Epiphone est souvent considérée comme la "sous-marque" de Gibson, avec l'aspect plus accessible et la qualité moindre que sous-entend l'appellation. Pourtant, la marque n'a pas toujours vécu dans l'ombre de Nashville, et ses bons modèles vintage rivalisent avec le reste de la production d'époque de Kalamazoo. Récemment, Gibson a donc relancé la production de modèles Epiphone dans leur usine américaine, et voici la première solid body du lot, la Coronet USA.

L'histoire d'Epiphone remonte avant même celle de Gibson, puisqu'elle commence en 1873 à Izmir en Turquie, où Anastasios Stathopoulos fabrique ses instruments, puis s'installe à New York dans le quartier du Queens en 1908. À sa mort en 1915, son fils Epaminondas reprend le flambeau et donne son nom à l'entreprise en partant de son surnom "Epi". Epiphone devient un atelier particulièrement réputé pour les guitares jazz archtop, au point de faire une sérieuse concurrence au géant dans le domaine, Gibson. Dans une logique typique du capitalisme, Gibson décide donc de racheter Epiphone en 1957 et contrôle dès lors sa concurrence. Ils utilisent donc la marque pour sortir des modèles qui ressemblent beaucoup aux modèles Gibson, mais ne sont pas vendus dans les mêmes magasins : la ES-330 chez Gibson devient la Casino chez Epiphone par exemple. En 1958 et 59, Epiphone lance donc ses modèles solid body, inspirés par les Les Paul Special et Junior de Gibson (la Les Paul Standard n'aura pas d'équivalent Epiphone) : la Crestwood avec ses deux mini humbuckers, la Coronet qui n'en a qu'un, puis la Wilshire avec ses deux P90.

Epiphone Coronet USA - Aperçu de la guitare électrique

La Coronet a notamment connu son heure de gloire entre les mains de Steve Marriott, le chanteur et guitariste de Humble Pie (l'autre guitariste n'était autre que Peter Frampton), en tant que guitare d'overdubs de Johnny Marr pour certains gros singles des Smiths, ou encore avec Alex Turner (Arctic Monkeys), Pete Doherty (The Libertines) et Vigilante Carlstroem (The Hives). Ça sent bon le punk et le rock indie tout ça... Et pour cause : ces modèles ont été oubliés des collectionneurs qui préféraient les Gibson et ont longtemps été beaucoup moins chers.

Dans les années 70, Epiphone est ensuite devenue la marque bon marché de Gibson, proposant des versions asiatiques des grands classiques de la maison-mère, même s'il y a eu quelques épisodes ponctuels de production américaine. Enfin, très récemment, Epiphone a lancé une vraie gamme USA avec des acoustiques et des électriques : la Fronteer Chris Stapleton, la Fronteer Standard, la Texan, la Casino, et la nouvelle

Coronet, qui est donc la seule solid body du lot.

Embouteillage sur la petite couronne

Le nom de la Coronet est évocateur : en anglais britannique, coronet évoque une couronne d'un rang inférieur à celui du Roi ou de la Reine. Autrement dit, plusieurs porteurs ont le droit à une coronet alors qu'un seul a droit à la crown. Côté américain, le terme est associé au monde automobile, puisque la Coronet est un modèle de voiture de Dodge, une marque dont l'usine se situe dans le Michigan, à 200 kilomètres de l'usine Gibson de Kalamazoo. La Dodge Coronet est une version moins luxueuse de la Dodge Royal, autrement dit, le message est exactement le même que pour la couronne britannique : c'est une version moindre de ce qui se fait de mieux.

Autrement dit : c'est une Junior ! Le principe de la Les Paul Junior est exactement le même que ce que nous en dit ce nom de Coronet, c'est une guitare qui reprend la forme et l'essentiel des attributs de la luxueuse Les Paul (qui est sans conteste le joyau de la couronne Gibson) mais dans une version plus accessible, "démocratique" diront certains (ce qui sous-entendrait que la démocratie a un côté cheap, point de vue dangereux en ces temps troubles).

