Double ration de faucon
On se doutait déjà de quelque chose au moment où Gibson a racheté la vénérable marque Mesa / Boogie, les inventeurs de l'amplification boutique, en 2021, mais ils ont bien pris le temps de réfléchir à leur premier lancement et on ne peut que leur donner raison face à ce superbe Dual Falcon. Il s'agit du troisième ampli de la gamme Falcon, qui compte le Falcon 5 (petite puissance, un haut-parleur de 10 pouces), le Falcon 20 (12 watts, un haut-parleur de 12 pouces), et ce nouveau venu qui nous intéresse aujourd'hui, qui reprend le circuit du Falcon 20, mais avec deux hauts-parleurs de 10 pouces, d'où son nom de Dual Falcon.
Au déballage, aucun doute quant à la filiation avec Mesa Boogie : on retrouve l'excellent degré de finition typique de la marque californienne, le côté rassurant d'un bel engin fait aux États-Unis. La finition Cream Bronco du revêtement vinyle avec un cache haut-parleur Oxblood (marron) sent bon le vintage, et pour cause, puisque c'est un hommage au Falcon original, le GA-19RVT. GA pour Gibson Amps, 19 pour le placer dans la gamme (et pas pour une puissance qui n'est pas de 19 watts), RV pour reverb et T pour tremolo. Cette version cosmétique de l'ampli n'était disponible qu'en 1960 et 1961, et c'est la plus convoitée par les collectionneurs à l'heure actuelle, même si elle a longtemps été considérée comme un bon moyen d'avoir le son d'un Fender Deluxe tweed vintage à moindre coût. Le Deluxe tweed est un circuit que l'on retrouve dans de très nombreux amplis, vintage ou boutique actuels (et il n'était d'ailleurs pas sorti de nulle part à l'époque), et il y a une bonne raison pour cela. C'est un schéma relativement simple, au sein duquel chaque élément compte, et quand il est bien fait, c'est un ampli qui donne un crunch chaud, épais et dynamique qui a influencé l'histoire entière du rock à distorsion. Rien que ça.
Le vrai son du faucon
Mais pour l'heure revenons à notre faucon. Le Gibson Dual Falcon 20 reprend donc les caractéristiques du Falcon 20, on retrouve donc la reverb et le trémolo à lampes footswitchables (via un footswitch fourni bien balèze) et l'étage de puissance à deux lampes 6L6 ou 6V6. On peut choisir l'une ou l'autre sans avoir à refaire régler le bias par un professionnel, ce qui est une véritable aubaine pour les bidouilleurs, et on obtiendra environ 12 watts avec des 6V6 contre 14 watts avec des 6L6, les lampes qui étaient installées dans l'exemplaire testé. Le Dual Falcon justifie son nom par ses deux hauts-parleurs Jensen Blackbird 10 mais aussi par ses deux canaux indépendants. Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, il ne s'agit pas d'un canal clair et d'un canal crunch ou saturé, et l'on apprécie ici la retenue dont a fait preuve Randall Smith, concepteur de l'ampli et fondateur de Mesa Boogie. On connaît son goût pour les switches dans tous les sens, mais le Falcon est bien un ampli Gibson et donne dans la sobriété et la simplicité d'accès. Les deux canaux sont donc en réalité deux canaux identiques, et ils présentent donc les mêmes réglages de Volume, de Tonalité, de profondeur de la Reverb et de puissance, un réducteur à trois positions qui permet de passer de pleine puissance à mi-puissance (6 watts environ) et à puissance minimale (2 watts). Seuls les deux réglages du trémolo (profondeur et vitesse) sont communs aux deux canaux. On peut donc par exemple avoir le même son, mais avec un côté plus sombre et un côté plus brillant pour s'adapter à des parties d'un morceau, ou un son très clair avec puissance maximale et grosse reverb sur un canal et un son crunchy à mi-puissance et moins noyé sur l'autre. Tout est possible, et les deux canaux sont évidemment footswitchables.
Faucon parle
Le volume est bien évidemment le réglage le plus important, puisque le Gibson Dual Falcon 20 est un ampli façon vintage qui n'a pas de master volume. Autrement dit : si vous voulez cruncher, il faut monter ! Dans le premier tiers de la course du potard, on garde un beau clean qui fera une bonne base pour les fous de pedalboard, surtout avec l'entrée 2 qui a un niveau moindre, et l'on apprécie immédiatement les qualités sonores indéniables de ce bijou. C'est ample, c'est large, c'est chaud et clair à la fois, chaque nuance est parfaitement rendue (chaque pain aussi !), et la reverb comme le tremolo viennent envelopper le tout avec une élégance absolue.
Mais si vous cherchez uniquement une plateforme clean, d'autres amplis seront sans doute plus adaptés, et le gros plaisir du Dual Falcon vient dès que l'on pousse le volume de l'animal. Ça viendra plus ou moins vite en fonction de vos micros, mais à la moitié du volume on est déjà dans le gros crunch bien joufflu, celui-là même qui a inspiré Jim Marshall pour ses premiers combos. On retrouve d'ailleurs cette attaque immédiate du Bluesbreaker avec l'épaisseur du tweed Deluxe, un vrai régal ! Le seul problème est que ce régal développe un volume conséquent, et si on ne joue pas sur scène ou en répète le Falcon rugira sans doute trop. Alors oui, il y a les deux réducteurs de puissance, mais je n'ai pas du tout retrouvé la sensation jouissive du plein volume, même à mi-volume seulement (et en volume minimal n'en parlons pas). Je me suis donc fait mal en jouant au vrai volume, mais ça valait la peine. Pour ceux qui voudront ce genre de son à un niveau exploitable pour la maison, il vaudra mieux se pencher sur le Falcon 5.
Enfin, magnifique surprise en bout de course du potard de volume : à force de s'écraser et de gagner en compression (puisqu'à partir des deux tiers on ne gagne plus en volume perçu), on arrive au maximum à un son de fuzz qui s'écrase dans les graves, un effet d'ampli au bord de l'implosion qui évoque les grandes heures de Neil Young. C'est le genre de son pour lequel on veut un ampli vintage, mais le Dual Falcon nous le met à disposition avec la fiabilité d'un modèle moderne haut de gamme, et la flexibilité des deux canaux.
Entre la reverb, le tremolo et les deux canaux, je me vois tout à fait faire un concert entier en direct dans le Gibson Dual Falcon 20 sans pedalboard, et je pense que je serai parfaitement heureux. Malgré un prix qui le réserve aux plus riches (ou aux acharnés prêts à s'endetter), on ne peut que se réjouir de la naissance d'un nouveau modèle d'ampli qui n'est pas simplement un Mesa Boogie déguisé en Gibson, mais un très bel hommage au charme intemporel des vieux coucous.
Les plus
- Les sons merveilleux, fidèles à l'esprit vintage
- Le concept en équilibre entre présent et passé
- Le look et la qualité de finition
- La reverb et le trémolo, surtout footswitchables
Les moins
- Les réducteurs de puissance rendent le son bien moins intéressant
- Le prix, justifié pour du made in the USA, mais violent quand même
Prix de vente chez Thomann : 2 790 €