique par la propriété des câbles utilisés, et notamment par la capacitance : mesurée en pico farad, elle augmente au fur et à mesure de la longueur de câble, impactant ainsi sur sa disposition à restituer certaines (hautes) fréquences.
Bref, pour palier à ce phénomène, il est possible (de commencer par s’acheter de bon câbles…) d’utiliser un "buffer", à savoir le plus souvent un petit boitier sans switch qui ne produit aucun son (ce qui semble aussi excitant à acquérir qu’une nouvelle housse pour son instrument). Le boulot de cet outil va être de préserver l’intégrité de votre signal tout au long de son trajet au travers des câbles, peut importe leurs longueurs. Certains préfèreront le placer en début de chaine, d’autres en fin – et les autres, à chaque extrémité… Bien entendu, chaque marque, chaque buffer a sa propre conception de la chose et les rendus sont différents, même si généralement toujours bénéfiques à vos installations.
Bill Finnegan a pris le parti de proposer une pédale incorporant un buffer – et c’est une des raisons de son succès, celui ci étant d’un avis partagé par beaucoup comme "méchamment mortel" – et JRA a bien entendu reproduit ces mêmes spécificités. Les premières secondes du test vidéo (à écouter avec de bonnes enceintes) seront probablement plus parlantes que ces quelques lignes.

Les contrôles
Nous avons donc ici affaire à quelque chose en apparence très simple : 3 potentiomètres Output / Treble / Gain.  Là où le Output et le Treble font le boulot qu’on attend d’eux, le Gain n’a pas un fonctionnement habituel.
Aux premiers abords, il permet d’augmenter le gain créé par le circuit lorsqu’on le pousse dans le sens des aiguilles d’une montre. Cependant, la conception du circuit est plus subtile, car il agit également en tant que MIX : plus vous le poussez, plus le signal non traité s’efface au profit du signal traité. Plus explicitement, le potard à 9h délivrera une sonorité construite par une majorité du signal "clean" original et une petite partie du signal traité (très faiblement distordu) tandis que positionné à 3h, il offrira une signal saturé, constitué majoritairement par le signal traité et par une faible part du signal "clean" original. 
Cette singularité permet ainsi à ces pédales d’avoir une double fonction : bien entendu "drive" pour salir le signal ou attaquer un ampli, mais également de boost, en réglant le gain au minimum – ce que, à la lecture de nombreuses conversations, beaucoup de guitaristes font –

La Différence
Les points de différences entre les deux modèles sont très subtils, hormis leur apparence. En terme de contrôle, les deux pédales réagissent de la même manière, sont aussi agréables l’une que l’autre à utiliser (et à écouter) et produisent des sonorités extrêmement proches. Leurs caractères sont légèrement différents avec une pointe de medium en plus sur le modèle IKON et des aigus plus agressifs lorsque poussés à bloc, conséquences d’un modèle de transistor au germanium utilisé différent, et un buffer légèrement plus brillant sur le modèle ainé… Ces pédales sont extrêmement dynamiques et interagissent très bien avec les micros (simples ou doubles) et l’ampli (à choisir pertinemment, les Archer ayant tendances à parfois être agressives dans le haut du spectre).
Pour être très honnête, j’aurais beaucoup de mal à en choisir une plus que l’autre : j’ai apprécié les deux pour leur caractère respectif, même s’ils sont extrêmement proches.


CONCLUSION
"Les Archer sont les recréations les plus fidèles….". Plus sérieusement, sans les comparer à quoi que ce soit, ces deux Archer et Archer Ikon sont vraiment d’excellentes pédales de boost/drive. Elles sont toutes les deux très respectueuses de l’intégralité de votre installation (guitare/micro/ampli) et retransmettent fidèlement les subtilités de jeu (dynamique, attaque, doigts…). Ces deux pédales tendent à être des pédales "à tout faire" grâce à leurs différentes facettes (buffer, boost, drive) et prendront très facilement leur place sur n’importe quel pedalboard de n’importe quel guitariste !
La Archer est proposée à 242€ tandis que la Ikon est à 252€ (nous ne savons expliquer ce léger écart),  il s’agit d’investissement conséquent, mais qui vaut le coup.

Prix public Archer : 242 euros

Prix public Archer Ikon : 252 euros

Les plus :
le buffer
le look de la Archer (standard)
le son et la dynamique !

Les moins :
le prix, plutôt élevé.


Note : Nous remercions Chris Van Tassel de J.Rockett Audio pour sa disponibilité à répondre (encore) à toutes nos questions !
Pour nos lecteurs anglophones souhaitant avoir des informations beaucoup plus détaillées sur Bill et la Klon, vous pouvez vous rendre sur ce lien.

J.Rockett Audio - Archer et Archer IKON

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