Epiphone Coronet USA - Avec étui

Que garde-t-on de la Junior dans la Coronet ? Structurellement, on est dans deux modèles ultra proches. On garde la forme à deux pans coupés arrondis (en place depuis 1958 sur la Junior), le corps en simple acajou sans table rapportée, le manche collé acajou à diapason court, la touche palissandre, les décorations inexistantes (les repères de touche en points, pas de binding de corps, de touche ou de tête), la tête 2x3 (même si la Coronet passe au 1x6 en 1963), le chevalet wraparound (à ce jour mon préféré chez Gibson, désolé pour le Tune-o-Matic) et le micro unique, ici un P90 comme sur la Junior, qui apparaît sur la Coronet en 1959 (les premiers modèles avaient un mini humbucker).

Pour autant, cette Epiphone Coronet USA ne reprend pas les caractéristiques d'une année précise, c'est un modèle USA Standard (comme la SG Standard par exemple) et pas une réédition du Custom Shop, et à ce titre elle représente un mélange qui n'a jamais existé. La petite plaque de protection et les superbes boutons carrousel sont le signe d'un exemplaire de la première année de production (1958), mais le P90 est apparu en 1959. Même la forme évoque la première version, puisque les angles s'arrondissent pour la version du début des années 60, celle qui a la grande plaque, le P90 et qui n'a plus le logo bikini. Autrement dit, on croirait presque une 1958 modifiée avec un P90 (soap bar plutôt que dog ear, ce qui n'a jamais existé), mais cette version « moderne » a en plus un manche plus fin type Slim Taper, un sillet un peu plus large, un corps un peu plus fin et un sillet Graph Tech.

Coronet et précis

La prise en main est typique d'une Gibson actuelle : on s'y sent vite à la maison, la finition pourrait être un cran au-dessus (le sillet est bien anguleux), et le manche invite aux riffs comme aux solos. Il ne devrait pas déplaire à grand-monde, même si je dois bien avouer que personnellement, un profil plus proche de l'original (arrondi 58 ou 59) aurait plus été dans mes cordes. À vide, la résonance est bonne et on sent déjà le côté cinglant et nerveux de la bête.

Tout cela se confirme une fois branché dans un ampli à lampes à peine poussé : on sent bien que la Coronet veut grogner, et qu'elle ne se contentera pas longtemps d'un bête son clean. Donnez-lui un morceau de crunch à ronger, et on comprend immédiatement ce qui a fait le succès des guitares à un micro fabriquées à Kalamazoo. L'unique P90 est brillant sans être trop agressif, rond sans être sombre, juteux mais pas incontrôlable, et il réagit très bien à la dynamique de votre attaque main droite. C'est typiquement le genre de guitare sur laquelle vous pourrez faire tout un concert avec un ampli poussé et zéro pédales, en jouant seulement sur votre coup de médiator et l'ouverture des deux potards, qui sont ici intéressants sur la fin de leur course, mais mériteraient d'être plus progressifs (ce ne sont pas les options qui manquent).

Détails corps Epiphone Cornet USA Collection

À qui s'adresse l'Epiphone Coronet USA ? C'est une aubaine pour le fan de Les Paul Junior qui ne veut pas la même guitare que tout le monde. À 100 euros de plus qu'une Junior single cut Standard, on retrouve ce qui fait le charme du modèle depuis 1954, sa simplicité, le côté élastique des sensations de jeu (en partie dû au wraparound) et le son suprêmement rock de l'unique P90, son côté malpoli et direct que l'on peut sculpter grâce aux deux contrôles. Visuellement, le logo bikini et les boutons carrousel donnent une classe peu commune à l'instrument, et il n'existe pas de version double pan coupé de la Junior dans la gamme USA Standard, donc la Coronet y trouve naturellement sa place. C'est un instrument classique pour ceux qui ne veulent pas la guitare de monsieur tout-le-monde, et à ce titre elle devrait connaître un joli succès auprès des musiciens de rock, de punk et de blues anticonformistes.

Prix : 1799 euros avec étui rigide Epiphone

Les plus

• Le son bien typé du P90
• La réactivité dynamique
• Le look, notamment le logo bikini
• La philosophie du modèle et de la marque

Les moins

• La course des potards pas assez progressive
• La finition du sillet bâclée

Distribution Gibson France

Test de l'Epiphone Coronet USA Collection, une Junior en bikini