Les temps sont durs pour les férus de scène et de musique vivante. Les stacks prennent la poussière, la sono de 5 kilowatts, sous sa bâche dans le garage, devient le loft d'une famille de mulots primo-accédants. La structure d'éclairages trouve une seconde vie dans le jardin, envahie par les plantes rampantes... Johnny, songeur, regarde son bureau, son nouveau PC fraîchement acquis et ses guitares. Il va falloir se remettre à faire du son à la maison, que le monde ne croie pas que sa fièvre créatrice est tarie. Au boulot, et pour commencer... un petit tour sur le net pour se trouver une bonne interface audio ! Tiens, quelle est cette belle machine noire et argent ?

Arturia est une société française plutôt jeune mais dynamique fondée en 1999 par deux ingénieurs et musiciens, Frédéric Brun et Gilles Pommereuil. La marque se fait vite un nom dans le marché pourtant déjà très riche des instruments électroniques en proposants des synthés et autres boîtes à rythmes au son puissant et de très belle qualité. Au fil du temps, l'offre s'est élargie et Arturia s'est mis à proposer des contrôleurs MIDI, mais aussi une ligne d'interfaces audio nommée Audiofuse, dont nous allons étudier le "vaisseau amiral", la Studio.

 

Un déballage de fonctions

À l'ouverture de la boîte, je laisse poindre une moue d'approbation. La Audiofuse Studio est livrée avec son alimentation, deux adaptateurs MIDI Jacks vers DIN, deux câbles (USB-C et USB-C vers USB standard) tressés de belle qualité, et un petit guide de démarrage rapide. Fait inhabituel, nous avons un petit "certificat" comportant les mesures de qualité sonore effectués sur l'interface, attestant que notre exemplaire est conforme aux exigences du constructeur. Ça sent le pointu! 

Quant à la machine elle-même, c'est un très bel objet, élégant dans sa finition noire brossée et ses boutons métalliques. Le boitier est lourd et stable et à l'allumage les rétro-éclairages et vumètres sont du plus bel effet. À côté de ton MacBook dernier cri sur ton bureau en noyer ciré, elle ne dénotera pas et tu mettras vite fait une photo de ton setup sur Insta avec une jolie lumière et un mug de thé bio. Cependant, la finesse des finitions laisse présager d'une certaine fragilité et me fait douter que la Studio soit adaptée à un usage nomade.

Comme de plus en plus souvent, l'installation des logiciels, pilotes et autres bundles passe par un enregistrement sur le site du constructeur et le téléchargement des applications. Cela ne devrait pas poser de problème au home-studiste moyen, d'autant que la machine ne s'adresse pas vraiment aux débutants, comme nous allons le voir par la suite. 

D'ailleurs en parlant de bundle, la Studio est livrée avec la "Audiofuse Creative suite", soit un ensemble logiciel de sept plug-ins d'effets modélisant des machines de studio bien connues, et l'instrument virtuel Analog Lab lite. Un bundle pas dingue par la quantité, mais cohérent et de qualité.

Les connectiques audio fusent

Un tour d'horizon visuel de la machine laisse admiratif car il semble que Arturia n'aient oublié absolument aucune fonction ou connectique utile.  À l'avant, deux sorties casque indépendantes (et à la fois en Jack et mini-Jack, ça c'est cool !) et les quatre entrées "combo" des préamplis "DiscretePRO". Chacune de ces entrées est accompagnée sur la façade d'une tranche de console comportant un vumètre, un réglage de gain, une alim fantôme pour les micros statiques et les boites de direct actives, et des switches "inst" et "range" pour adapter la réponse du préampli à la source branchée. Plus rare sur une interface audio, un switch d'inversion de phase permet de gérer dès l'entrée d'éventuels soucis avec une prise multi-micros. Bien vu ! 

À droite des tranches de console, une section monitoring plutôt très complète comporte un master volume avec une fonction de mute, un Dim (pour baisser le son rapidement et facilement), un bouton pour basculer en mono et la possibilité de sélectionner les moniteurs sur lesquels on veut écouter son mix. On notera également des switches "cue" qui sont là aussi une fonction avancée pour les studistes expérimentés. Chaque casque comporte également une partie des fonctions suscitées ainsi qu'un bouton de volume. 

Enfin pour en terminer avec la façade, un bouton pour connecter une source Bluetooth, un talk back (le truc sur lequel tu appuies pour dire dans le casque à ton batteur qu'il a bougé et qu'il faut refaire une prise, ça t'apprendra à pas bosser au métronome chez toi, feignasse) et un petit bouton avec le logo Arturia qui rappelle automatiquement le logiciel de gestion/mixage de l'interface. Pratique !

À l'arrière, encore une fois les connections sont nombreuses et complètes. Conformément à la section de monitoring, nous avons bien deux sorties stéréo pour les moniteurs. Quatre entrées ligne viennent compléter les préamplis, dont deux doublées au format RCA pour rentrer une platine ou un matériel hi-fi. Quatre inserts permettront d'appliquer directement des effets hardware à la prise sur les entrés préamplifiées, et deux sorties supplémentaires pourront permettre un monitoring supplémentaire ou du réamping par exemple. Enfin, des entrées et sortie numériques S/PDIF et ADAT ouvrent la porte à une augmentation des pistes enregistrables en simultané de la Audiofuse par l'ajout d'autres matériels. 

Petite cerise sur le gâteau, les entrées/sorties MIDI pour contrôler des appareils externes, mais aussi 3 ports USB faisant servir la Audiofuse de hub. Cela veut dire que l'on pourra brancher dessus par exemple des dongles (Ilok...) ou des contrôleurs comme un clavier maître sans solliciter d'autres ports USB de l'ordinateur. Très bien vu !

Le roi Arturia

Une fois les logiciels installés et la machine branchée, je fais un petit tour de ce qui m'est offert tant sur l'écran que sur le logiciel de gestion. Petit détail qui fait plaisir, le rétro-éclairage blanc est du plus bel effet et d'une luminosité parfaitement équilibrée. Les vumètres sont également réactifs et d'une bonne lisibilité. C'est élégant tout cela Jean-Rodolphe, moui !

Hoooo c'est zoli.

On notera que les entrées de préampli sont automatiques et que les options ne s'affichent que quand quelque chose est branché. Les paramètres sont aussi bien accessibles via l'ordinateur que les boutons physiques, ce qui s'avère d'une grande souplesse d'utilisation. Enfin, il est possible d'entièrement paramétrer ce qui est envoyé sur les différentes sorties (main speakers A et B, cue mixes, phones) afin que chaque point d'écoute soit pertinent et adapté à son usage. Je pourrais passer des pages à vous détailler les usages spécifiques de certaines configurations, des cue mixes, des différentes écoutes mais ce n'est pas le sujet. Qui sait, peut-être pour un prochain article ? En tout cas la Audiofuse Studio confirme encore une fois sa polyvalence et sa souplesse d'utilisation tout à fait dignes de matériel pro.

Le Audiofuse control center, simple mais complet

Enfin, j'ouvre mon bon vieux Cubase et après avoir réalisé un petit setup qui va bien, fait quelques enregistrements et traitements. Comme je m'y attendais, la qualité est encore une fois au rendez-vous. Les préamplis sont de belle qualité avec énormément de clarté et un souffle absent, même en bout de course. On a largement assez de réserve de gain pour des micros à ruban, et la couleur des statiques est très bien respectée ... Bref, difficile de mettre la Audiofuse en difficulté, bien entendu sous peine qu'elle soit branchée sur une machine elle-même assez performante. Ton vieux pentium III et ses 512ko de SDRAM, il va falloir songer à s'en débarrasser hein, c'est pas comme les guitares, il ne sonnera pas mieux dans 20 ans parce que le processeur est vintage et que le clavier aura un natural relic. 

J'ai pris un réel plaisir à enregistrer et mixer ces quelques notes avec la Audiofuse, tant par son ergonomie que par la qualité des rendus. Je n'ai à aucun moment réussi à me dire "oh, dommage qu'il n'y ait pas ça". Seuls ceux qui aiment travailler avec des préamplis colorés ou qui ont besoin de plus d'entrées (parce que ce relou de batteur a topé deux tomes basses, des rotos et une seconde caisse claire pour augmenter son kit) auront à investir pour du matériel supplémentaire.

Enregistrements: 

 - Guitare: Fender Strat mex 60th anniversary, micros Tom Anderson. Prise directe avec simulation d'ampli Nembrini BST100 V2.
 - Basse : Ibanez SR300L. Prise directe, aucun traitement.
 - Chant : Rode NT1, prise directe. Déesseur Steinberg et compression IK MultiMedia Black 76.

Conclusion

La Audiofuse studio, de par son prix assez élevé (mais justifié) et ses fonctionnalités avancées, ne se destine clairement pas au home-studiste débutant ou occasionnel. Il s'agit plutôt d'un outil extrêmement complet et de très grande qualité destiné à devenir le moteur et le poste de pilotage d'un environnement de travail pour le compositeur ou producteur ayant besoin d'une solution compacte et tout-en-un. Après recherche, je dirais même qu'elle n'a pas de concurrence car aucune autre interface de format bureau ne propose un tel ratio entre fonctions et qualité. Si elle correspond à ton besoin et ton budget, tu peux y aller les yeux fermés. Enfin non tu vas te cogner, mais tu as compris ce que je veux dire, rholala, les gens sont tellement premier degré, pfouh...

Bref, encore une que je garderais bien mais que je peux pas, tiens. C'est frustrant d'être testeur parfois, t'as pas idée.

Ça s'intègre très bien dans mon setup je trouve, voui.

Les plus

 - Qualité audio.
 - Fonctions extrêmement complètes.
 - Ergonomie.
 - Offre logicielle pertinente et de qualité.

Les moins

 - Clairement pas tout public par son prix et sa complexité.
 - Semble trop fragile pour un usage nomade.

Test de l'interface audio Arturia Audiofuse Studio